"Michel, tu apprends bien en classe, mais tu as encore la tête dans les nuages", reprochait souvent l'institutrice de ce gamin rêveur. Michel rêvait devenir ingénieur en météorologie. Mais avec un père maçon et bûcheron, une mère femme de ménage, le manque d'argent en a décidé autrement. Michel Leprince, "91 ans trois quarts", comme il en rit, a néanmoins voué sa vie à sa passion : la météo.
"Je notais tout sur des carnets
et j'envoyais ça une fois par mois"
"Lorsque j'étais ado, j'ai été cuisinier avec maman lors de la reconstruction de l'après-guerre, on faisait à manger pour 55 personnes." Puis le mariage, quatre garçons, "j'ai été cultivateur durant de nombreuses années au Lignou de Briouze". Un ami qui tombe malade lui cède sa place pour effectuer les relevés locaux pour Météo France, "tous les matins et tous les soirs", précise Michel, "avec aussi la température la plus élevée et la plus froide de la journée".
C'est le relevé des températures, mais aussi de la pluviométrie, s'il y a du brouillard, du givre, ou du verglas. "Et quand il y avait des orages, je devais envoyer un compte rendu le jour même ou le lendemain : heure de début de l'orage, sa durée, l'intensité des éclairs et du tonnerre, le volume d'eau, la dimension des grêlons avec des grilles pour les mesurer", se souvient Michel. À l'époque, Internet n'existait pas et tous ses relevés ont voyagé par la Poste. "Je notais tout sur des carnets et j'envoyais ça une fois par mois. Au début c'était à Alençon, à la fin c'était à Caen."
Un siècle d'archives
"J'ai tout depuis 1900", souligne fièrement Michel, qui travaille sans ordinateur ni smartphone : tout est répertorié à l'ancienne, dans des carnets manuscrits. Michel Leprince garde très précieusement tous les relevés météo d'un siècle, y compris ceux de son prédécesseur. Dans trois petites boîtes, trois médailles : de bronze, d'argent et d'or, pour services rendus quotidiennement, pour Météo France.
La modernité est passée par là et, désormais, les relevés météo sont automatisés, informatisés… Michel Leprince ne fait plus de relevés "officiels" mais chaque matin et chaque soir, pour son bonheur personnel, comme au premier jour, il continue d'aller au fond de son jardin, y ouvre sa petite cabane météo qui abrite toujours des thermomètres à l'argent et au mercure, pour y relever la température qu'il fait.
Au fil des années, sa passion est restée intacte et Michel Leprince à toujours la tête dans les nuages…
Selon Michel Leprince, l'évolution climatique ne date pas d'aujourd'hui
Lui qui a relevé les températures durant toute sa vie constate qu'un certain dérèglement a toujours existé.
Michel Leprince tourne les pages manuscrites des cahiers étalés sur la table devant lui : "Une année, on a eu jusqu'à 44°C." Et quelques pages plus loin : "On a aussi eu des années très froides. À l'époque, on récoltait le grain avec des faucilles et ensuite, on allait au moulin. Une année, il ne pouvait pas fonctionner et écraser le grain pour faire de la farine durant l'hiver, car la rivière était gelée." Michel retrouve la date du 8 mai 1923 dans les archives de son prédécesseur, quand "la région entre Domfront et Briouze a été traversée par un cyclone qui a fait de gros ravages".
De la neige le 1er mai 1945
En 1945, "on a eu trois mois de chaleur en février, mars, avril. Et le 1er mai, il a fait -6°C, on a eu 80 centimètres de neige. Quand on regarde les cernes dans les troncs d'arbres, celles de cette année-là sont à peine visible. Celles de 1946 sont aussi à peine visibles, mais cette année-là, c'était une invasion de hannetons qui ont mangé toutes les feuilles des arbres". Pour ne pas oublier cette anecdote, ni plein d'autres, Michel rédige une synthèse de chaque année écoulée, qu'il conserve très précieusement dans un cahier. Et de conclure avec philosophie : "On parle beaucoup en ce moment des accidents du climat, mais ça ne date pas d'aujourd'hui. Dans notre région nord-ouest, on n'est pas si mal"
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