Entre la censure totale, la censure partielle ou la validation du texte, d'après vous, quel scénario pourrait être privilégié par les Sages ?
"Pour ma part, je ne suis pas complètement sûre que le Conseil constitutionnel s'engage dans cette voie de la censure totale. Déjà pour une raison de politique jurisprudentielle. C'est un peu délicat pour le Conseil constitutionnel de prendre le législateur (en l'occurrence le gouvernement) de manière frontale comme cela, en censurant totalement un projet de loi. La deuxième raison est juridique. La saisine se fonde sur deux grands arguments pour demander la censure totale : premièrement "on n'aurait pas dû utiliser les projets de loi de financement de la sécurité sociale", puis "tout ceci a violé la clarté du débat parlementaire". Sur le premier argument, certaines dispositions du texte, qui doit entrer en application en septembre, vont bien concerner l'équilibre de nos finances sociales pour l'année 2023. Sur la clarté du débat parlementaire, tout ceci est sujet à beaucoup d'interprétations et, il faut le savoir, c'est le conseil lui-même qui a dégagé cette norme d'interprétation en 2005 et qui, depuis lors, ne l'a jamais utilisé pour censurer le moindre article ou le moindre amendement."
Quelles dispositions pourraient être alors censurées au regard de ce que vous dites ?
"Beaucoup de dispositifs, comme l'index Senior, le CDI senior, la pénibilité et les éléments qui vont au-delà de l'équilibre 2023 n'ont rien à faire dans une loi de financement de la sécurité sociale rectificative. Je pense donc que le Conseil constitutionnel, qui a l'habitude d'être très dur avec le respect des domaines de loi, devrait dire que le domaine de cette loi de financement n'aurait pas dû servir à une loi de réforme des retraites, au moins sur ces points-là. Ce qui lui permettrait de passer un message au gouvernement, celui d'arrêter le recours à ce type de procédure sans en arriver à la censure totale du texte, avec donc une censure partielle des dispositions qui sortent du domaine de loi de financement."
Le Conseil constitutionnel doit se pencher aussi sur la recevabilité du référendum d'initiative partagée, quelles sont ses chances selon vous ?
"Le Conseil constitutionnel doit vérifier plusieurs choses. D'abord, que cette proposition de loi (proposition de référendum qui demande que l'on ne puisse plus revenir sur l'âge de départ à la retraite au-dessus de 62 ans, N.D.L.R.) rentre dans les objets de l'article 11, c'est-à-dire dans l'objet du référendum. Cet article 11 nous dit que l'on peut poser une question au peuple sur tout projet de réforme, en matière sociale ou économique. Le Conseil constitutionnel doit vérifier aussi que le bon nombre de signataires a été donné, là en l'occurrence, on en est sûr. Enfin, l'objet de cette proposition ne doit pas abroger une loi qui vient d'être promulguée depuis moins d'un an. La réforme des retraites n'a pas été promulguée, donc il n'y aura pas de problème sur ce point. En revanche, même si le conseil laisse passer, il faudra récolter 4,8 millions de signatures avec un an au moins avant d'avoir une réponse. Il y a beaucoup d'obstacles dans cette procédure qui a été un peu construite pour ne pas fonctionner."
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