Il fait partie de ces joyaux invisibles de ce que l'on appelle parfois le "petit patrimoine". Sur la commune d'Arelaune-en-Seine, à La Mailleraye-sur-Seine, un colombier, situé sur une île au bord d'une mare, a été retenu comme le projet seinomarin 2022 de la Mission Bern, ou Mission du patrimoine, financée par le Loto du patrimoine.
Maryline Orange et Claude Cardon, qui sont propriétaires des lieux et habitent la maison en face, ont fait leurs propres recherches pour en apprendre davantage sur cet édifice, qui n'a pas encore livré tous ses mystères. Mais il semblerait qu'il n'ait pas toujours été à cet endroit. Des plans anciens, de 1697 jusqu'à 1817, montrent un colombier dans la basse-cour du château de la Mailleraye. Dans un plan de 1852, qui précède de peu la disparition du château, le colombier n'apparaît plus dans la basse-cour mais sur l'ile du hameau de la Ménagerie, son emplacement actuel, auprès de bâtiments qui appartenaient également au château, ce qui laisse penser qu'il a été déplacé.
Des éléments rarissimes
Mais à quoi servait alors ce colombier ? "Il se trouvait probablement au cœur de jardins d'agrément, d'un lieu de promenade", suppose Claude Cardon. Il a en tout cas été rendu remarquable et atypique par des éléments rarissimes sur de tels bâtiments : une corniche sculptée, des meurtrières, une forme d'ogive gothique au-dessus de la porte… "On suppose que ces éléments ont été rajoutés, probablement pour de la décoration", note Maryline Orange. Avec une chapelle toute proche, le colombier serait en tout cas l'un des seuls vestiges du château du XVIe siècle. Étant donné son état de péril, les propriétaires passionnés, une fois à la retraite, ont monté un dossier pour la Mission patrimoine. "On ne s'y attendait pas, mais le dossier a été retenu tout de suite !"
Ouvrir les lieux au public
"C'était un bon dossier, chez des particuliers, sur un beau bâtiment avec un aspect environnemental… Le comité veut de la diversité. Ce dossier n'avait pas véritablement de concurrents", précise Olivier Gronier, délégué régional de la Fondation du patrimoine. Au carrefour entre le patrimoine historique et le patrimoine naturel (lire par ailleurs), les propriétaires entendent pouvoir ouvrir régulièrement les lieux au public pour faire connaître l'histoire du château et sensibiliser à la préservation des espaces naturels. Il pourrait intégrer un parcours touristique de la ville, des visites pédagogiques pour les scolaires et ouvrir lors de manifestations particulières comme les Journées du patrimoine, Pierres en lumières, la Fête des mares ou la Nuit de la chouette.
Un colombier pas tout à fait comme les autres
Une certaine attention aux détails permet d'identifier le caractère étonnant du colombier parmi les nombreux édifices de ce type en Normandie.
Plusieurs éléments surprennent et font de ce colombier un bâtiment remarquable et atypique en Normandie.
Un projet aussi de protection de la biodiversité
Tout autant que l'aspect historique, les propriétaires souhaitent préserver la mare et la zone humide, trésors de biodiversité.
"L'aspect historique et l'aspect environnemental sont à protéger en parallèle", insiste Maryline Orange, propriétaire des lieux. Car le colombier retenu par la Mission du patrimoine se trouve sur un petit îlot au beau milieu d'une zone humide, que les propriétaires des lieux s'attachent à préserver du mieux qu'ils peuvent. La mare, au pied de l'édifice, a cependant besoin d'être restaurée pour continuer à jouer son rôle et fait l'objet de démarches séparées de celle de la Mission patrimoine. Le problème : des dépôts de végétation et de matières organiques qui s'accumulent dans le fond, ce qui entraîne une réduction du niveau d'eau et une végétalisation.
"C'est fondamental de pouvoir dire que ces zones humides sont primordiales"
Sans curage, la mare est condamnée et de nombreuses espèces devront trouver une solution de repli. Parmi elles, la grenouille verte, la rainette verte, la couleuvre à collier mais aussi une foule d'espèces ornithologiques, typiques des zones humides, comme le héron cendré, la grande aigrette, la cigogne ou le grèbe castagneux, classé comme menacé, pour ne citer qu'elles. Toutes ces espèces ont été identifiées avec des professionnels du Parc régional des boucles de la Seine normande. Le colombier lui-même, qui n'a probablement jamais accueilli de pigeons depuis qu'il est placé sur cet îlot, accueille régulièrement des chouettes effraies. "Le problème, c'est qu'elles n'ont pas assez de place pour nicher dans le colombier… On a déjà retrouvé des petits qui sont tombés", indique la propriétaire, qui réfléchit à l'installation d'une plateforme sous la charpente de l'édifice pour favoriser l'accueil de ces oiseaux. Les nombreuses chauves-souris présentes sur place pourraient aussi trouver refuge dans le bâtiment. "Dans le contexte actuel, c'est fondamental de pouvoir dire que ces zones humides sont primordiales", insistent les propriétaires, avec le soutien de leurs élus sur la question. "J'ai demandé que le terrain soit classé Natura 2000 pour que cela puisse être préservé", indique la maire d'Arelaune-en-Seine, Maryline Miranda Téodoro, qui accompagne aussi ses administrés dans leur démarche pour la restauration de la mare. "On frappe à toutes les portes pour les travaux de réhabilitation", insiste-t-elle, imaginant déjà les sorties qui pourraient être organisées à l'avenir sur le site. "C'est un havre de paix, on pourrait faire venir les enfants de nos écoles, pour voir les cigognes, les animaux… Les gamins vont adorer !" Des sorties pourraient aussi être imaginées en lien avec le Parc régional des boucles de la Seine. Ce lien avec la biodiversité a en tout cas très probablement servi le dossier déposé à la Mission Bern. "Avec la volonté de mettre en valeur la faune et la flore, ils étaient pile dans la cible", assure Olivier Gronier, le délégué régional de la Fondation du patrimoine.
Les travaux sur le colombier
Trois mois de chantier sont nécessaires pour les travaux prévus sur le colombier.
Le colombier a été identifié comme étant en péril à court terme. Les eaux de pluie s'infiltrent et attaquent le bois de la sablière qui se dégrade et s'affaisse. Les huit pans de la toiture se creusent et des pierres sculptées sont fragilisées.
Les travaux
Trois entreprises spécialisées vont intervenir pour un chantier d'environ trois mois, qui devra être réalisé sur une période estivale pour favoriser le passage des engins de chantier sur un sol plus dur et préserver la zone humide. La toiture devra être démontée, tout comme la charpente et la corniche.
La corniche sera ensuite remise en place avec une partie des pierres sculptées remplacées. La sablière et la charpente seront entièrement remplacées et la toiture en tuiles refaite.
Le financement
Le chantier a été estimé à 267 262 euros. La Mission du patrimoine a promis une dotation de 165 000 euros. Le reste du financement est à trouver auprès des collectivités, en l'occurrence la Ville d'Arelaune-en-Seine, Caux Seine Agglo, le Département de Seine-Maritime mais aussi auprès de mécènes et via un appel aux dons de la Fondation du patrimoine.
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