Si le département des Pyrénées-Orientales fait actuellement quasi quotidiennement la une de l'actualité pour ses rivières à sec, ses vergers en souffrances, les piscines hors-sol qui y sont désormais interdites en raison de la sécheresse, la météo change aussi dans l'Orne. Certains agriculteurs sont très inquiets quant à l'avenir.
Vigilance sécheresse
Ainsi, près d'Athis, Christophe Davy témoigne que l'été dernier, faute de pousse d'herbe suffisante, il n'a pas pu faire pâturer ses vaches laitières durant tout un mois, subissant ainsi une baisse de production, bien qu'il ait acheté quarante tonnes de fourrage pour nourrir ses animaux. Lui qui a replanté deux kilomètres et demi de haies sur son exploitation pour se prémunir des conséquences du changement climatique a vu ses puits se tarir. Il témoigne : "On prend souvent 2050 en référence, mais ça va beaucoup plus vite que je ne pensais. Ce qu'on a vécu en 2022, c'est ce que j'imaginais que l'on allait peut-être vivre, mais pas avant 2030. Pour moi, ça a été une vraie claque, tout ça arrive avec dix ans d'avance, ça s'accélère très vite." Constatant un climat de plus en plus changeant lié à l'effondrement du Gulf Stream, il s'interroge désormais : "Jusqu'à quand pourra-t-on continuer à produire du lait en Normandie ?"
"L'avenir ne sera pas celui qu'on nous avait promis lorsque nous étions petits"
Le délégué général de l'association France Ville Durable, Sébastien Maire, l'expliquait lors de sa conférence le 2 mai dernier à Argentan : "Les territoires, qu'ils soient urbains ou ruraux, doivent se préparer au nouveau monde qui vient, de manière positive et non anxiogène." Et celui qui fut directeur de cabinet de l'ancienne ministre de l'Écologie Dominique Voynet dans sa mairie de Montreuil (Seine-Saint-Denis) et qui a ensuite géré les dossiers de transition écologique à la mairie de Paris, d'expliquer que ces enjeux écologiques nous dépassent, qu'ils sont plus forts que l'économie, que les politiques publiques, et qu'on n'a pas d'autre choix que s'adapter. "L'avenir ne sera pas celui qu'on nous avait promis quand on était petits. Assumons-le. Ne regardons pas ça avec crainte, mais sortons du déni et rendons-nous compte que les trajectoires dans lesquelles nous sommes engagés sont délétères pour la prospérité de l'humanité à l'échelle de quelques générations et qu'on n'a pas d'autre choix que de faire autrement", explique-t-il, incitant chacun dans son auditoire à prendre conscience de sa propre consommation des ressources de la planète : "Avez-vous un comportement raisonnable ou continuez-vous à consommer au-delà de ce que la planète peut reconstituer en un an ?"
Moins consommer d'eau
Dès le 28 mars dernier, le préfet de l'Orne a appelé à la vigilance sur la consommation d'eau dans le département. Mais les restrictions administratives ne suffisent sans doute plus et certains suivent déjà le conseil de Sébastien Maire : ils s'adaptent, plutôt que de subir.
"On a su réagir rapidement pour permettre aux touristes de se ressourcer"
Avec le changement climatique, l'Orne accueille de nouveaux touristes en recherche de verdure et de fraîcheur. Notamment grâce aux voies vertes.
Virginie Héreau est la directrice du camping communal La Prairie, du Mêle-sur-Sarthe, depuis 2001. Depuis l'été 2022, l'Ornaise a vu la fréquentation de ce lieu d'accueil en plein air quadrupler. Rencontre.
Comment expliquez-vous la hausse
de fréquentation de votre camping ?
"Après la Covid-19, les gens avaient besoin de liberté et notre camping correspond parfaitement à la demande. La plupart des campeurs viennent faire de courts séjours car ils sont de passage avec la Véloscénie. Sept personnes sur dix qui campent sont des cyclistes qui utilisent la voie verte. Tous les jours, on fait environ douze entrées alors qu'auparavant on en faisait seulement deux."
Avec les vagues de chaleur, beaucoup de touristes viennent en vacances dans l'Orne. Avez-vous ressenti ce phénomène ?
"Oui ! La Véloscénie est fréquentée par beaucoup d'étrangers qui souhaitent découvrir la région. Donc on a beaucoup d'Allemands, des Néerlandais, des Italiens qui campent. D'ailleurs, cette année, c'est la première fois que l'on voit des familles entières s'installer sur notre terrain !"
Avez-vous dû investir
dans de nouveaux équipements ?
"Les élus ont acheté deux bivouacs supplémentaires pour pouvoir faire face à la demande, en plus des différentes Habitations légères de loisirs (HLL) qui peuvent accueillir jusqu'à six personnes. Donc, on a su réagir rapidement pour pouvoir permettre aux touristes de se ressourcer dans notre camping."
Jérôme Bunel, la Saga Africa de l'Orne
Face au manque d'eau et au changement climatique, certains agriculteurs tentent de s'adapter.
Le sorgho est une graminée qui pousse sous les climats tropicaux et subtropicaux. En Afrique et en Inde, il est cuisiné comme du riz. Sa tige est utilisée pour nourrir le bétail.
Du sorgho dans la plaine de Mortrée
Jérôme Bunel s'est lancé il y a quelques années à en planter. " Je suis conscient du réchauffement climatique, j'essaie de trouver des solutions. Je suis en première ligne car j'ai des terrains qui sont sans réserve hydrique." Selon lui, le sorgho est une plante intéressante sous nos latitudes car "elle résiste bien au sec. En cas de sécheresse, elle arrête sa croissance mais contrairement au maïs, elle ne meurt pas. Lorsqu'il tombe à nouveau de la pluie, elle reprend sa croissance. Je suis éleveur et la culture que j'en fais est pour nourrir mes animaux". L'agriculteur ensile le sorgho comme de l'herbe pour l'hiver. "Il faut arriver à adapter le sorgho car pour l'équilibre nutritif, on ne peut pas le donner seul, il faut le compléter en protéines et en amidon. Mais je fais ces expériences de mon propre chef, sur la trésorerie de la ferme, on n'est pas du tout aidés et si on demande quelque chose, on est pris pour des extraterrestres !"
De nouvelles variétés de sorgho sont apparues et quelques autres agriculteurs ornais ont débuté cette culture. Après quatre années de tests, Jérôme Bunel a, lui, stoppé son expérience : "Ça fait encore une culture de plus à gérer, c'est une question de temps." Mais c'est promis, dès qu'il pourra, il va récidiver.
Le pépiniériste Pierre Angué sème les bonnes pratiques
Voir son jardin transformé en désert lors de chaque canicule estivale n'est pas une fatalité. Certaines plantes supportent bien les grosses chaleurs.
Pierre Angué est pépiniériste à Durcet. Depuis des années, il milite pour que les jardiniers modifient leurs habitudes de plantations. "Je fais ça car je suis confronté à l'arrosage depuis vingt-cinq ans que je suis installé, donc c'est d'abord pour moi. Mais aussi pour ma clientèle qui se pose de nombreuses questions", explique le professionnel, conforté dans ses réflexions par les dernières canicules et les arrêtés d'interdiction d'arrosage des jardins qui les accompagnent à chaque été. "Chez les clients, la prise de conscience devient plus importante, on me demande de plus en plus souvent des plantes qui consomment moins d'eau", constate le pépiniériste.
Les conseils du professionnel
"Je cultive des plantes vivaces et je dissuade d'acheter des plantes que l'on doit renouveler tous les ans, comme les géraniums, des plantes jetables qui coûtent cher. J'oriente mes clients vers des plantes qui vont durer dix, quinze, vingt ans. Pour savoir lesquelles, je les interroge sur la nature de leur terrain, savoir s'il est argileux, s'il est sableux." Il faut aussi savoir si c'est pour planter en pot ou en pleine terre : "En pot, les plantes ont beaucoup plus soif, donc je dissuade ça, ou j'oriente par exemple vers des lavandes." Ces plantes ont la particularité d'être résilientes, elles ne meurent pas lors de manque d'eau. Elles stoppent seulement leur croissance, qu'elles reprennent dès qu'elles sont à nouveau arrosées. "Certaines sont dotées d'un feuillage duveteux qui capte l'humidité ambiante et ne réclame pas d'arrosage", précise le professionnel, qui cite les lavandes, mais aussi les helianthemums, tout bêtement des artichauts qui sont à la fois comestibles et ornementaux, des acquilées, qui sont sauvages chez nous mais qui existent en variétés ornementales de couleur rouge, rose ou orange, ou même des alliums, qui sont des bulbes peu exigeants. "Le choix doit être du même type lors de la plantation d'arbustes ou d'arbres." Et le pépiniériste de citer les eleagnus, les cistes et autres arbustes issus du bassin Méditerranéen comme les phillyreas, qui sont proches des oliviers, ou les buddleias (arbres à papillons).
Nous allons voir
nos paysages se modifier"
Selon le professionnel, "nous allons voir nos paysages se modifier, les végétaux que l'on a connus ici quelques décennies en arrière ne seront sans doute plus là demain, plus au même endroit. Ce qui est aujourd'hui planté plein sud, comme souvent les rosiers, le sera peut-être demain plein nord, à l'ombre, pour tenter de résister. C'est déjà souvent le cas pour la vigne". Pour tenter de sauver vos plantes sans trop devoir les arroser, n'hésitez pas à les pailler, "avec des paillages végétaux, davantage que minéraux", précise Pierre Angué, qui a réalisé un massif l'an dernier à Sainte-Honorine-la-Guillaume. "Il a été arrosé une seule fois, lors de sa plantation, puis plus jamais après. Et malgré tout, il a passé la canicule estivale sans encombre, aucune plante n'est morte."
Pratique. Pierre Angué, Côté jardin à Durcet, 02 33 64 35 93.
Un nouveau métier qui coule de source
Pour participer à la lutte contre la sécheresse, un vaste plan de restauration des rivières est en cours autour d'Argentan.
Un an d'étude est en cours depuis le mois de mars pour restaurer 330 kilomètres de cours d'eau sur l'Orne, l'Ure, la Maire, la Baize, les sources de la Cance, celles de la Fontaine aux hérons.
Retour à la nature
"Certains cours d'eau ont été recalibrés, rectifiés, pour être moins embêtants dans des parcelles. On a aussi des zones qui ont été fortement drainées, entraînant des impacts sur les cours d'eau avec des algues ou des dépôts de sédiments", explique Élise Neveu, chargée de mission au Syndicat mixte de l'Orne et de ses affluents, basé à Argentan. Si la qualité physico-chimique de l'eau est étudiée de près, sa qualité biologique l'est aussi. Avec les riverains volontaires, un programme d'actions est élaboré pour ramener ces cours d'eau vers un état écologique plus intéressant. "Tout est lié. Un cours d'eau qui fonctionne va naturellement épurer l'eau, l'oxygéner, recharger les nappes phréatiques durant l'hiver. Tous ces services écologiques naturels ne coûtent rien mais rapportent beaucoup. Lorsque tout fonctionne, on a de l'eau potable de qualité en quantité, on a des zones qui s'assèchent moins durant l'été. À l'inverse, quand ça fonctionne mal, on a des difficultés de rechargement des nappes, on a des sécheresses plus importantes, on a moins de vie dans les cours d'eau, il n'y a plus de poisson, plus rien." Et la technicienne de conclure : "Notre métier est de faire tendre les cours d'eau vers quelque chose de mieux."
Les glaces fermières de Marylène, pour se rafraîchir… ou par gourmandise !
Il fait de plus en plus chaud ? Marylène Levoyer a changé de métier. L'ex-banquière fabrique désormais des glaces fermières !
Le point commun avec sa vie d'avant ? Les chiffres, car le dosage est très pointilleux ! "Le réchauffement climatique peut nous aider pour vendre nos glaces, mais il nous dessert pour nos vaches, plaisante Marylène Levoyer. Les gens apprécient de manger de la glace quand il fait chaud et ça reste le dessert préféré des Français."
De la vache au congélateur
Marylène fabrique ses glaces à partir du lait produit par le troupeau de son mari Christophe, agriculteur à Tanville. Soixante-cinq vaches laitières normandes nourries exclusivement en pâturage à l'herbe ou au foin. "Le lait est d'excellente qualité, riche en oméga 3", souligne-t-il. "C'est un lait avec beaucoup de matière grasse, de matière protéique, renchérit Marylène, qui mise sur la qualité bien plus que sur la quantité. Ce lait donne une excellente crème pour fabriquer mes crèmes glacées." Dès son changement de métier, Marylène s'est formée chez Lenôtre à Paris, coachée par l'Ornais champion du monde des glaces Gérard Taurin. Et la qualité est ici le fil conducteur : celle du lait, mais aussi de la menthe cultivée dans le jardin de la ferme, des pommes issues du verger. Les parfums plus exotiques proviennent de fournisseurs réputés. Le laboratoire de fabrication des glaces, construit dans un ancien bâtiment de la ferme avec les dernières normes d'hygiène, abrite aussi la boutique de vente, car Marylène aime le contact : "C'est hyper-valorisant d'avoir l'avis des clients sur mes glaces, pour l'instant je n'ai que de bons retours !" Les glaces de Marylène sont parfois surprenantes, comme celles à la fleur de lait, au safran, ou au foin. "C'est génial, il n'y a pas de limite, on peut tout faire." Y compris fabriquer des glaces avec des parfums spécifiques pour des événements thématiques, ou pour un restaurant qui voudrait sa glace au parfum exclusif. En cette fin de printemps, le labo tourne à plein pour remplir l'immense congélateur de glaces, sorbets, vacherins, pâtisseries glacées. Marylène se prépare à son premier été en espérant qu'il soit bien chaud : rendez-vous en septembre pour dresser le bilan. Quoi qu'il arrive, Marylène veut préserver sa qualité de vie, rester sur une production locale et fermière.
Les glaces fermières de Marylène sont vendues directement au Gaec des prairies verdoyantes à Tanville chaque vendredi soir et samedi après-midi, mais aussi déjà dans une bonne dizaine de points de ventes à Alençon, Argentan, Sées, Pré-en-Pail. Et le cercle grandit petit à petit…
Pratique. Glaces fermières de Marylène, 5 impasse de L'Aunai Géru à Tanville, 06 04 06 95 57.
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