Six hommes comparaissent devant la cour d'assises spéciale du Nord, à Douai, à partir de ce mercredi 1er février, notamment pour importation et trafic de stupéfiants en bande organisée et association de malfaiteurs. Ils sont soupçonnés d'être les principaux acteurs d'un vaste réseau de trafic de cocaïne, réceptionnée dans le port du Havre, en 2017, à l'aide d'ouvrier dockers, pour le compte d'organisations internationales.
Originaires des quartiers sud
Trois d'entre eux, des amis originaires de quartiers populaires près du port du Havre, pourraient être les donneurs d'ordre "associés" de ce réseau, démantelé en 2017 : Mohamed Mellal, âgé de 31 ans, surnommé "Crayon", Youssef Boukhari Sardi, alias "Sefyu", âgé de 40 ans, et Karim Djemel, âgé de 42 ans.
Les deux premiers ont déjà été condamnés, en 2015, à quatre ans de prison pour trafic de drogue. Ils contestent tout rôle de leader, tout comme Karim Djemel, dont l'avocate Me Valérie Girard demande "que lui soit restituée sa juste place : pas du tout à la tête du trafic".
Les trois autres accusés sont soupçonnés pour l'un d'être un commanditaire, pour l'autre un dealer "concurrent" temporairement allié et le troisième un intermédiaire incontournable sur le port. Contactés par l'Agence France Presse, leurs avocats n'ont pas souhaité s'exprimer. Jugés jusqu'au 16 février à Douai, les accusés encourent jusqu'à 30 ans de réclusion criminelle.
4 000 euros le kilo
Début 2017, une "source enregistrée" informe la police judiciaire que des délinquants ont repris les affaires et organisent la "sortie" régulière du port d'importantes quantités de cocaïne, venue d'Amérique du Sud.
Une information judiciaire est ouverte, permettant des géolocalisations et des surveillances, ainsi que l'installation de micros dans les logements de l'équipe. Se croyant seuls, les suspects se livrent sans retenue sur leurs activités criminelles, modes opératoires, complices et opérations à venir.
Parmi leurs techniques, le "rip off" : la cocaïne, stockée dans des sacs de quelques dizaines de kilos et placée dans des containers de marchandises légales, est récupérée à l'arrivée des cargos grâce à des dockers corrompus. Elle peut être soit transférée dans un conteneur vide qui sera sorti ultérieurement du port à l'aide de faux documents, soit directement confiée à un chauffeur jusqu'à un entrepôt, ou encore chargée dans de plus petits véhicules.
Le kilo de cocaïne "sorti" se négocie alors entre 2 500 euros et 4 000 euros. Les profits colossaux permettent de rémunérer les complices, jusqu'à 150 000 euros pour les employés portuaires en position de pouvoir, qui "recrutent".
L'équipe organise aussi un "troc" direct particulièrement juteux : cocaïne contre cannabis, à destination de la Martinique, où il se négocie à prix d'or. À partir des conversations enregistrées, 1,3 tonne de cocaïne et 445 kg de résine de cannabis seront saisis sur plusieurs bateaux.
"Roi du port"
D'après l'enquête de la JIRS de Lille, les sorties étaient effectuées "pour le compte" de "John", identifié comme Dione Mendy, âgé de 47 ans, ex-scaphandrier et videur de discothèque devenu patron d'une entreprise de BTP. Louis Belhacène, alias "Doudou", 56 ans, ex-gérant d'une entreprise de tuyauterie en invalidité, est soupçonné d'être "l'ancien", un intermédiaire aux précieux contacts sur la zone. Après une saisie de 600 kg de cocaïne, il avait été enlevé et séquestré pour une importante somme d'argent.
Dione Mendy et lui sont également soupçonnés de blanchiment. Lors des interrogatoires, ils ont contesté toute implication, mais peiné à s'expliquer sur leurs nombreux véhicules de luxe, vêtements de marque ou achats immobiliers en inadéquation avec leurs revenus.
"Les gens pensent que je suis le roi du port", mais ce ne sont que "des bavardages", avait tranché Louis Belhacène pendant l'instruction. Quant à Dione Mendy, il assure n'avoir "rien à voir" avec l'affaire. Aziz Sallami, 29 ans, est lui soupçonné d'être "Ramzet", "concurrent" temporairement allié à l'équipe.
Dans ce dossier, huit "petites mains", dont des personnels portuaires, ont déjà été condamnées en correctionnelle ou en appel, et trois relaxées. Un docker mis en examen a, par ailleurs, été retrouvé mort en juin 2020, après un enlèvement à son domicile. L'instruction est toujours en cours.
Avec AFP
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