Au moment où Stéphane Grimaldi passe la main à Kléber Arhoul à la tête du musée qui accueille 400 000 visiteurs par an, le Mémorial décide de bouleverser une partie de ses parcours. À commencer par le retrait de cette sphère à l'entrée de la visite. Puis, un peu plus loin, le visiteur pourra découvrir de nouveaux objets dans la salle "La France des années noires" qui nous plonge dans le quotidien du soldat français. Il a aussi refait à neuf la salle "Propagandes et efforts de guerre" avec, en fond, ce film projeté en continu sur un écran de 10 mètres de long. Un grand chantier donc, qui nécessite réflexion. Selon Kléber Arhoul, nouveau chef d'orchestre du Mémorial, cela ne tombe pas du ciel. "Le Mémorial de Caen est un musée qui doit se renouveler chaque jour. L'histoire est une matière vivante." Pour se renouveler et être à la pointe de la recherche historique, le Mémorial dialogue en interne avec une équipe de deux chercheurs : Christophe Prime, aussi directeur des collections, et Christophe Bouillet. "Quand on se rend compte qu'un texte n'est pas lu ou mal lu, on le réécrit, ajoute Stéphane Grimaldi, directeur du musée depuis 2005. Si les gens passent devant un objet sans le remarquer, il faut l'enlever ou le repositionner."
Les "points saillants" de l'histoire
comme fil conducteur
Le Mémorial s'interroge sur de possibles aménagements au quotidien. Il a le luxe d'avoir une grande liberté de création. Cela nécessite de choisir. "C'est un peu comme un média, il faut faire des choix éditoriaux tout en gardant une rigueur historique. Il y a des points saillants de l'histoire comme fil conducteur", poursuit Kléber Arhoul. Isabelle Bournier, directrice culturelle et pédagogique du Mémorial, le rejoint. "Ce serait impossible et incompréhensible de vouloir tout montrer." Par exemple, parler de la vie des civils dans la guerre est fondamental. "Une guerre n'est pas uniquement une série de dates ou un alignement de victimes. On doit donner du sens à ce que l'on fait et s'inscrire dans le temps long", appuie le directeur. Repenser le parcours de la guerre froide fait partie des prochains ajustements, ainsi que la période immédiate de l'après-guerre, avec toujours le même objectif : transmettre au plus grand nombre, grâce à des outils qui évoluent.
Stéphane Grimaldi devant le plan du Mémorial de Caen.
Si le musée était friand de textes il y a trente ans, l'image fixe ou animée a pris de plus en plus de place. Quid du numérique ? "C'est une option, mais il doit aider à la compréhension. Il ne doit pas surcharger l'information", conclut Isabelle Bournier. L'apport de témoignages filmés est aussi dans les cartons.
Le Mémorial de Caen affiche un nouveau visage
En images, le Mémorial de Caen affiche un nouveau visage dès ces vacances de février.
De grands travaux de rénovation ont été entrepris pendant la fermeture annuelle du musée au mois de janvier.
Des objets pour attirer l'œil
Pour renouveler ses parcours, le Mémorial s'appuie aussi sur des objets de l'époque. Il y en a 10 000 références dans les collections.
"J'ai un peu rangé ma chambre !" À l'abri des regards, Christophe Prime, le "Monsieur collections" du Mémorial de Caen, nous emmène dans une réserve remplie de trésors cachés. Nous sommes dans les collections du musée caennais. Entre 8 000 et 10 000 objets en lien avec la Seconde Guerre mondiale sont stockés, conservés et mis en sécurité, dans l'espoir d'être, un jour, visibles du grand public.
"Chaque objet doit attendre
son heure de gloire"
Dans les allées de cette réserve, rangées par support, matière ou thématique, Christophe Prime s'arrête devant un objet rare : un poste de radio utilisé lors de la Résistance en France. Issu d'un don d'un particulier, il n'est encore jamais sorti des collections. "Parfois, on a des pièces remarquables qui ne trouvent pas leur place dans nos parcours", explique ce passionné. Car ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'un parcours du musée ne tient pas qu'à un assemblage de textes, de photos ou d'objets qui évoquent une partie de l'histoire. "L'objet ou le document vient appuyer un discours historique. Installer un objet est beaucoup moins simple qu'on ne le croit. Il doit s'imbriquer avec le texte, la photo et tout le reste, c'est un ensemble." Le Mémorial réalise ce qu'il appelle des "tableaux de programmation muséographiques". Pour y penser, il s'appuie sur une équipe culturelle en interne. La réflexion est permanente. Par exemple, dans la salle dédiée à l'histoire de la propagande et des efforts de guerre, située à peu près à la moitié du parcours qui vient juste d'être renouvelé, le Mémorial a fait le choix de placer une maquette d'un navire militaire Liberty Ship. "Il a été exposé depuis l'ouverture du Mémorial pour être retiré en 2009. On le repositionne quinze ans plus tard, raconte Christophe Prime. Les gens en ont perdu le souvenir et, pour autant, c'est un objet qui parle." Tout est une question de choix. Et de cohérence. "Un objet placé à un endroit ne va pas fonctionner alors qu'il le sera exposé différemment à un autre endroit." Son emplacement, sa position, son sens, sa taille, tout a une importance pour raconter l'histoire de guerre. Sortir un objet des collections fait partie du renouveau du musée. "L'évolution du Mémorial passe aussi par la mise en valeur de ses objets", tient à ajouter le spécialiste.
Alors, en attendant d'être mis sous vitrine, sous les projecteurs, chaque objet patiente sur son étagère, pour le bonheur des yeux de Christophe Prime, mais moins des yeux des visiteurs. Chaque objet aura un jour sa chance. "Ils attendent que leur tour vienne pour être exposés en vitrine dans les parcours. Chaque objet doit attendre son heure de gloire en quelque sorte", sourit l'historien. Le Mémorial a encore tout un tas d'idées derrière la tête pour transmettre sur le long terme.
Les expos temporaires : un enrichissement pour le musée
Outre ses parcours permanents, le Mémorial de Caen organise régulièrement des expositions temporaires. Elles participent aussi à l'enrichissement du musée.
Ukraine, un an de guerre
À compter du jeudi 23 février, le Mémorial de Caen va faire honneur à l'Ukraine par le biais d'une nouvelle exposition temporaire. Au sein du fonds Patrick Chauvel, le reporter de guerre va présenter une sélection de photographies du conflit qu'il a couvert depuis ses débuts en février 2022. "Le regard du photographe est extrêmement précieux dans la compréhension de l'Histoire", indique Kléber Arhoul, le nouveau directeur du Mémorial de Caen.
À côté mais toujours liées au Mémorial
Le Mémorial propose au minimum une fois par an des expositions temporaires. En général, elles sont situées dans la deuxième partie du parcours, dans le bâtiment qui héberge l'histoire de la guerre froide. Selon Isabelle Bournier, directrice des affaires culturelles et pédagogiques du musée, ces expositions apportent de la nouveauté. "Les expos d'art permettent d'enrichir le Mémorial. Cela apporte un complément pour les visiteurs que l'on ne peut pas placer dans les parcours, notamment pour des raisons de conservation". La vigilance est de mise pour le choix de ces expositions. "Il y a toujours un lien entre les expos temporaires et les parcours du musée. La cohérence des discours est importante."
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