Il est onze heures en cette matinée où le soleil fait étinceler le verglas sur les routes de campagne qui mènent à Ciral, petit bourg de quatre cents âmes aux portes de la Mayenne. Dans la boulangerie qui fait face à l'église, Damien Besnier revient de sa tournée de livraison. Levé à quatre heures du matin, il est loin d'avoir fini sa journée de travail, qui se poursuivra avec la préparation du pétrin et des pâtisseries, la vente en boutique et, s'il trouve le temps, l'étude des dossiers administratifs qui s'accumulent…
Bien plus qu'une boulangerie
Cela va faire un an que le jeune homme de 35 ans aura repris le fonds de commerce : "Si j'avais imaginé qu'autant de choses allaient me tomber dessus…", lâche-t-il derrière ses lunettes rectangulaires. Et de sortir ses factures d'une pochette noire : depuis son arrivée en mars dernier, la farine a augmenté de 22 %, la levure de 35 % et le sel d'environ 50 %. Sans compter le prix de l'énergie qui inquiète tellement sa profession. Mais l'homme n'est pas du genre à se plaindre. "Je ne regrette rien", affirme-t-il, même si l'avenir n'est pas serein.
Ce qui le fait tenir ? Ce client qui fait des kilomètres parce qu'il aime son pain. Tous ceux qui lui demandent, régulièrement, de tenir bon parce qu'ils savent combien son rôle est important - son commerce est bien plus qu'une boulangerie : on y trouve des produits d'épicerie, du gaz, des journaux, un relais de poste et une possibilité de retrait bancaire. Ou encore ces habitués qui le supplient de maintenir les livraisons, même s'il faut répercuter sur les tarifs la hausse des carburants. Personnels de santé à l'emploi du temps surchargé, personnes âgées isolées, ils le retiennent souvent pour un petit café, un rôle essentiel de maintien du lien social qu'il est désormais le seul à remplir, "maintenant que les facteurs ne le font plus".
Pas facile d'être boulanger en temps de crise, encore moins à la campagne où les ragots peuvent vite salir une réputation : "Il suffit d'un mécontent pour que des bruits se mettent à courir. Ils me reviennent ensuite aux oreilles", s'attriste le boulanger, qui mise sur la transparence et invite ses clients à lui faire part de leurs demandes : "Je ne demande qu'à m'adapter !" Heureusement, il y a aussi de bonnes nouvelles : en moins d'un an, Damien a vu s'installer à Ciral une fromagère, un maraîcher et un cabinet de réflexologie, avec lesquels un climat d'entraide s'est tout de suite créé. Ils ont lancé des apéros qui ont eu un certain succès dans le village : "On sent qu'il y a une vraie demande", se réjouit-il, déjà plein de projets pour l'avenir.
Engagé pour sa profession
Le boulanger lutte pour la survie de son entreprise.
Les manifestations, ce n'est pas trop son truc. "Je ne vois pas comment je pourrais perdre une journée de travail ! Et puis, je préfère écrire clairement mes revendications aux autorités concernées."
Groupement des boulangers
Face à la hausse des prix de l'énergie, Damien Besnier ne reste pas les bras croisés. Il s'est rendu à Coutances (Manche) le 16 janvier dernier pour une réunion du groupement des boulangers de la Chambre des métiers et de l'artisanat de Normandie.
Aides
Il ne peut pas prétendre au bouclier tarifaire, puisque la puissance de son compteur électrique dépasse les 36KVA, et il redoute le temps que vont lui prendre les dossiers nécessaires à la demande des deux autres aides auxquelles il peut prétendre ("amortisseur électricité" et aide "gaz et électricité").
Mobilisé
"Il faudra renouveler les demandes d'aides tous les deux mois", relève-t-il. Le boulanger salue toutefois ces dispositifs arrivés "plutôt rapidement", et reste mobilisé : "Si je ne le fais pas pour moi, je le fais pour les autres. Il y a de la place pour tout le monde !"
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