En ce moment

[Dossier]. Rouen, dernier bastion des antiquaires en région

Commerce. Rouen garde une exceptionnelle concentration d'antiquaires pour une ville de province. Une tradition de longue date qui perdure et que la jeune génération espère bien perpétuer.

[Dossier]. Rouen, dernier bastion des antiquaires en région
"Il existe autant de manières de travailler que d'antiquaires", insiste Laurent Biville, qui se spécialise dans la sculpture et le dessin en choisissant d'abord les pièces qui le touchent personnellement.

Ils sont moins nombreux qu'à l'âge d'or du commerce des antiquités, dans les années 70 et 80, c'est incontestable. Mais Rouen garde encore une exceptionnelle concentration d'antiquaires, là où les boutiques qui ont pignon sur rue ont quasiment disparu dans les autres grandes villes de Normandie. Trente-deux adresses de boutique participaient par exemple au RAR week-end, une opération de promotion de l'activité envers le grand public au début du mois de juin. Elles sont entre 35 et 40 réparties dans toute la ville, en particulier dans le fameux quartier des antiquaires, rues Damiette, Malpalu, Martainville ou Eau-de-Robec.

Une vieille tradition

Comment l'expliquer ? Les premiers intéressés restent finalement assez évasifs sur cette question, comme s'il s'agissait d'une caractéristique intrinsèque de Rouen. Une évidence en somme. Certains avancent tout de même quelques pistes. "Rouen a été une ville très riche, et en plus du quartier des antiquaires, vous avez le clos Saint-Marc, qui est un très vieux marché et qui vient renforcer l'offre. Il y a toujours eu un brassement autour de l'antiquité", indique Antoine Bertran, antiquaire depuis la fin des années 80. À cela s'ajoute la richesse artistique de la ville. "Il y avait une grosse industrie à Rouen, des gros collectionneurs, de grandes écoles d'art et de peintres, et ça s'est perpétué", ajoute le spécialiste des postimpressionnistes et de l'école de Rouen.

"On va envie de partager
nos trouvailles avec le chaland"

"La Normandie était riche d'un fort patrimoine sur le mobilier du XVIIIe, XIXe, Haute Époque, donc Rouen s'est inscrite dans cette tradition de l'antiquité, ajoute Guillaume Fouquet, antiquaire qui a pris la présidence de la Réunion des antiquaires rouennais. La Normandie était un grenier avec ses nombreux châteaux et la proximité avec Paris." Le professionnel se veut aussi comme le garant d'une certaine tradition dans la ville. "Pour nous, les aînés ont fait un travail de boutiquiers qui nous a fait rêver, et on a envie de prendre la relève, de partager nos trouvailles avec le chaland."

Et puis, avec les mutations du métier, l'arrivée d'Internet qui a bouleversé le marché, l'essor de la surconsommation, un certain désintérêt des collectionneurs, une autre manière de décorer son intérieur, les antiquaires rouennais ont compris qu'ils étaient plus forts ensemble. C'est ce qui a donné naissance au RAR week-end (lire par ailleurs). La concentration crée le côté attractif. Et l'ambiance est bonne entre les commerçants qui, plus que des concurrents, se jugent complémentaires, chacun dans sa spécialité, et n'hésitent pas à se serrer les coudes. "Il y a un bon esprit entre les marchands. On covoiture, on s'aide, on se retrouve sur les mêmes salons, alors on transporte des choses les uns pour les autres", indique Fanette Wallerand, antiquaire depuis 25 ans, qui voit la concentration comme une force pour qui aime chiner. 

À Rouen, "la proposition des antiquaires est une belle originalité"

Rouen. À Rouen, "la proposition des antiquaires est une belle originalité"
Guillaume Fouquet est le président de la Réunion des antiquaires rouennais.

Avec le RAR week-end, Guillaume Fouquet et ses confrères cherchent à mettre un coup de projecteur sur la profession.

Guillaume Fouquet est antiquaire et président de la Réunion des antiquaires rouennais (RAR). Il a coordonné l'organisation du RAR week-end, deux jours de portes ouvertes des marchands rouennais, pour attirer de nouveaux clients et démystifier la profession.

Quel est l'objectif du RAR week-end ?

"L'idée est de mettre un coup de projecteur sur la profession et de montrer la force de proposition rouennaise. On est nombreux, 32 vitrines participantes de toutes les périodes confondues, du XVIIIe en passant par les années 50, les tableaux de l'école de Rouen… On s'est tous décidés à créer le RAR week-end parce que c'est une position forte que l'on a, en province, avec tous ces marchands."

Est-ce aussi un moyen de montrer
que vous êtes accessibles à tous ?

"L'idée est d'inviter le chaland à découvrir ce que l'on fait avec un principe de portes ouvertes. On propose une exposition, une vitrine remarquable ou un objet d'exception. Avec un plan, le chaland peut circuler à travers la ville pour découvrir toutes les propositions."

C'est aussi un moyen de montrer que vous faites partie de la culture rouennaise…

"À Rouen, il y a beaucoup de propositions diverses, variées et riches : un patrimoine historique remarquable, des musées, des propositions autour de la musique… Je pense que notre domaine s'inscrit comme une corde supplémentaire à cet arc. Il faut être conscient de la proposition des antiquaires, qui est une belle originalité."

Une profession qui a beaucoup évolué

Rouen. Une profession qui a beaucoup évolué
Antoine Bertran s'est spécialisé dans la peinture du mouvement postimpressionniste et en particulier les peintres de l'école de Rouen.

L'essor de la vente en ligne a considérablement fait évoluer les pratiques des antiquaires. Mais ceux qui résistent à Rouen sont persuadés qu'il reste une place pour leur boutique.

Rouen a donc conservé ses antiquaires. Mais les pratiques ont bien changé depuis l'âge d'or de la profession dans les années 80. "À cette époque, les boutiques étaient pleines, les gens achetaient tout le temps", se souvient Antoine Bertran, antiquaire. Et puis, la bulle a explosé. Tout s'est ralenti. L'euro, fort par rapport au dollar, a ainsi été un frein à l'exportation et les acheteurs américains se sont faits moins présents. L'essor des Internets et de la vente en ligne a accéléré le mouvement. "Les marchands parisiens qui venaient choisir des pièces à Rouen ne le font plus." Il faut donc trouver d'autres moyens de faire fonctionner les affaires. Et pour cela, il n'y a pas qu'une seule bonne réponse. "Il existe autant de manières de travailler qu'il y a de marchands", insiste Laurent Biville, qui a récemment déménagé sa boutique, place Restout. Lui est ouvert le vendredi et le samedi et il a bien noté la baisse de fréquentation. "Un bon samedi, c'est quatre ou cinq personnes qui poussent la porte", estime-t-il. Il fonctionne au coup de cœur. Il propose ce qu'il aime, en particulier des sculptures et des dessins. La vente en ligne ne l'intéresse pas. Car il s'agit pour lui d'un métier de contact, de passion, de recherche. Pour devenir un véritable passeur d'objet et d'histoire. Et avec 35 ans de métier, Laurent Biville a fait sa réputation, ce qui lui permet de poursuivre son activité.

Créer l'événement

"Certains clients sont confortés par mes choix." Il vend encore beaucoup aussi à des professionnels, voire des institutions, comme dernièrement un magnifique bronze représentant Pierre Corneille qui a été acheté par la Réunion des musées métropolitains. La différence, pour lui, se fait dans ses choix et dans le conseil qu'il peut apporter. Fanette Wallerand, antiquaire depuis 25 ans, n'a pas non plus choisi de se lancer dans la vente en ligne, "parce que j'arrive à travailler sans", raconte-t-elle sans détour. Elle a une vitrine rue d'Amiens, mais inutile de l'y chercher. "Je n'ouvre jamais !" Elle passe la plupart de son temps sur les routes. "Je fais des salons sur lesquels j'ai une clientèle. J'ai un univers hyper hétéroclites, mais avec un œil un peu décalé. Les gens savent que c'est mon stand avant de me voir." Guillaume Fouquet, quant à lui, a sa boutique, mais aussi un site de vente en ligne. Et il est très présent sur Instagram. "Une relation virtuelle se crée en ligne et ça facilite le passage à l'acte en boutique", explique le professionnel, qui reconnaît qu'il peut être compliqué de pousser la porte d'un antiquaire. Il propose aussi des expositions thématiques, pour créer l'événement. "Tout va très vite et tout le monde est très sollicité aujourd'hui. Quand on crée l'événement, on attire." C'est d'ailleurs ce qui a poussé à la création du RAR week-end, un instant où tous les antiquaires de Rouen ouvrent leur porte en même temps pour attirer des acheteurs potentiels. Antoine Bertran l'a bien compris aussi, avec sa galerie. En plus de son site internet, il propose trois expositions par an, "pour que les gens soient motivés pour venir. C'est le nerf de la guerre". Tous l'assurent en tout cas. Le marché est toujours présent. Et la profession a encore de beaux jours devant elle.

Oser passer la porte des boutiques d'antiquités

Rouen. Oser passer la porte des boutiques d'antiquités
Laurent Biville l'assure. Il faut oser pousser la porte des antiquaires pour poser des questions sur les objets qu'ils vendent, même lorsque l'on est néophyte.

Les antiquaires ont conscience que passer la porte de leur boutique peut intimider, mais tous l'assurent : il faut oser entrer et échanger avec les professionnels, même lorsque l'on est néophyte.

"Soyez curieux, n'hésitez pas à poser des questions, il n'y a pas de questions stupides !", lance Laurent Biville, antiquaire. Beaucoup ont conscience que certains consommateurs potentiels n'osent pas passer les portes de leur boutique. Pas assez connaisseur ? Peur de tarifs qui seraient trop élevés ? Ce sont (en partie) des idées reçues. La fourchette de prix peut aller de 200 à 1 500 euros environ dans la boutique de Laurent Biville. Une somme bien sûr, mais pour des pièces rares ou quasi uniques qu'il aura sélectionnées et qui ont une histoire.

Une alternative à la surconsommation

C'est ce que ces professionnels mettent en avant. Idem chez Antoine Bertran qui, s'il propose des tarifs à plusieurs milliers d'euros, a aussi des aquarelles pour quelques centaines d'euros. Quant à Guillaume Fouquet, il insiste sur le fait qu'il s'agit aussi d'un rapport particulier à la consommation à réapprendre. "Nous sommes une alternative à la grande consommation et à la surconsommation", explique-t-il, en insistant sur le caractère unique des objets proposés chez les antiquaires et sur l'histoire qu'ils peuvent avoir. "On pense ne pas avoir le budget mais on va acheter 10 choses futiles à 50 euros dans l'année. Pour un achat à 500 euros, l'objet va avoir une histoire, vous allez vous y intéresser différemment", argumente-t-il. Et quand on se lasse, ses objets peuvent retrouver une nouvelle vie, sur le marché de l'antiquité.

Newsletter

Restez informé ! Recevez des alertes pour être au courant de toutes les dernières actualités.
Réagir à cet article

L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.

En direct
Petites Annonces
Immobilier
Maison à vendre Carantilly
Maison à vendre Carantilly Carantilly (50570) 120 600€ Découvrir
Maison à rénover
Maison à rénover Saint-Pair-sur-Mer (50380) 402 800€ Découvrir
Maison à vendre Notre-Dame-de-Cenilly
Maison à vendre Notre-Dame-de-Cenilly Notre-Dame-de-Cenilly (50210) 179 880€ Découvrir
Maison à vendre Dangy
Maison à vendre Dangy Dangy (50750) 136 200€ Découvrir
Automobile
Grand C4 Spacetourer Blue HDi
Grand C4 Spacetourer Blue HDi Caumont-sur-Aure (14240) 16 500€ Découvrir
VOLKSWAGEN TRANSPORTER VAN AMENAGE VOLKSWAGEN T6 L1H1  Van
VOLKSWAGEN TRANSPORTER VAN AMENAGE VOLKSWAGEN T6 L1H1 Van Mont-de-Marsan (40000) 17 890€ Découvrir
CARAVANE CARAVELAIR BRASILIA 450
CARAVANE CARAVELAIR BRASILIA 450 Villeneuve-d'Ascq (59491) 2 800€ Découvrir
Camping-car Fiat Ducato 1.9 TD 2001
Camping-car Fiat Ducato 1.9 TD 2001 Caen (14000) 16 400€ Découvrir
Bonnes affaires
Leica Q2 19051 à l'état neuf
Leica Q2 19051 à l'état neuf Lyon (69001) 2 900€ Découvrir
Razer Blade 17 Ordinateur Portable de jeu (PC GAMER+Casque+Souris) Neuf
Razer Blade 17 Ordinateur Portable de jeu (PC GAMER+Casque+Souris) Neuf Lyon (69001) 1 900€ Découvrir
Sonos Arc Set+3x ones+sub gen 3 (Neuf)
Sonos Arc Set+3x ones+sub gen 3 (Neuf) Lyon (69001) 1 900€ Découvrir
grand meuble etagères
grand meuble etagères Bacilly (50530) 70€ Découvrir
L'application mobile de Tendance Ouest
Inscrivez vous à la newsletter
Les pronostics avec Tendance Ouest
L'emploi avec Tendance Ouest
L'agenda des sorties de Tendance Ouest
Les concerts avec Tendance Ouest
[Dossier]. Rouen, dernier bastion des antiquaires en région