Auteur de plusieurs livres sur le Débarquement en Normandie et sur la Seconde Guerre mondiale, l'historien Christophe Prime endosse aussi le rôle de responsable des collections au Mémorial de Caen. Il revient sur le décès de Léon Gautier lundi 3 juillet et la forte vague d'émotion qu'elle a suscitée. Une page se tourne, selon lui.
Christophe Prime, comment avez-vous appris la mort de Léon Gautier et quelle a été votre réaction ?
"Ce sont des collègues qui m'en ont informé dès qu'ils l'ont appris. Beaucoup de tristesse forcément, car Léon Gautier semblait immuable, il résistait à tout ! Après le 79e anniversaire du Débarquement en Normandie, on s'attendait à le voir l'an suivant, pour le 80e."
En quoi Léon Gautier était-il un héros ?
"Je ne parlerais pas de héros. C'est un soldat qui a fait son devoir, tout simplement. Le terme de héros est délicat pour les historiens, car c'est une récupération, une reconstruction d'une histoire personnelle. Dans l'idée que Léon Gautier se faisait de lui-même, il n'était pas un héros, et ses copains non plus. C'étaient juste des gars qui avaient fait le choix de combattre et mourir pour leur pays, puis pouvoir rentrer chez eux."
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Si ce n'était pas un héros, il était quoi alors Léon Gautier ?
"Il était le gardien de la mémoire du commando Kieffer, mais aussi plus largement de la France combattante. C'était l'un des derniers, il échangeait, partageait, et il l'a fait jusqu'à la fin."
Léon Gautier était vraiment LA figure du Débarquement en France ?
"Oui, il était le plus célèbre, car le cercle s'est restreint au fil des années. Il était aussi celui qu'on voyait le plus, car toujours sur place et toujours aussi heureux de partager. Mais le commando Kieffer n'est pas le seul à avoir participé à la vaste opération Overlord. Il y avait aussi des marins, des aviateurs ou des parachutistes qui ont atterri en Bretagne. Certains sont encore en vie, notamment Achille Muller."
Comment expliquer que, 79 ans après, sa mort suscite autant d'émotions ?
"C'était quelqu'un de simple, beaucoup de Français voyaient en lui leur grand-père. La preuve, son hommage n'aura pas lieu à Paris, mais à Ouistreham, là où il a vécu, où il partageait avec les habitants. On pouvait se reconnaître en lui, apprécier les valeurs qu'il a défendues toute sa vie. Je retiens aussi de lui sa malice. Il avait toujours une petite remarque rigolote à faire aux journalistes qui l'interviewaient, et toujours la même ferveur pour raconter son histoire."
Christophe Martin
Son décès marque un cap dans le changement de la transmission, puisque de moins en moins de témoins sont présents ?
"C'est un cap symbolique, mais moins pour nous les historiens. Nous avons gardé tous les témoignages, nous les utilisons déjà. Pour la population, en effet, c'est autre choses. Et pour les bérets verts aussi, ils sont orphelins, car Léon Gautier était leur modèle. Ça devait être quelque chose que de recevoir son béret des mains de celui qui avait participé à la création de cette unité."
La présence d'Emmanuel Macron à ses obsèques est symbolique ?
"C'est la reconnaissance du pays pour les services rendus par ces hommes, qui ont été pendant longtemps les oubliés de l'histoire. On en parlait peu, car ils ont combattu avec l'uniforme et le commandement britannique. 79 ans plus tard, tout cela est réparé. Léon le méritait amplement, et derrière lui tous ses camarades également."
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