Le 3 mars 2016, Juliette, 15 ans, se suicide en se jetant sous un train à Lisieux. L'adolescente était victime de harcèlement. Son ex-petit ami était jugé mardi 14 février. Il avait diffusé des photos d'elle dénudée à une autre élève, avec qui elle était en conflit. Ce cas n'est pas isolé, puisqu'un élève sur dix subirait du harcèlement au cours de sa scolarité. Comment le repérer et agir ?
Tendance Ouest a interrogé Tony Derebergue, référent académique harcèlement à l'Académie de Normandie, et Natacha Hoareau, psychologue clinicienne spécialisée dans le harcèlement scolaire à Caen (Calvados), sur les façons d'endiguer ces phénomènes.
À quoi reconnaît-on une situation de harcèlement scolaire ?
"C'est une situation complexe de violence qui implique différents éléments, la notion de répétition et de durée, résume Tony Derebergue. C'est le rejet de la différence." Parmi les actes marquants, sont inclus dans le harcèlement scolaire des faits de violence morale, physique, mais aussi des actes plus insidieux comme les moqueries, y compris sur les réseaux sociaux. Tony Derebergue souligne également le phénomène d'isolement de la ou des victimes, qui ne sont pas en mesure de se défendre.
La problématique est traitée par les institutions seulement depuis 2013. Depuis septembre 2021, le programme pHARe a progressivement été mis en place dans les établissements scolaires en France. Ce programme de lutte contre le harcèlement a été déployé pour dispenser des formations consacrées au repérage et à la prise en charge des situations de harcèlement, complétées par une plateforme digitale dédiée à cette lutte avec différents outils.
Dans ce nouveau dispositif, des élèves ambassadeurs ont aussi été élus sur la base du volontariat, mobilisés comme des relais. "Les expériences ont montré que l'implication des élèves dans la médiation entre pairs rendait l'action plus efficace", souligne le référent académique.
Comment savoir si mon enfant est victime de harcèlement ?
Selon Natacha Hoareau, plusieurs signes chez l'enfant peuvent alerter sur une éventuelle situation de harcèlement scolaire : "des signes physiques reliés à l'anxiété : des troubles du sommeil, des migraines, des palpitations, mais aussi des problèmes de peau comme de l'eczéma, et des problèmes relatifs à l'incontinence. Côté psychologique, on peut citer des troubles de l'attention et de la concentration, des troubles anxieux ou encore des comportements agressifs envers la fratrie et/ou les parents : la frustration et la colère ressenties à l'école vont ressortir à la maison", décrypte-t-elle.
À qui m'adresser si je suis confronté à une situation de harcèlement ?
"J'encourage les parents à questionner les adultes de l'établissement et évaluer s'ils sont en mesure de prendre en compte le problème", conseille la psychologue. Un avis partagé par Tony Derebergue, qui conseille aux parents d'élèves d'en parler avec le chef d'établissement : "Il faut échanger les informations pour mieux repérer et prendre en charge, la coéducation est indispensable", résume-t-il. Deux numéros verts dédiés au harcèlement sont accessibles. Le 3020 existe depuis 2013. Au bout du fil, "des écoutants psychologues prennent en compte les situations et conseillent les familles, les professionnels ou les victimes, dans l'analyse et dans la réorientation vers les référents académiques", détaille le référent académique.
Comment peut-on agir en tant que parent ?
Au sein du foyer, la psychologue conseille avant tout "d'être dans une écoute empathique bienveillante" : en d'autres termes, éviter les reproches du type "pourquoi ne m'en as-tu pas parlé plus tôt ?". Lorsque le problème est exposé, il s'agit de prendre du recul et de ne pas s'emballer, même si l'envie d'agir est forte, tempère la psychologue. "Aider l'enfant à prendre la parole, faire prendre conscience à l'enfant qu'il n'est pas seul est primordial dans un premier temps, avant d'en parler avec un psychologue ou un psychiatre, et à un membre du corps éducatif en respectant le rythme de l'enfant", conseille-t-elle, en martelant : "Faire un enfant, c'est aider un être humain à se construire en société : il faut lui donner les clés pour pouvoir se défendre."
Que faire si mon enfant est harceleur ?
Natacha Hoareau invite les parents à développer l'empathie chez leur enfant, à amener le jeune à se mettre à la place de son ou de ses camarades. "On peut aussi expier ses fautes en tant que parent, en réfléchissant à certaines conduites que l'on peut adopter en présence de l'enfant. Expliquer par exemple, 'je peux avoir l'insulte facile et je me rends compte que ce n'est pas comme ça qu'on parle aux gens'." On peut aussi réfléchir avec le jeune pour évaluer, selon lui, la gravité de la punition à envisager en lui demandant "à quel point tu penses que c'est grave ?".
Dans le champ disciplinaire, explique Tony Derebergue, "quelle que soit la sanction, elle est toujours posée à caractère éducatif : le double objectif est celui de la réparation chez la victime et de la prise de conscience chez l'auteur".
Depuis mars 2022, le harcèlement scolaire est considéré comme un délit et la loi prévoit pour certains faits des amendes voire des peines d'emprisonnement.
Pratique. En cas de harcèlement scolaire, contacter "stop harcèlement" au 3020 et en cas de cyberharcèlement, des conseillers, psychologues, juristes et experts du numérique sont à votre écoute au 3018.
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