Chaque année, les étudiants prennent possession de la ville pendant tout un jeudi. Cette année, ce sera le jeudi 30 mars. Le carnaval de Caen est le rendez-vous de la jeunesse locale. Et depuis des années ! Si "La Farce de Pates-Ouaintes", jouée en 1493 à Caen, est la première trace d'un esprit carnavalesque estudiantin dans la ville, c'est plutôt en 1894 que la première édition du carnaval étudiant a lieu. On parle alors de "cavalcades de bienfaisance". Retraite aux flambeaux, défilé déguisé avec des chars, bal paré et masqué devant le théâtre… Le programme est fourni et dure plusieurs jours. Surtout, on met en place des collectes d'argent pour les plus démunis.
Voici une photographie datant du carnaval étudiant de 1905. Elle peut laisser penser que les façons de faire la fête étaient différentes, mais les excès d'alcool ne datent pas que de ces vingt dernières années. Néanmoins, il est peu probable de croiser un étudiant défiler à cheval en 2023 ! - Archives du Calvados, 47FI/3
Déjà des excès ?
Le carnaval étant un instant de transgression, les "enfants de bonne société se moquaient des bourgeois, qu'ils allaient ensuite eux-mêmes devenir", relate Benoît Marpeau, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Caen. Les étudiants font la fête et, déjà, abusent de la boisson. Le mouvement tend tout de même à s'essouffler. L'arrivée de la Seconde Guerre mondiale mettra un terme au rendez-vous annuel. Mais dès 1946, les étudiants relancent le mouvement. "Il faut acter la renaissance du carnaval et l'inscrire comme un évènement ouvert sur la ville", témoigne Simon Lanry, auteur d'un podcast sur le sujet avec le Musée de Normandie. "Le carnaval est un moment d'affirmation des étudiants", abonde Benoît Marpeau.
La mairie coupe les subventions
La jeunesse reprend alors les formes anciennes : ils dansent et chantent dans la rue des musiques paillardes, usent d'une ironie parfois lourde et se moquent des autorités locales. Chaque année, un thème est annoncé, surfant sur l'actualité. En 1947, les étudiants s'emparent du sujet colonial, invitant le fictif Malikoko Ier aux festivités. "Aujourd'hui, cela aurait une dimension raciste", avoue Benoît Marpeau. Deux ans plus tard, la provocation estudiantine fait "étonnamment scandale, puisque considérée comme normale". Alors qu'une loi acte la fermeture en France des maisons closes, des étudiants travestis en reproduisent une, et représentent Yves Guillou, maire de l'époque, comme un de leurs clients. La blague ne passe pas, la mairie coupe alors toute subvention, demandant aux jeunes de "s'assagir".
Dans la foulée, la guerre d'Algérie coïncide avec la politisation du carnaval, qui devient revendicateur, toujours avec humour. Le général de Gaulle est lui aussi ciblé par la jeunesse, mais une divergence d'opinions entre les différents étudiants finira par provoquer sa dissolution, après l'édition 1963. Le carnaval va ainsi sommeiller pendant de longues années.
Un parcours différent au fil des éditions
Les itinéraires ont changé au fil des années.
Afficher la présence étudiante
Historiquement, le cortège du carnaval partait depuis l'université, les étudiants déambulant ensuite avec leurs chars dans le centre-ville afin d'en prendre le contrôle pendant la journée. Puis ces derniers rejoignaient à nouveau leur campus. Il était alors temps de brûler ce qu'on appellerait aujourd'hui "le bonhomme carnaval" et de clore la fête en beauté.
Ne plus se contenter d'un défilé
Dans sa forme récente, le carnaval étudiant a repris le tracé originel, avec une boucle effectuant le tour de la ville, comme le documente Pierre-Alexandre Delorme, auteur d'une thèse sur le sujet. Pourtant, c'est dès 2003 qu'un premier "after" est organisé, au Parc des Expositions. La volonté des étudiants de prolonger la fête autrement que dans les établissements de nuit se fait grandissante.
Un cortège sous contrôle
Depuis 2014, le parcours emprunte des axes beaucoup plus larges et contourne le centre-ville, face à l'afflux de participants. "Nous avons un bon retour, ce tracé va perdurer", assure-t-on du côté de la municipalité. Cela permet de mieux structurer le cortège, mieux le sécuriser… et aussi le nettoyer ! Le lendemain, personne ne pourrait soupçonner qu'un aussi grand rassemblement a eu lieu.
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