Les villes de Nantes, Bordeaux ou La Rochelle sont souvent associées à l'histoire de l'esclavage. Mais l'estuaire de la Seine a pu représenter jusqu'à 15 % de la traite française, au XVIIIe siècle. Un pan d'histoire moins connu du grand public, que la métropole de Rouen et les Villes du Havre et de Honfleur ont décidé de mettre en lumière, à travers une triple exposition inaugurée mercredi 10 mai, journée nationale de commémoration des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition.
Le code noir, qui régit les relations entre maîtres et esclaves.
Au Havre, le musée Dubocage de Bléville évoque le parcours des personnes déportées, de l'Afrique à la cité océane, et le rôle des armateurs, négociants ou abolitionnistes locaux comme Bernardin de Saint-Pierre. À Honfleur, le musée Eugène Boudin aborde la question sous l'angle maritime, avec le déroulement des différentes étapes de la navigation et les lieux qui la ponctuent. Près de Rouen, la Corderie Vallois dévoile l'envers d'une prospérité rouennaise et normande liée à la traite atlantique.
Guillaume Gaillard, commissaire général de l’exposition régionale
Le parcours rouennais expose, notamment à travers des objets du quotidien liés à ce commerce (théières, cafetières, chocolatières…), à quel point toutes les strates de la société étaient impliquées. "Les familles bourgeoises finançaient et consommaient des matières luxueuses, les hommes du pays de Caux embarquaient sur les bateaux et, pour beaucoup, leurs épouses participaient à l'industrie textile, pour créer des vêtements de coton teintés à l'indigo, deux matières premières importées des Antilles", détaille Mathilde Schneider, directrice des musées Beauvoisine et co-commissaire de l'exposition.
Mathilde Schneider, directrice des musées Beauvoisine
Le label Ville et Pays d'Art et d'Histoire proposera une visite thématique sur les traces de cette histoire, évoquant notamment "le dépôt des noirs, une institution liée au palais de justice mais dont l'emplacement exact n'est pas certain, qui servait à recenser, à la fin du XVIIIe siècle, les personnes afro-descendantes présentes sur le territoire".
Au Havre, peu d'architecture debout mais des archives
Au Havre, "il n'y a pas ou peu de grands hôtels particuliers de familles d'armateurs, détruits dans les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, souligne Éric Saunier, maître de conférences à l'université du Havre. Mais il y a autant de documents d'archives qu'à Bordeaux ou Nantes, comme les registres d'armement des navires".
Les comptes de ventes, ou quand les humains deviennent des marchandises.
Les visiteurs découvriront notamment des comptes de vente, mentionnant le nombre d'hommes, de femmes et d'enfants embarqués sur un bateau. "Ils permettent de réaliser le nombre de personnes vendues sur des plantations pour être mises au travail, privées d'identité, sans rémunération", souligne Emmanuelle Riand, directrice des musées d'art et d'histoire et co-commissaire. Les collections patrimoniales de la bibliothèque Armand Salacrou, notamment les écrits de l'abolitionniste Bernardin de Saint-Pierre, enrichissent aussi l'exposition.
Visite de l'exposition havraise
On estime que 100 000 à 150 000 captifs auraient embarqué en Afrique ou dans l'Océan Indien, pour travailler dans les Antilles, à bord des 500 bateaux partis du Havre ou de Honfleur, entre le XVIe et le XIXe siècle.
Pratique. Mémoires normandes, trois expositions différentes à voir jusqu'au 17 septembre à la Corderie Vallois, à Notre-Dame-de-Bondeville, et jusqu'au 10 novembre à l'Hôtel Dubocage de Bléville du Havre et au musée Eugène Boudin de Honfleur. Une entrée dans l'un des trois musées donne droit au tarif réduit des deux autres.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.