Comment limiter l'impact qu'ont ces animaux, que l'on n'appelle plus nuisibles mais ESOD - pour espèces susceptibles d'occasionner des dégâts - sur notre quotidien ? Pas plus tard que la semaine passée, la rue des Carmes, à Caen, a passé une journée sans internet, des rats profitant de travaux pour sectionner des câbles. Les pigeons, eux, nuisent par leurs fientes acides et odorantes et dégradent peu à peu le patrimoine de la ville, grignotant le calcaire issu de la vieille pierre. Alors, la municipalité de Caen se plie en quatre pour éviter les désagréments et mise sur la prévention. Il faut le marteler : jeter ou déposer de la nourriture dans un lieu public est strictement interdit par la loi. "Quand on pense bien faire en nourrissant un chat errant, certes il va manger, mais d'autres animaux vont prendre le relais, et notamment le pigeon ou le rat", pose Stéphane Gervaise, à la tête du service hygiène et santé de la ville. "Le rat a besoin de trois choses pour proliférer : de l'eau, de la nourriture et un gîte, dresse Yohan Renard, directeur de NGAN Calvados, entreprise spécialisée dans la lutte contre les nuisibles. Il faut que les poubelles soient fermées avec un couvercle et ne pas poser les sacs à côté, mais aussi arrêter de nourrir les oiseaux ou de poser des croquettes en extérieur."
Empêcher le pigeon de nicher
Un pigeon reviendra toujours là où il est né. Pour éviter qu'une importante colonie ne se forme à un endroit, il faut limiter ses possibilités de nidification. Il existe des pics anti-oiseaux, des spirales, des fils tendus… Mais c'est surtout aux bailleurs de jouer le jeu. "On doit par exemple faire attention aux appartements vides. Les pigeons peuvent vite s'approprier le balcon, donc on pense à tirer les volets", prévient Stéphane Gervaise. Dans les églises, le problème est plus compliqué à régler. Il sera très difficile d'empêcher un pigeon de se poser là où il n'est pas embêté. "Ils sont un problème pour la structure de l'édifice et arrivent parfois à entrer par les portails ou un vitrail un peu endommagé, regrette le père Laurent Berthout, chargé de communication pour le diocèse du Calvados. Et surtout, le pigeon ne sait pas comment ressortir !" Quand un intrus pénétrait dans son église Saint-Jean, il employait alors une méthode artisanale : une cage pour attirer et attraper l'animal puis il le relâchait dehors.
Stériliser les pigeons
Amandine Sanvisens, cofondatrice de PAZ, une association défendant l'intérêt des animaux liminaires - qui vivent en liberté dans l'espace urbain - défend la contraception des pigeons. "On nourrit les pigeons avec du maïs enrobé d'une substance contraceptive, qui fait que leurs œufs ne vont pas éclore." Mais il faut être sûr que d'autres espèces de volatiles, parfois menacées, ne mangent pas ces graines. C'est ce que craint Stéphane Gervaise : "Les études que nous avons vues nous mettent en garde. Si on impacte une autre population, on nous le reprochera." Il se dit néanmoins ouvert à tout remède efficace et n'écarte pas l'idée de trouver d'autres solutions "douces" pour réguler la population de pigeons, qui avoisine les 2 500 individus à Caen.
Quand prévenir ne suffit plus, il faut agir
Il faut parfois passer à l'action pour éviter la nuisance d'animaux en ville.
Toutes les campagnes de prévention possibles peuvent être mises en place, si certains ne font pas attention ou continuent de nourrir les animaux délibérément, la situation peut devenir incontrôlable. Une colonie de volatiles qui s'installent dans votre grenier ou sous des combles, et bonjour les dégâts. Alors, il faut passer à l'action, et la Ville fait appel à un prestataire pour organiser la capture des pigeons. "Quand on voit que la prévention ne suffit plus, on doit trouver une solution, et la campagne de capture permet d'avoir la maîtrise sur une population à un moment donné, indique Stéphane Gervaise, chef du service hygiène et santé de la Ville de Caen. Il ne s'agit pas d'une éradication mais d'une régulation de la population, ça reste ponctuel." Moins de 300 pigeons sont capturés sur les toits de la ville chaque année, "dans des cages contenant eau et alimentation", pour ensuite être euthanasiés, dans le parfait respect de la loi. "Ils sont d'abord plongés dans le coma en quelques secondes", relate Stéphane Gervaise, qui ne tolérerait pas que l'animal souffre et soit victime de cruauté. Pour l'opération, la municipalité débourse une somme annuelle d'à peine quelques milliers d'euros.
Des rongeurs bien malins
En plus d'être dérangeant, le rat peut être source d'inquiétude pour l'humain. Et une fois qu'il est entré chez vous, bon courage pour le déloger sans intervention. "S'il est là, c'est qu'il a trouvé de quoi manger. Il ne va pas s'en aller en le poussant gentiment", sourit Yohan Renard, gérant de Nouvelle Génération Anti Nuisibles (NGAN) Calvados. Il faut alors piéger le petit rongeur, si on arrive à le localiser. "On peut utiliser une plaque de glu, mais le rat va agoniser lentement et j'essaie d'éviter cette souffrance animale", explique-t-il. Reste alors la tapette classique, qui tue instantanément l'intrus. Et si les clichés sont tenaces, on n'attire pas le rat avec du fromage, pas forcément friand de produits laitiers, mais plutôt avec des mélanges de céréales ou du pain. Quand on fait face à une petite colonie, mieux vaut alors utiliser des anticoagulants, qui tueront le rat au bout de trois à sept jours. "Le rat est néophobe, il se méfie de tout ce qui est nouveau, nous apprend Yohan Renard. Au sein du groupe bien organisé, il y a des goûteurs. Quand ils verront au bout d'un ou deux jours que l'anticoagulant ne leur a rien provoqué de mauvais, ils vont tous en manger, et mourir quelques jours plus tard."
Le séjour des étourneaux
Vous vous souvenez forcément de ces grandes nuées noires dans le ciel caennais au milieu de l'automne, et du bruit stressant, digne d'un film d'horreur. Et vous n'avez évidemment pas oublié l'odeur des innombrables déjections, offerte par les étourneaux passant l'hiver en Normandie. Il s'agit désormais de l'histoire ancienne, grâce à une efficace campagne d'effarouchement. Gérard Hurel, maire adjoint en charge de la salubrité, nous confiait début novembre que ses services "utilisaient une émission du cri du geai, quand les oiseaux se couchent, et au petit matin avant qu'ils se réveillent, pour bien leur faire comprendre qu'ils ne sont pas les bienvenus". Une campagne qui a fonctionné, et qui soulage les habitants, surtout les automobilistes !
"Comme le pigeon est nourri par les hommes, il reste et se reproduit"
James Jean-Baptiste, membre du Groupe ornithologique normand (GONm), a beaucoup travaillé sur la question des oiseaux en centre-ville.
James Jean-Baptiste est membre du Groupe ornithologique normand (GONm). Il a beaucoup travaillé sur la question des oiseaux en centre-ville.
Pourquoi les pigeons vivent-ils
exclusivement en ville ?
C'est une espèce domestique qu'on utilisait pour communiquer, puis on a arrêté, et ils sont restés. Mais puisque le pigeon est nourri par les hommes, il reste et se reproduit. On en trouve principalement dans l'hypercentre ainsi que dans les quartiers populaires comme le Chemin Vert, la Grâce de Dieu ou La Guérinière, où trop de gens s'amusent à les nourrir, parfois car c'est leur seul lien avec la nature.
Les étourneaux étaient-ils plus nombreux cette année dans le ciel ?
Oui, on en a compté au moins 300 000. Ils se nourrissent de graines en hiver et trouvent de la nourriture à volonté dans nos champs, avec le maïs ensilage. Avant, la mortalité des jeunes étourneaux était très élevée, de l'ordre de 80 %, mais puisque la nourriture ne manque plus, elle est en recul. La nuit, ils viennent dormir en ville car il fait deux degrés de plus, il y a un vrai dôme de chaleur.
Une autre espèce d'oiseau peut-elle
être dérangeante pour l'homme ?
Le goéland argenté est dérangé par les activités nautiques et vient donc en ville. Il y trouve de quoi manger et a appris à ouvrir les sacs-poubelles et se servir. Il fait son nid sur les toits, ce qui bouche parfois les gouttières. En plus, c'est un oiseau qui ne se laisse pas faire. Il va charger et faire peur à l'homme.
Favoriser l'installation de faucons et laisser faire la nature
La Ville fait en sorte que des faucons pèlerins s'installent en centre-ville pour chasser les pigeons.
La meilleure arme ne serait-elle pas naturelle ? En plus d'être l'oiseau le plus rapide en piqué, flashé à 390 km/h, le faucon pèlerin aime se nourrir d'autres oiseaux plus petits. Le centre-ville de Caen est alors un terrain de chasse parfait pour lui. Et la municipalité voit d'un bon œil l'installation de cet animal.
Qu'il se sente comme chez lui
Un nichoir est présent depuis quelques années sur l'église Saint-Pierre. Un faucon est venu s'y installer, mais il n'est pas resté. "Est-ce à cause du trafic important, ou car la hauteur n'était pas suffisante ?", s'interroge Stéphane Gervaise, chef du service communal d'hygiène et de santé. Nouveau rebondissement, un couple de faucon a été observé deux années de suite en haut de l'église Saint-Étienne. Alors ni une ni deux, on a construit une boîte avec un système de perchoir adapté aux serres de l'animal. "On espère qu'ils vont revenir et s'installer de manière pérenne, on aura la réponse au début du printemps normalement", désire Stéphane Gervaise. Évidemment, le faucon ne mangera pas toute la population de pigeons, mais il servira au moins à les effrayer, de quoi éparpiller la population. "Si le pigeon pense à sa survie, il aura moins de temps pour se reproduire", ajoute James Jean-Baptiste, ornithologue. Alors que beaucoup d'oiseaux aiment prendre le soleil sur les toits de l'Abbaye aux Hommes, la fin de la récréation pourrait être bientôt sifflée.
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