Boire du cidre n'est plus ringard. Très longtemps, cette boisson alcoolisée à base de pommes a été associée aux crêpes. Mais le cidre ne se limite plus à ce stéréotype. Il a de nombreux atouts à faire valoir. Ce ne sont pas uniquement les producteurs qui le disent, mais de grands chefs cuisiniers. "Le cidre s'impose de plus en plus à table, que ce soit brut ou en fines bulles", admet Stéphane Carbone, chef étoilé connu comme le loup blanc à Caen.
Jouer dans la même cour que le vin
Dans son restaurant L'Espérance, qui borde le canal de Caen, les clients ne sont pas encore habitués à se tourner naturellement vers le cidre. Le vin au verre représente 90 % de son chiffre d'affaires sur les boissons. Alors, il a décidé de l'imposer en fonction des recettes en entrée ou en plat. "Les gens sont surpris. Parfois, on fait déguster à l'aveugle", avec l'idée de bien marier les saveurs.
"Les clients n'ont pas le réflexe du cidre dans un restaurant gastronomique." Pourtant, il semble s'associer à merveille avec les fruits de mer. À Dominique Lamor, responsable qualité de Normandie fraîcheur mer, d'abonder. "En Normandie, on associe souvent les produits de la mer avec du vin blanc. Ça peut très bien matcher avec les produits cidricoles", explique-t-il en pointant du doigt un cidre brut servi avec de la dorade en carpaccio.
Alors, le cidre peut-il, petit à petit, venir prendre la place du vin à table ? Les réponses sont partagées. "L'idée n'est pas de concurrencer le vin, il est très complémentaire. Mais il n'a rien à envier au monde du vin. Il joue dans la même cour", justifie Arnaud Didier, œnologue de la maison cidricole de Normandie.
Pour Kévin Le Nôtre, le cidre a toute sa place à table. Le gérant de la crêperie Gaby, dans le Vaugueux à Caen, a décidé d'en faire une spécialité, en proposant une carte spécifique d'une quinzaine de cidres face à seulement quatre références de vin. "C'est du jamais bu !", plaisante-t-il. Fermenté, acidulé, rosé… Il y a autant de choix de cidres que de vins dans les restaurants traditionnels. "Le but est de sortir des sentiers battus pour faire découvrir des cidres que les gens n'auraient pas trouvés dans le commerce", explique-t-il dans sa crêperie moderne.
À la crêperie Gaby dans le quartier du Vaugueux à Caen, une carte d'une quinzaine de cidres est proposée.
Sortir des sentiers battus
Comme le vin, le cidre a sa chance à chaque heure du repas. "Un cidre fruité au dessert, un cidre sec pour le salé. Les clients ont le choix." Comme pour le vin, le restaurant fait goûter avant de servir. Les bars pourraient s'y mettre. La Rhumba, par exemple, ou le bar de la fac proposent déjà quelques références mais, pour l'heure, la mousse fait l'unanimité.
L'importance du design et de l'image
Soigner l'habillage, l'étiquetage et l'image du cidre devient incontournable. Des exemples en images.
Soigner l'habillage, l'étiquetage et l'image du cidre devient incontournable.
En voici des exemples.
Une cure de jouvence pour séduire
En modernisant le cidre, les producteurs cidricoles ont compris qu'ils avaient une carte à jouer auprès des restaurateurs.
Brut, doux, sec, demi-sec ? Le cidre de Normandie a souvent eu l'image de boisson du passé et de campagne. "Pendant longtemps, on s'est sentis mal-aimés. Le cidre était une boisson populaire", admet Olivier Vauvrecy, gérant de La ferme de Billy, à Rots, à dix minutes de Caen. Depuis une dizaine d'années, les producteurs cidricoles s'attellent à redorer leur image et ont compris qu'ils avaient une carte à jouer, notamment auprès des restaurateurs. La première grosse évolution a été la refonte des habillages et la présentation des produits. Un constat que formule Arnaud Didier, œnologue de la maison cidricole de Normandie : "On voit des bouteilles qui sortent de l'ordinaire sur leur forme et leur couleur, mais aussi des étiquettes plus dynamiques que les anciennes avec la traditionnelle photo de la ferme." Ces nouveaux designs séduisent les restaurateurs, mais pas seulement.
Moderniser le cidre
Le cidre se décline dans de nombreuses variétés. Cela plaît aux professionnels de table. Simon Lemarié, producteur de cidre à Géfosse-Fontenay, est bien placé pour en parler. En plus de trois cuvées originales, il a développé trois cuvées éphémères sur des lots d'à peine 1 000 bouteilles. "J'ai sorti une co-fermentation à la mûre par exemple, qui rappelle l'univers du vin. Arriver régulièrement avec des nouveautés est très important", assure celui qui est connu pour son cidre Cidricchus. "J'essaie de développer un cidre qui se combine bien avec la nourriture de brasserie, comme les entrecôtes frites ou les burgers." C'est le cas à L'atelier du burger de Caen, où son cidre présenté dans une bouteille de bière fait fureur. Son confrère de Rots, à La ferme de Billy, a aussi fait évoluer sa gamme pour se démarquer auprès des restaurateurs. Il n'est plus question d'utiliser les termes "brut" ou "doux" mais plutôt des cuvées appelées "cidre fruité" et "cidre fraîcheur", avec "beaucoup de rondeur et de richesse en bouche". L'idée est de jouer de plus en plus sur la modernité du produit et l'identité du cidre. "Sur certaines variétés, on travaille de manière un peu plus gastronomique, avec des produits presque plats, expose-t-il. Il y a plein de potentialités dans le cidre." Par exemple, pour attirer l'œil des bars, il a développé le cidre de glace ou encore le cidre pression. "J'aimerais que les gens aient le réflexe de prendre un cidre pression plutôt qu'une bière, sourit le producteur. Cette diversité attire les restaurateurs et eux-mêmes veulent sortir du lot en proposant une carte des cidres." Développer le cidre dans des canettes fines et longues est dans les cartons. Il a déjà des demandes à l'étranger. "J'ai envie de le faire, mais il faut réfléchir au recyclage", sourit le professionnel. Après tout, les Normands doivent être fiers de produire et consommer du cidre.
Pour aller plus loin
Les cidriculteurs normands veulent de plus en plus imposer le cidre à table. Voici quelques chiffres pour vous aider à comprendre.
350
La maison cidricole de Normandie recense 350 cidriculteurs dans la région. Le Calvados reste le département le plus producteur, notamment dans le pays d'Auge où les vergers sont nombreux.
Diversité des saveurs
Pendant très longtemps, le cidre n'était connu que sous deux grandes formes, brut ou doux. Depuis une dizaine d'années, la diversité de saveurs est beaucoup plus large. "N'importe quel cidriculteur propose plusieurs cuvées à sa gamme avec des arômes et parfums différents", explique Arnaud Didier, œnologue de la maison cidricole de Normandie.
20
Simon Lemarié, cidriculteur normand basé à Geffosses-Fontenay, travaille avec environ une vingtaine de restaurateurs dans la région. Le plus gros de son volume concerne les restaurants touristiques.
25
À la ferme de Billy, à Rots, Olivier Vaucrecy compte sur 25 hectares de pommes à cidre et 15 variétés différentes pour produire son cidre. Il compte replanter sur six à sept hectares.
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