Pluie battante en cette matinée de mai sur Rouen et sur la Seine. Mais comme chaque jour, le Slop Express 2, barge de 66 mètres de long par six mètres de large, sort du bassin Saint-Gervais pour sa tournée. Le navire de la société Slop Normandie est spécialisé dans le ramassage des déchets par la Seine et intervient sur le port auprès des immenses cargos et bateaux de commerce, mais aussi, depuis 2021, auprès des navires de transport de passagers, des bateaux de croisière principalement. "Ce matin, on a deux bateaux de passagers à faire et un en fin de journée", indique Pascal Boquet, le capitaine de Slop Express 2.
Après quelques minutes de navigation, la manœuvre commence pour venir s'amarrer au Monarch Countess, un bateau de croisière fluviale. L'approche se fait en douceur. Sur le bateau client, les poubelles ont été sorties sur le pont et l'équipage se tient prêt à faire passer les déchets vers la barge : le tout-venant d'un côté, le verre de l'autre, les déchets organiques à part. "Notre force, c'est le tri pour le recyclage", indique le capitaine.
"C'est plus facile, le bateau est toujours à niveau"
Dans le même temps, un grand tuyau est connecté entre les deux bateaux. "On récupère les eaux usées, les eaux de nettoyage de cales, des huiles usées, des filtres à huile…" En l'espace de 30 minutes, l'opération est terminée. "Pour nous, par le bateau, c'est le top, se réjouit le capitaine de navire de croisière, Jackie Coin. Ils sont très réactifs et peuvent venir un peu partout en Seine." Autre avantage : plus de contrainte de marée avec ce ramassage par la Seine. "C'est plus facile, le bateau est toujours à niveau", décrit Jackie Coin, là où l'évacuation des déchets par le quai est très compliquée à marée basse.
La barge permet aussi de transporter beaucoup plus de volume. "Il faudrait beaucoup de camions pour embarquer la même quantité", indique Pascal Bocquet. Dernier aspect mis en avant par Slop Normandie, la discrétion, puisque les déchets sont évacués par la Seine, et non par le quai par lequel débarquent les passagers. "Les voyageurs ne s'aperçoivent de rien. Il y a aussi moins de nuisibles comme les rats sur les quais car plus de poubelle", note Sandro Amand, l'un des associés à la tête de Slop Normandie.
Fin de matinée. L'équipage doit encore retourner bassin Saint-Gervais, vider la barge et évacuer les déchets vers leurs différentes destinations. Nettoyage et maintenance du bateau sont aussi au programme. Ils repasseront enfin avec un deuxième bateau pour les déchets liquides dangereux.
Un modèle plus écologique mais fragile
Slop Normandie est le seul opérateur du port à ramasser les déchets par la Seine. Un modèle apprécié mais qui reste sur le fil.
Le ramassage des déchets par la Seine fait quasi l'unanimité. Il est plus écologique, plus pratique, plus vertueux. Mais il est aussi plus coûteux. L'avantage de la barge, par rapport au camion, est qu'elle peut transporter beaucoup plus de déchets. Encore faut-il pouvoir regrouper les interventions pour faire plusieurs bateaux à la suite, et ainsi rentabiliser le coût de sa maintenance. C'est aussi pour ça que l'entreprise Slop Normandie s'est diversifiée et propose depuis 2021 le ramassage des déchets sur les bateaux de passagers, en plus de celui qu'elle faisait déjà depuis 2010 sur les grands bateaux de marchandises, en escale chez Haropa Port Rouen. Sur ce port de Rouen, neuf opérateurs peuvent collecter les déchets des bateaux, qui ont obligation de les décharger lors de l'escale, à de rares exceptions. Une incitation a d'ailleurs été mise en place par Haropa Port Rouen avec la redevance déchets. Chaque navire la paie lors de son escale, qu'il dépose ses déchets ou pas. "S'il y a une collecte, nous remboursons une partie de la redevance qui concerne les déchets solides ou liquides", explique Arnaud Gogly, commandant de port adjoint en charge de la gestion des déchets. Slop Normandie est le seul opérateur à réaliser la collecte par la Seine. "Pour les cargos de marchandises, ils peuvent décharger leurs déchets d'un côté, tout en chargeant leur bateau de l'autre. Les opérations commerciales ne sont pas interrompues", explique Sandro Amand, l'un des associés à la tête de Slop Normandie. Arnaud Gogly met aussi en avant un modèle "écologiquement vertueux" et qui présente un avantage en termes de sécurité.
Slop Normandie écarté pour l'Armada
L'entreprise normande s'est positionnée pour le ramassage des déchets sur les navires de l'Armada, traditionnellement opéré par le fleuve. "On a remporté l'appel d'offres pour les déchets liquides, mais pas pour les déchets solides, alors que l'on fait ça à Rouen toute l'année !", regrette Sandro Amand, légèrement amer. C'est Veolia, en partenariat avec Sogestran Logistics, qui a été retenue par le Syndicat mixte d'élimination des déchets de l'arrondissement de Rouen (Smedar). La raison : cette entreprise accepte de décharger à Dockseine, directement sur la rive gauche, tout près du Smedar, en faisant appel au travail des dockers. Slop Normandie décharge habituellement rive droite, sans l'intermédiaire des dockers. Les déchets finissent ensuite le trajet par camion. Autre aspect, la barge de Sogestran Logistics fonctionne avec un biocarburant, à base d'huile de friture usagée et retraitée. Un point de plus pour une Armada placée sous le signe de l'écologie cette année. À l'avenir, le Smedar assure travailler à la réhabilitation de son quai pour faciliter le transport de déchets par la Seine. Des études sont en cours mais rien ne devrait aboutir avant plusieurs années.
Bientôt un seul navire au lieu de deux
Slop Normandie réfléchit à la construction d'un nouveau navire, qui pourrait ramasser à lui seul tous les types de déchets.
Deux bateaux pour Rouen
À l'heure actuelle, Slop Normandie a deux bateaux à Rouen : le Slop Express 2 pour la collecte de déchets solides et une partie des déchets liquides non dangereux, et le Dehoop, un déshuileur qui permet de récolter des hydrocarbures et autres liquides dangereux. Le Slop Express 2 pourrait récolter les liquides dangereux, mais la réglementation impose aux navires de cette taille d'avoir une double coque pour cette activité, ce qui n'est pas son cas.
Un projet de bateau unique
"L'idée d'une construction neuve, c'est que les deux bateaux soient remplacés par une seule unité", explique Sandro Amand, l'un des associés à la tête de Slop Normandie. Un projet pharaonique en termes d'investissement, mais qui permettrait, avec ce bateau double coque, de ramasser en une fois tous les types de déchets. Un gain écologique et économique donc. D'autant que le projet prévoit une propulsion au gaz qui pourrait venir du méthaniseur dans lequel l'entreprise dépose les déchets organiques. Slop Normandie, associé à GRDF, a d'ailleurs été lauréat d'un appel à projet pour la fabrication de ce navire qui pourrait voir le jour, idéalement, dans les cinq prochaines années.
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