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Caen. Le marché locatif est bouché : quelles sont les raisons ?

Habitat, immobilier. La tension du marché locatif à Caen vient de franchir un nouveau cap. Depuis le 25 août, la ville est placée en zone tendue. Quelles en sont les conséquences et les raisons ? Comment prédire l'avenir ? Décryptage.

Caen. Le marché locatif est bouché : quelles sont les raisons ?
L'attractivité de Caen est une des raisons majeures de cette pénurie de logements. Mais elle est loin d'être la seule.

Se trouver une location à Caen n'est pas chose aisée depuis plusieurs années. C'est visiblement pire depuis quelque temps, puisque la ville a été place en "zone tendue" à la fin du mois d'août. Concrètement, qu'est-ce que cela implique ? "Il s'agit d'une zone où les pouvoirs publics identifient une forte demande et une faible offre, ce qui pousse les loyers à augmenter, commente François Perron, notaire. Ce décret stipule que désormais, les préavis ne sont que d'un mois, contre trois habituellement. Autre chose, les loyers sont encadrés pour ne pas flamber." Il faut dire que la demande est telle que les agents immobiliers se font "bombarder" à chaque annonce déposée. Ce sont les mots d'Aurélien André, gérant d'Agent.cie. "C'est hallucinant, en une journée, j'ai reçu plus de 40 contacts pour avoir publié un bien sur un site d'annonces en ligne", relate-t-il. Lui aussi constate une pénurie de logements proposés, ce qui implique une augmentation des prix, la base de la loi du marché, mais la hausse est dorénavant encadrée par un décret, vous l'aurez compris.

Les raisons de cette pénurie ?

Elles sont multiples. Commençons par l'exode des Parisiens vers la province. "Pas plus ici qu'ailleurs, mais c'est un des facteurs", affirme François Perron. La difficulté d'acheter, et donc le report de nombreux déçus vers la location est un autre facteur (voir par ailleurs). L'augmentation du coût de la vie est aussi à prendre en compte. "Avec la hausse du prix de l'essence, beaucoup de gens vivant en campagne souhaitent se rapprocher de la ville, pour ne plus faire autant de kilomètres", souligne Aurélien André. Enfin, comme de nombreuses villes, Caen est touché par le développement des logements saisonniers, facilité par Airbnb. "Ça a explosé ici, s'emporte le gérant d'agence immobilière. L'attractivité touristique se développe, et la Ville va devoir mettre en place des mesures pour contrer le phénomène." "Cela retire automatiquement des logements à l'année", prolonge François Perron.

Mais d'autres facteurs sont plus propres à la ville caennaise. Avec ses nombreux bâtiments de la Reconstruction, Caen est très concernée en matière de passoire thermique. Si c'est déjà le cas pour certains, sans travaux, de nombreux appartements ne seront plus louables d'ici quelques années. "C'est vertueux, mais ça fait empirer la situation", déduit le notaire. "Ce qui est pervers d'ailleurs, c'est que ces appartements énergivores ne peuvent être loués, mais ils peuvent être mis à la location saisonnière. Les propriétaires choisissent cette option pour des raisons économiques parfois, car effectuer les travaux sans les aides de l'État coûte cher", remarque Aurélien André.

Et puis il faut bien dire une chose : Caen attire. Régulièrement, des classements la positionnent comme un lieu où il est agréable de s'installer. Une ville proche de la mer, dans une région séduisante, et qui plaît également aux étudiants, devant pour la plupart se loger temporairement : ils sont plus de 30 000. Oui, Caen a bien des atouts, et c'est peut-être aussi son plus grand défaut.

Trouver un logement, la galère pour eux

Témoignages de néo-Caennais ayant eu mal à se trouver une location dans la ville.

Ils en ont directement fait les frais. À la recherche d'un logement à Caen, certains se sont vite rendu compte que l'aventure s'annonçait très complexe et qu'il fallait un coup du sort pour que le logement réponde à tous les critères principaux. Hugo Hamel est étudiant en deuxième année d'histoire à l'université de Caen. Comme beaucoup d'étudiants, il est touché par cette difficulté locative car il doit trouver un logement dans l'urgence, sans un budget important.

Habitant à Alençon, Hugo Hamel souhaitait donc se trouver un logement proche de son campus. Si l'an passé il bénéficiait d'une chambre au Crous, cette année, il a essuyé sept refus sur sept sites différents. La raison ? "Je ne sais pas, car pourtant je suis boursier. C'est juste qu'il n'y a pas assez de places pour tous les candidats", regrette-t-il.

Pas de logement avant la rentrée

Arrivé la mi-août, il se résigne à devoir chercher autre chose. Particuliers, agences immobilières, bailleurs sociaux… "J'ai répondu à au moins une cinquantaine d'annonces", assure-t-il. Les jours avancent, la rentrée approche, et rien ne se décante. "Je commençais à avoir peur, c'était une grande période de stress." Une solution avait tout de même été trouvée, dormir chez un ami. "Mais ça ne pouvait qu'être provisoire, je n'allais pas rester éternellement chez lui." Et puis la veille de la rentrée, enfin la bonne nouvelle. "J'ai visité un appartement, et le jour même, j'ai signé les papiers et j'ai emménagé." Une bonne nouvelle, mais pas tant que ça. "J'ai pris ce qu'il y avait, donc je me retrouve à 30 minutes de bus de l'université, avec un logement au-dessus de mon budget." Conséquence, "je suis obligé de demander à mon père de faire des sacrifices, et je me restreins en faisant les courses, je garde mon argent pour le strict nécessaire".

Prendre "ce qu'il y a"

Devoir faire une croix sur certains critères pourtant établis à l'avance, c'est le sort de la plupart des chasseurs d'appart. C'est le cas de Christopher Bourget. S'étant dégoté un emploi sur Caen, il avait un mois pour se trouver un lieu où vivre. À l'affût de la moindre nouvelle annonce sur Internet mais essuyant beaucoup de réponses négatives, ou pire, de non-réponses, il n'est parvenu à visiter que trois logements. "Il me restait deux semaines pour trouver, je n'ai pas eu le coup de cœur mais, comme mon dossier a été accepté, je l'ai pris", relate-t-il.

"Beaucoup sont contraints de prendre 'ce qu'il y a', ou au moins de faire des sacrifices sur ce qui les dérange le moins : la localisation, le nombre de pièces, le budget, ou sur la qualité énergétique", affirme Aurélien André, patron d'Agent.cie. Et Christopher Bourget ne déroge pas à la règle. "Il est un peu plus loin de mon travail que prévu, c'est un immeuble plutôt ancien, et je me retrouve avec une centaine d'euros au-dessus de mon budget", concède-t-il. Déjà, il "réfléchit à déménager", et se donne quelques mois pour s'investir à nouveau dans une recherche d'un appartement plus en adéquation avec ses envies. Et ce n'est pas le préavis d'un mois lié au placement de la ville en zone tendue qui sera pour le desservir.

"L'hypothèse la plus probable est que la tension du marché locatif va empirer à Caen"

Caen. "L'hypothèse la plus probable est que la tension du marché locatif va empirer à Caen"
François Perron n'est pas très optimiste quant à l'avenir du marché locatif dans la ville.

François Perron est le vice-président de la chambre des notaires de Caen.

François Perron est le vice-président de la chambre des notaires de Caen.

Cette zone tendue permet-elle
d'interrompre la crise en cours ?

"Elle permet au moins de limiter la surenchère et d'éviter des choses déraisonnables. Elle protège les locataires, évite une augmentation galopante des loyers, alors que le coût de la vie devient étouffant. C'est une moins bonne nouvelle pour les propriétaires, qui ne peuvent plus augmenter le loyer comme ils le souhaitent, alors que d'un côté, les charges augmentent quand même."

Si l'on veut louer à Caen,
quelles sont les solutions actuellement ?

"Il me faudrait une baguette magique pour répondre. Nous sommes soumis à la loi de l'offre et la demande. Face à la récente augmentation des loyers, les locataires se tournent plutôt vers des petits volumes, vont vers les logements de la reconstruction ou se tournent même vers la périphérie du centre. On fait un sacrifice sur le confort ou la proximité."

Comment peut-on imaginer
le futur du marché locatif à Caen ?

"Malheureusement, l'hypothèse la plus probable est que ça va empirer. Il y a tout de même des initiatives qui sont mises en place. Cette 'zone tendue' déjà, pour limiter la casse, mais aussi des nouveaux baux, comme celui à durée réduite. Nous n'avons pas encore de retour d'expérience car il est jeune, mais ce sont des tentatives intéressantes. Il faut trouver une souplesse dans la location, tout en trouvant un cadre juridique équilibré."

"Quand on ne peut pas acheter, on loue"

Caen. "Quand on ne peut pas acheter, on loue"
La conjoncture économique est telle qu'il est difficile de devenir propriétaire en ces temps. Alors beaucoup se rabattent à contrecoeur sur le marché locatif, déjà trop bouché.

Les déçus de l'achat se rabattent sur la location.

Un constat très simple : il est actuellement difficile d'acquérir un bien. Les taux sont très élevés et rien n'indique que la tendance à la hausse devrait s'inverser, alors que le prix de l'immobilier augmente également. "Les logements saisonniers sont rentables, donc certains investissent, faisant grimper les prix", remarque Aurélien André, gérant d'Agent.cie. Après une période de forte intensité immobilière, qualifiée de "frénésie", François Perron, notaire, remarque que "les dossiers de financement sont bien plus difficiles à constituer. Alors, quand on ne peut pas acheter, on loue". Résultat, les déçus se rabattent sur un marché déjà saturé. "Souvent, les particuliers qui se rendent compte qu'acheter n'est pas possible restent dans leur location, par peur de ne rien retrouver. Conséquence, il n'y a pas assez de roulement", regrette Aurélien André.

La politique nationale en cause

"Emmanuel Macron ne mène pas une politique pro-logement, donc d'ici quatre ans et les prochaines élections présidentielles, je ne vois pas la situation s'inverser, d'autant plus que l'inflation est toujours là", analyse Aurélien André. Selon lui, des difficultés touchent déjà les promoteurs immobiliers, de quoi apporter une "surcrise dans la crise". Seule solution pour débloquer le tout : "que les gens puissent racheter". Mais pour cela, il faut attendre que les prix baissent suffisamment, "d'environ 20 %, ce serait bien".

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