Il a le visage souriant, porte de fines lunettes. Autour de lui, des membres de la communauté paroissiale de Saint-François-des-Odons de Bretteville-sur-Odon et de nombreux prêtres. C'était le dimanche 3 juin, il y a cinq ans. Un jour de fête et de grande fraternité, dont les images sont toujours diffusées sur le site internet de la paroisse.
Le prêtre aujourd'hui embringué dans une histoire de détournement de fonds prononçait ce jour-là une homélie pour dire son parcours et sa foi : "Je ne vois guère le ministère qui m'est confié sans être proche de ceux que je rencontre, croyants ou non croyants (...) Ce sont ce type de rencontres à l'adolescence qui m'ont fait désirer donner ma vie au Christ en entrant dans la congrégation des Frères Missionnaires de Sainte Thérèse."
L'escroc dépouille la Congrégation du prêtre de 700 000 €
Cinq ans plus tard, le frère rattaché jusqu'à la semaine dernière à la paroisse Saint-François-des-Odons, qui dessert les communes de Bretteville, de Louvigny et le quartier Venoix à Caen, s'est retrouvé convoqué, le jeudi 7 septembre, à la barre du tribunal judiciaire de Caen. Il y était poursuivi pour "abus de confiance", suspecté d'avoir pioché dans la caisse de la Congrégation des Frères Missionnaires de Sainte Thérèse à laquelle il est lié. Il en fut un temps le trésorier économe. C'est à ce titre que le prêtre aurait, par générosité envers son prochain, aidé financièrement une personne qui le sollicitait. L'homme, un Italien, se disait alors menacé par la mafia qui rackettait sa famille. Il avait besoin d'argent.
Crédule, le prêtre aurait effectué quelque 200 virements au bénéfice de son interlocuteur, au total une somme de 700 000 € dont les trois quarts proviennent des fonds de la communauté religieuse, le reste étant dégagé par le prêtre sur ses deniers personnels. Soit à l'arrivée entre 35 000 et 40 000 € par mois versés pendant deux ans, de novembre 2019 à janvier 2021, à la pseudo-victime de la mafia, en réalité un véritable escroc connu de la police italienne. Un mandat d'arrêt a d'ailleurs été émis à son encontre.
"C'est un brave homme,
dépassé par les événements"
Comment a-t-il pu en arriver là ? Répondant aux questions de la présidente du tribunal Bénédicte Delgove, le religieux originaire de Lisieux avance qu'il a été "naïf" et qu'il a "fait confiance". Dans les couloirs du tribunal, c'est exactement ce qu'on pense à demi-mot. "C'est un brave homme, dépassé par les événements", rapporte un juge. L'escroc, lui, s'est volatilisé le jour où il lui avait fixé un ultimatum pour tout rembourser. C'était en janvier 2021. "J'ai toujours cru qu'il me rembourserait. À aucun moment, je n'ai pensé qu'il pouvait me tromper", a raconté à la barre le prêtre.
12 mois de prison avec sursis requis
Son avocat, Me Clément Picard, a plaidé la relaxe et la communauté Sainte Thérèse ne s'est pas constituée partie civile. Aucune plainte n'a été déposée à son encontre.
Le vice-procureur de la République, Cyrille Fournier, a cependant requis contre lui une peine de 12 mois de prison avec sursis, arguant le fait que sa pratique illicite avait été cachée pendant tout ce temps aux membres de la communauté.
Le délibéré a finalement été rendu une semaine après l'audience, jeudi 14 septembre. L'homme d'Église a été relaxé du délit d'abus de confiance mais reconnu coupable du surplus de la prévention. Le tribunal correctionnel l'a néanmoins dispensé de peine.
Contacté, le prêtre poursuivi par la justice n'a pas donné suite à notre sollicitation.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.