"J'étais vraiment dégoûté. Le plus énervant, c'est que ce soit une cause humaine, que ce soit à cause de la négligence d'un individu." Calme, mais un peu amer, Geoffroy de Lesquen se souvient de ce 19 juillet 2022. Agriculteur depuis 2008 dans le secteur de Valambray, dans la plaine de Caen, il est comme d'habitude au petit soin de ses cultures. Ce jour-là, il doit moissonner. "En partant avec mon engin, j'ai vu les pompiers au bord de la route vers 11 heures. Ils luttaient contre un tout petit début d'incendie provoqué par un mégot, jeté par un automobiliste." L'homme de 51 ans est alors loin de se douter de la suite.
Quand les éléments se déchaînent
L'un des alliés du feu, c'est le vent. Et en ce mardi, ça soufflait fort, vraiment fort. "Vers 14 heures, le feu est reparti quand le vent s'est levé, et tout est devenu incontrôlable en à peine deux minutes", lâche Geoffroy de Lesquen. Il est à deux kilomètres d'ici, sur une autre parcelle de son exploitation, mais il voit tout. "On ne pouvait pas ne pas apercevoir la fumée et les flammes au loin." Tout de suite, il dépêche son salarié pour déchaumer, c'est-à-dire créer des coupe-feu en enfouissant la végétation. Une technique souvent utilisée. Et preuve de solidarité : "Quatre ou cinq autres agriculteurs sont arrivés avec leurs propres engins pour stopper la progression du feu", se rappelle-t-il.
Des milliers de baguettes de pain
Mais il n'y a rien à faire. Au total, ce sont près de 230 hectares qui ont brûlé ce jour-là dans la plaine de Caen, notamment à Condé-sur-Ifs. Geoffroy de Lesquen est l'un des plus durement touché. Alors que toutes les autres parcelles voisines venaient d'être moissonnées par leurs propriétaires, la sienne devait l'être le lendemain. "17 hectares de blé arrivé à maturation sont partis en fumée. Cela représente 150 tonnes, et environ 45 000 € selon les cours du moment", souffle-t-il.
Mais l'aspect financier n'est pas le plus important pour cet agriculteur, en partie car l'assurance lui a "presque tout remboursé". Le plus difficile à avaler, c'est bien le gaspillage. "150 tonnes de blé, ça représente environ 700 000 baguettes de pain, calcule-t-il dans un profond dépit. Puis, c'est tout de même une année de travail qui est anéantie en moins de quinze minutes." Les agriculteurs sont habitués à tout perdre en peu de temps, du fait des intempéries, "mais dans ce cas il s'agit vraiment d'une fatalité, pas d'une négligence humaine qui aurait clairement pu être évitée", se lamente l'exploitant qui travaillait auparavant dans la grande distribution.
Geoffroy de Lesquen accuse le coup quelques instants, mais il s'y remet en un rien de temps. "Dans notre métier, on a pour coutume de dire qu'il faut que ça avance, on ne s'arrête jamais." Alors, il laisse le temps à la terre de se refroidir, à la biodiversité, tels que vers de terre ou insectes en tout genre, de se reconstruire, et il replante. "Des petits pois, précise-t-il. Le feu n'a pas vraiment d'impact à moyen terme, quand c'est brûlé, c'est brûlé, et on recommence ensuite."
Des précautions prises depuis ?
Pour éviter que cette catastrophe ne recommence, Geoffroy de Lesquen a-t-il pris des initiatives ? "Je faisais déjà ce qu'il fallait", répond-il. Un engin est toujours prêt à partir pour déchaumer, un extincteur est présent sur chaque machine, la moissonneuse-batteuse est nettoyée tous les matins pour que la poussière ne s'accumule pas, notamment à hauteur du pot d'échappement… Et la solidarité est toujours de mise, encore plus même. "Je trouve que les risques d'incendies et les précautions à prendre sont bien ancrés dans notre métier, assure Geoffroy de Lesquen. Nous sommes souvent en relation avec la Chambre d'agriculture, et nous évoquons beaucoup ce sujet entre nous." Cette année, son exploitation n'a pas été touchée par les feux de végétation. "En même temps, ça ne risquait pas vu le temps !", plaisante-t-il, bien loin d'être abattu, un an après.
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