Depuis la disparition du reliquaire, dans la nuit du 1er au 2 juin 2022, "c'est comme si l'abbatiale de Fécamp avait été privée d'une partie d'elle-même", constate Nicolas Leroux. Fécampois, docteur en histoire médiévale de l'université de Rouen, ce fidèle de l'abbatiale de la Sainte-Trinité a grandi à l'ombre de l'ancienne abbaye bénédictine. "Profession de foi, confirmation… Cette église a compté dans les étapes de ma vie chrétienne, poursuit-il. Quant à la relique du sang du Christ, c'est un peu l'âme du monument : sans elle, c'est comme s'il était amputé d'un membre. Cela fait mille ans qu'elle y est conservée !" Alors, un an après l'effroi de l'effraction, Nicolas Leroux dit sa "joie et son soulagement" que le reliquaire et son précieux contenu rentrent intacts à Fécamp.
Une relique rapportée de Terre sainte
Ce mercredi 13 septembre signe en effet, en présence des autorités civiles, judiciaires et religieuses, le rapatriement officiel des objets sacrés dérobés à l'abbatiale. Dénouement d'une histoire rocambolesque qui démarre le 1er juin 2022 au soir, lorsque Nicolas Leroux fait le tour de l'édifice avec un autre paroissien, avant de le fermer. "Il n'y avait aucun bruit, se rappelle-t-il. Impossible d'imaginer que des voleurs s'y laissent enfermer." L'église abbatiale de style gothique flamboyant est immense, aussi longue que Notre-Dame de Paris… "De la chaire aux rideaux de l'orgue, nous étions passés partout, ajoute Nicolas Leroux, encore navré. Mais la police nous l'a confirmé, que ce soit derrière le meuble d'accueil ou un pilier, les voleurs ont pu se cacher de mille façons."
L'objet de la convoitise ? Ce fameux reliquaire en métal doré datant du XIXe siècle, recouvert à l'intérieur de velours et d'émaux, et réputé contenir, dans deux tubes de plomb, du sable imbibé de gouttes de sang du Christ. Une relique sans doute rapportée de Terre sainte par les ducs de Normandie en croisade, et dont la présence à l'abbatiale est attestée dès 1099. "Une étude sur son authenticité, commanditée dans les années 1980 par un ancien curé, Jacques Soulé, est citée dans les registres de la paroisse, informe Nicolas Leroux. Elle déclare qu'il s'agit bien du sang d'une personne provenant de Terre sainte et datant de l'ère du Christ."
"Ce vol est un acte sacrilège,
comme une profanation de tombe"
Volés en même temps que le reliquaire : plusieurs objets liturgiques appartenant au Trésor de l'abbatiale. L'enquête rapportera que les voleurs préparaient leur coup depuis longtemps. "Pour tout transporter, raconte Nicolas Leroux, ils ont pris un sac de sport resté dans la sacristie [forcée au pied de biche, ndlr] et un vieux caddie qui servait pour les ustensiles de ménage…" Et pourtant, un mois après, les objets refont surface de manière étrange, aux Pays-Bas, restitués anonymement, vraisemblablement par les voleurs eux-mêmes, via le détective néerlandais et spécialiste d'art Arthur Brand… Après leur authentification, l'heure est donc au retour à leur propriétaire, la Ville de Fécamp, qui indiquait à ce stade que l'enquête "poursuivait son cours", menée par l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels. Avec un système de sécurité renforcé mis en place à l'abbatiale. Que retenir de cette étonnante aventure ? Nicolas Leroux ne peut s'empêcher de penser que les voleurs ont réalisé la portée de leur geste : "Pour moi, ce vol est un acte sacrilège, comme une profanation de tombe", assure-t-il, avant de poursuivre : "Personne ne peut certifier qu'il s'agit du sang de Jésus-Christ. Le croire relève de la foi. Mais ce qui est important, c'est de voir combien cette relique, rapportée il y a mille ans du pays du Christ, compte pour tous ces gens venus prier devant elle depuis des siècles, et pour les personnes qui ont su la protéger à travers les tumultes de l'histoire. C'est cet attachement de foi, que l'on ne peut pas renier, qui fait aussi sa valeur inestimable."
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