Sébastien Mabire, le patron de La Marmite de Mamie, au Havre, a été le premier à lui porter secours. C'était le mercredi 1er mars, le restaurant venait tout juste de rouvrir après une période de vacances. Il était 20 h 15.
Hervé Dudout, entouré de trois de ses amis, venait de passer à table quand Sébastien a entendu quelqu'un crier dans la salle dont les tables de bistrot sont recouvertes de nappes à carreaux : "Il s'étouffe, il s'étouffe !"
Les secours
n'ont rien pu faire
Hervé Dudout, professeur d'espagnol au lycée Claude-Monet, venait de faire ce qu'on appelle une fausse route, en avalant deux morceaux de viande. "Je me suis précipité, j'ai réussi à lui arracher le premier, mais pas le deuxième", relate le patron du restaurant. Hervé, fidèle client de La Marmite où il avait son rond de serviette, s'est éteint quelques instants après. Il n'a jamais pu être réanimé par les secours, pourtant arrivés très rapidement.
L'équipe de La Petite Marmite de Mamie a vécu douloureusement le deuil de son client, devenu avec le temps comme un ami de la famille. "Tout le monde est sous le choc", raconte Sébastien. C'est sa femme Cynthia, 41 ans, qui a monté, il y a huit ans, cette affaire familiale dont l'enseigne est une référence directe aux recettes de sa grand-mère Marie-Claude. On y sert des plats traditionnels : rognons, langue de bœuf… Tout est très mijoté, c'est une adresse bien connue des Havrais. Le maire Édouard Philippe fréquente l'établissement.
Il écrit des nouvelles,
"du récit initiatique au fait divers…"
Hervé y venait très régulièrement, souvent le soir : "C'est un monsieur très gentil, on l'aimait beaucoup. Nous avions l'habitude de l'accueillir au restaurant. Nous étions très attachés à lui, il était avec nous pour le jour de l'An." Lors de l'un de ses derniers passages, peu de temps avant sa mort brutale, il avait apporté avec lui un petit cadeau pour l'équipe, son dernier livre, une série de nouvelles éditée à compte d'auteur. "Il en était très heureux. Il a même dédicacé un exemplaire pour nous." Le livre 333 dont il était si fier raconte une série d'histoires : "La métamorphose d'un fils aimé, un braquage en cachant un autre, la vengeance d'une mère après le meurtre de son fils…"
L'éditeur, la Société des écrivains, le présente ainsi : "Du récit initiatique au fait divers, 333 embrasse la vie et ses surprises dans toute leur diversité." Une des histoires a même pour cadre la prison de la cité Océane. "Un journaliste part à la rencontre d'un détenu, écrit Hervé Dudout. La scène se déroule au fond d'une cellule : du gris, du noir, ambiance humide et glaciale. Pas de quoi inspirer Monet. Nous sommes au centre pénitentiaire du Havre… Malgré le froid, de nombreux insectes pullulent dans la petite pièce sombre. D'ailleurs, le journaliste s'en étonne. Pas le détenu, qui se dit habitué. Alors, dites-moi, M. B., on vous dit dangereux, et cependant vous êtes interné au Havre, au milieu des petites frappes ou escrocs, mais certes pas des criminels, n'est-ce pas ? Vous avez raison, je ne suis pas dangereux. Pourtant… Pourtant, je ne ferais pas de mal à une mouche…"
Sur sa page Facebook, l'équipe de la Marmite lui a rendu un dernier hommage : "Sa présence chaleureuse, son sourire contagieux, son humour et sa gentillesse étaient toujours une source de joie pour notre équipe et tous nos clients […] Nous sommes honorés d'avoir eu la chance de le servir et de le connaître."
Ce soir de mars, la vie du prof d'espagnol s'est ainsi arrêtée à la terrasse de la Marmite. Hervé Dudout a été inhumé le lundi 13 mars, en l'église Sainte-Cécile du Havre. Sa famille, ses enfants, ses amis, ses collègues avaient tous une peine immense.
Il était une fois, "ce gentil monsieur qui écrivait des nouvelles".
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Pourtant, la manoeuvre de Heimlich n'est pas difficile à faire ! Encore faut-il connaitre ce geste qui sauve... Trop bête.