Jacques Coquelin, vice-président de l'Agglo du Cotentin en charge de la santé, est formel. L'élu, également maire de Valognes, ne veut plus entendre parler de "désert médical". Selon lui, la tendance est en train de s'"inverser" grâce aux différentes actions qui sont menées depuis 2017 (lire pages 5 et 7). Il avoue toutefois que les résultats ne se voient pas encore aujourd'hui.
Quatre généralistes perdus en deux ans
Car effectivement, la communauté d'agglomération continue de perdre des médecins généralistes, au moins quatre en deux ans. Cinq installations et onze cessations ont été enregistrées dans ce domaine en 2021 contre onze et neuf l'an dernier. Autre chiffre, une baisse de 2,7 % du nombre de généralistes est observée entre 2018 et 2022. Si on y regarde de plus près, ils étaient 107 au 31 décembre 2022 dans l'Agglo du Cotentin contre 110 en 2018.
Il reste difficile d'obtenir un rendez-vous et surtout un médecin traitant aujourd'hui, ce qui a des conséquences sur les autres services tels que SOS Médecins, structure installée dans les locaux de la Polyclinique du Cotentin et disposant de quatre cabinets de consultation. Les praticiens y assurent la prise en charge sur rendez-vous sept jours sur sept et 24 heures sur 24.
Priorité n°1 : trouver des généralistes
En début d'année, le président de cette structure, Christophe Marchenay, avait fait part d'une "suractivité" depuis des années : "Cela remonte même avant la Covid-19." En 2022, 61 000 interventions ont été réalisées dont 33 000 entre 8 heures et 20 heures. Il y a dix ans, il y en avait moitié moins. La difficulté d'avoir accès à un médecin traitant est une des explications de cette nette progression. Une hausse des créneaux disponibles, un parcours plus simple et une meilleure visibilité chez SOS Médecins depuis sa création sont aussi des facteurs pouvant expliquer cette suractivité. SOS dispose aussi de l'accès au plateau technique de radiologie et d'analyse médicale de la polyclinique.
Pour Jacques Coquelin, "la priorité n°1 reste de trouver des médecins généralistes, ils doivent être à nos portes", à moins de 15 minutes. Du côté des médecins spécialistes libéraux dans l'Agglo du Cotentin, on en compte 40 pour 100 000 habitants (ils se trouvent à Cherbourg-en-Cotentin et Valognes), un chiffre en dessous de la densité départementale (43). En comparaison, la moyenne est de 82 médecins spécialistes pour 100 000 habitants à l'échelle nationale. Sur 2021 et 2022, on compte cinq médecins spécialistes en moins. Les chiffres concernant le nombre d'ophtalmologistes, dermatologues, gynécologues et cardiologues - des métiers en tension - ne sont pas connus précisément. En revanche, la situation est stable pour les masseurs kinésithérapeutes, et très favorable pour les infirmiers. L'agglomération a notamment gagné 14 infirmiers en deux ans. La situation se dégrade légèrement pour les chirurgiens-dentistes. Ils sont passés de 52 à 51 entre 2020 et 2021, dont 25 % d'entre eux ont 60 ans et plus.
"Pour attirer les médecins, les solutions sont entre les mains de la Cnam"
Le docteur Christophe Marchenay est président de SOS Médecins à Cherbourg-en-Cotentin.
Quel état des lieux dressez-vous ?
"Nous avons des médecins avec 1 500 patients, jusqu'à 1 700 pour certains. Les généralistes ne peuvent plus en accueillir. Une patientèle correcte, c'est environ 900 personnes. Le désert médical existe toujours, il y a des installations certes mais il y a aussi des départs. Nous avons eu une génération de médecins qui s'est sacrifiée en travaillant comme des malades. Aujourd'hui, les jeunes ne veulent plus ça et c'est tout à fait compréhensible. Quand certains patients n'ont pas de médecin traitant, la solution, c'est nous, à SOS Médecins."
Où en est votre activité ?
"Nous sommes au moins d'avril, on ne désengorge pas. Nous avons des patients qui mettent leur réveil à 2 ou 3 heures du matin pour être sûr d'avoir un rendez-vous dans la matinée. Si vous appelez après 8 h 30, nous sommes déjà remplis sur nos créneaux de consultation. C'est compliqué surtout quand vous avez besoin d'un justificatif pour votre travail. Aujourd'hui, l'hôpital et le SAMU réorientent vers nous. Nous gérons les petites urgences du quotidien, ce qui n'était pas le cas avant."
Quelles sont les solutions selon vous ?
"Originaire du Vaucluse, j'ai été très bien accueilli. Nos élus doivent continuer à créer les bonnes conditions d'accueil d'un médecin, c'est très bien, mais les solutions sont entre les mains de la Caisse nationale de l'Assurance Maladie (Cnam) qui, par exemple, pourrait revaloriser le prix de la consultation ou donner les moyens aux médecins pour avoir un(e) secrétaire. Il faut arrêter de construire, certains de nos pôles de santé ne sont pas remplis."
Moins de lits à la Fondation Bon Sauveur
Face à la pénurie de médecins, il y a depuis mi-avril 13 lits en moins dans les services du centre hospitalier de la Fondation Bon Sauveur de la Manche, sur le site de La Glacerie.
L'hôpital psyciatrique du Bon Sauveur de la Manche a réduit la voilure dans ses services sur le site de La Glacerie. Depuis mi-avril, et pour six mois, l'établissement, qui accueille trois services d'hospitalisation temps plein pour adultes, doit faire avec 13 lits en moins.
Passer de 49 à 36 patients reçus
Ainsi, ce sont 36 patients au maximum qui pourront être reçus, contre 49 actuellement. Cette décision a été prise devant la pénurie de médecins, et notamment, "une situation particulièrement critique au nord du département", explique fin mars la Fondation Bon Sauveur. Elle assure que "cette organisation permet de garantir une présence médicale permanente sur le site hospitalier de La Glacerie en journée, tout en assurant la continuité de service au sein des structures ambulatoires cherbourgeoises et de l'Antenne psychiatrique aux urgences du centre hospitalier public du Cotentin". Cette réorganisation ne touche pas les personnels paramédicaux, ni les autres sites de la Fondation dans la Manche.
La direction "confiante" pour le futur
La direction assure tout mettre en place pour réussir à recruter, comme des jobs dating, des événements à destination des internes ou encore des interventions dans les écoles et centres de formation. Elle se dit "confiante" pour le futur et affirme avoir des contacts bien avancés pour recruter des psychiatres.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.