C'est un grand classique qui revient à chaque automne. Les champignons attirent de nombreux promeneurs dans nos forêts de l'Orne.
Des promeneurs aux ambitions parfois bien différentes
Ces cueilleurs occasionnels se répartissent en trois grandes familles, à commencer par les gourmands qui ont chacun leur terrain tenu jalousement secret, où se nichent girolles, trompettes-de-la-mort et autres bolets. Dans un registre complémentaire, les mycologues arpentent également nos forêts. Eux sont à la recherche de la pièce inédite, du champignon rare, pour affiner leurs connaissances dans cette science qui consiste à identifier les champignons ; un savoir qu'ils partagent bien volontiers avec les béotiens que sont la majorité des cueilleurs. Enfin, on croise aussi quelques pharmaciens ou quelques scientifiques qui ressemblent à la catégorie précédente, mais avec un savoir souvent encore plus impressionnant sur les champignons.
Cet automne 2023 sera-t-il un bon cru pour trouver des champignons ?
Selon plusieurs passionnés, il y a eu les grands classiques de l'été : les palomées, les russules verdoyantes, les cèpes d'été… Et il y aurait cette année davantage de cantarellacées (chanterelles, girolles, trompettes-des-morts), ces champignons appréciant les années pluvieuses, ce qui a été le cas en août, puis en septembre, avec les orages. Si chacun reste prudent et attend de voir la suite dans le courant de ce mois d'octobre, de l'avis général, les conditions climatiques augurent de belles poussées de champignons.
Un minimum de la science -compliquée- des champignons
Un mycologue d'expliquer : "Le mycélium, ce sont les filaments blancs qui sont dans la terre, c'est ça le réel champignon. C'est quand il vieillit qu'il fait les spores. Ce qui sort à la surface, ça n'est que l'inflorescence, l'organe reproducteur. Ce qu'on sait, c'est qu'il faut un choc thermique pour que les champignons apparaissent, comme lorsqu'il fait très chaud et qu'il y a un orage." Traditionnellement, l'automne avec sa pluie est la saison des champignons. Mais la mycologie, comme toute science, n'est pas toujours exacte et parfois il pleut, mais les champignons ne sortent pas.
Un appel aux jeunes générations pour continuer à se passionner
Davantage que la météo, c'est le renouvellement des générations qui interpelle les membres des différentes associations mycologiques de l'Orne. Toutes dressent le même constat : elles regroupent des passionnés, mais dont l'âge avance, et la relève n'est pas là. De nombreux groupes de mycologues dans l'Orne lancent donc un appel en direction des jeunes, pour renouveler leurs effectifs et découvrir cette passion dévorante pour les champignons. Chaussez les bottes, à vos canifs et à vos paniers.
La charte du cueilleurs de champignons.
Frédéric Disson, pharmacien et mycologue
Le pharmacien, un allié de bon conseil après votre cueillette de champignons.
"On a tous reçu une formation de base, explique Frédéric Disson. Chaque pharmacien doit pouvoir vous dire les champignons mortels, les toxiques, les comestibles, parmi les plus connus." Depuis toujours tourné vers la nature, le pharmacien de Saint-Pierre-d'Entremont a découvert les champignons lors de ses études. Passionné, il est désormais membre du groupe des mycologues de La Ferté-Macé. "C'est une science compliquée, on dénombre plus de 35 000 champignons, il y en a encore plein qui n'ont pas été découverts. Il y en a beaucoup avec un intérêt culinaire, mais il y a aussi tous les micromycètes, sortes de petites moisissures." Son conseil ? Être vigilant : beaucoup d'espèces de champignons se ressemblent. "Il faut connaître les confusions possibles et faire analyser sa cueillette par un vrai spécialiste."
Attention à l'intoxication
Le pharmacien déconseille vivement l'utilisation d'applis de reconnaissance des champignons sur Internet : "Pour bien les identifier il faut les voir, mais aussi les toucher, les sentir, voire les goûter et même écouter leur bruit quand on les casse… C'est comme une vraie enquête policière !" En cas d'intoxication accidentelle, il faut appeler le centre antipoison, aller à l'hôpital. Important à savoir : une intoxication qui apparaît rapidement n'est très souvent pas trop grave, en revanche une intoxication grave qui détruit des organes vitaux met généralement du temps à apparaître, parfois plusieurs heures.
Bellême, capitale européenne de la mycologie
De nombreuses associations d'amateurs de champignons organisent des sorties en forêts. Les Mycologiades de Bellême sont un rendez-vous international.
En 1952, le Bellêmois Albert Leclair, passionné de champignons, et un pharmacien local ont monté une première exposition de champignons pour le grand public. Cela fait plus de soixante-dix ans que cela dure et, cette année encore, ils étaient nombreux à venir de toute la France et même de l'étranger pour participer, du 28 septembre au 1er octobre, à la 71e édition de ces Mycologiades.
Désormais, ce rendez-vous annuel des amateurs de champignons s'adresse aussi bien aux amoureux de la gastronomie à la recherche de trompettes-des-morts, girolles et autres chanterelles, qu'aux mycologues amateurs qui veulent en savoir davantage sur les champignons, qu'aux étudiants en pharmacie et aux scientifiques avec la participation de mycologues de renom.
"Séparer les champignons que l'on connaît de ceux pour
lesquels on a un doute"
Le programme, ouvert à tout le monde, est immuable, avec des sorties commentées bottes aux pieds en forêt de Bellême avec ses sapins, ses chênes, ses hêtres qui permettent de trouver une diversité de champignons. Puis, viennent le tri de cette cueillette et l'identification des champignons, suivis de l'exposition répertoriée, par famille, de tout ce qui a été trouvé : pas moins de 405 espèces différentes en 2022. "Mais certaines années, on en trouve 600 ou 700 différentes", précise Daniel Jean, président des Mycologiades. Des conférences sont organisées, certaines pour les scientifiques et d'autres, plus accessibles, pour le grand public, comme cette année sur le rôle des champignons dans la forêt, ou sur les intoxications par les champignons.
2023, un bon cru ?
"Les conditions météorologiques sont favorables, on a eu un été chaud, on a eu de la pluie", détaille Daniel Jean à propos de la saison 2023. Il constate qu'avec le changement climatique, "on découvre de nouveaux champignons qu'on ne trouvait pas ici autrefois, qui jusqu'alors ne poussaient que dans le Sud". Le mycologue souligne que ce qui intéresse les scientifiques, c'est de découvrir de nouveaux champignons jusqu'alors inconnus, "des pièces rares qu'on n'a pas vues depuis des années. L'an dernier, on en a trouvé un que l'on n'avait pas vu depuis vingt ans !"
Pour devenir mycologue ? "Déjà, il faut aimer beaucoup marcher en forêt, parfois sous la pluie", sourit Daniel Jean. Ensuite, "il faut s'équiper d'un couteau et d'un panier en osier parce qu'on ne met jamais de champignons dans un sac en plastique… Un panier avec une cloison pour séparer les champignons que l'on connaît de ceux pour lesquels on a un doute". Le mycologue met en garde contre les confusions possibles entre champignons qui se ressemblent : "Les Mycologiades sont là pour apprendre à faire la différence", grâce à des passionnés très documentés. Pour les étudiants en pharmacie venus de Caen, Rouen, Laval, Rennes, Nantes, Lille, les Mycologiades proposent chaque année un concours de reconnaissance de différentes espèces de champignons. Celui qui en a identifié le maximum se voit glorifier d'un Cèpe d'Or !
"La cueillette de champignons dans les forêts de l'État n'est qu'une tolérance"
Aller cueillir des champignons sans autorisation dans une forêt privée est interdit. Il ne s'agit que d'une tolérance dans les forêts domaniales.
Trois questions à Isabelle Ermessant, responsable de l'accueil du public à l'agence territoriale de l'Office national des forêts (ONF) à Alençon.
La cueillette en forêt domaniale est-elle autorisée ?
"Toute cueillette en forêt nécessite l'autorisation de son propriétaire, mais il y a une tolérance dans les forêts de l'État, uniquement pour une consommation familiale limitée à cinq litres de champignons. Toute cueillette est interdite les mardis et jeudis. L'amende est de 135 € mais elle peut être beaucoup plus élevée, notamment si vous cueillez dans des réserves protégées comme Bresolette, dans le Perche."
Les bonnes pratiques passent-elles par
un respect de l'environnement ?
"Le prélèvement d'un champignon, cela se fait en le coupant, pas en l'arrachant. Cela permet de laisser son mycélium, autrement dit ses racines, et ça assure de nouvelles récoltes de champignons dans l'avenir. Lorsqu'on rencontre des champignons non-comestibles pour l'homme, il ne faut pas les détruire car d'autres, dans la nature, en ont probablement besoin."
Quid d'une "sortie champignons" organisée par un groupe ?
"Il faut demander l'autorisation. C'est simple, facile, gratuit, sur le site internet onf.fr. Il s'agit notamment d'assurer la bonne cohabitation avec les autres usagers de la forêt, comme les chasseurs ou les travailleurs forestiers, pour assurer la sécurité de chacun. Plus on est nombreux lors d'une sortie en forêt, plus il faut être vigilant au bon respect de l'environnement."
Apprenez les champignons avec des passionnés
À L'Aigle, un groupe de passionnés partage ses connaissances des champignons lors de sorties dans les forêts alentour.
Lorsqu'il est arrivé dans l'Orne, Nicolas Petresco, depuis toujours passionné par les champignons, a créé une association mycologique, "par plaisir pour une discipline scientifique". Désormais, avec ses amis, il organise des sorties "champignons" sur l'est de l'Orne et l'ouest de l'Eure, chaque semaine durant l'automne et moins souvent durant le reste de l'année.
Le but ? Identifier les champignons : "Il y en a beaucoup, mais peu sont comestibles." Les adhérents à ce club scientifique partagent leur savoir : "On explique les champignons à tous ceux qui viennent nous accompagner lors de ces sorties, on les aide à identifier leur récolte." Nicolas Petresco note quelques changements liés à l'évolution climatique, avec de nouvelles espèces comme l'amanite des Césars, qui débarque sous nos latitudes alors qu'on ne la trouvait auparavant que dans le sud de la France. Le conseil du mycologue ? "Ne prendre aucun risque, ne jamais manger un champignon qu'on ne connaît pas. C'est très dangereux, le risque est mortel !" L'association mycologique organise ses sorties, qui sont ouvertes à tous sans adhésion, au prix de 5 €. "Il faut bien regarder le planning sur notre site internet, car notamment en fonction des dates de chasse, une date peut toujours changer, précise le mycologue. Les départs ont lieu à 9 heures, de l'église Saint Barthélémy à L'Aigle."
Pratique. Retrouvez les dates des sorties sur champilaigle.com.
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