Elle aurait eu vingt-trois ans… Belle comme un cœur, souriante, bonne élève, elle se voyait plus tard professeur d'anglais. Chaque semaine, ses grands-parents paternels, Papi Roger, 75 ans, et Mami Marcelle, 76 ans, se rendent dans le petit cimetière de Courtonnes-la-Meurdrac, où elle repose en contrebas de la jolie petite église Saint-Ouen et de l'école communale.
Ses cendres ont été placées dans l'urne logée dans la pierre. Sur le rebord, il y a un petit cœur et des angelots, un collier aussi fait de pommes de pin. Il est écrit sa date de naissance et celle de sa disparition : née un 14 mars comme son grand-père, sous le signe du Poisson, disparue le 3 mars 2016. Elle s'est jetée sous un train, le Deauville-Lisieux. Il était 8 h 45. Elle n'avait pas seize ans.
• Lire aussi. Lisieux. Suicide de Juliette : la famille veut "servir d'exemple" face au harcèlement
Roger et Marcelle Lebas, ses deux grands-parents paternels, ont assisté le mardi 17 janvier, à Lisieux, au procès de l'ancien petit ami de Juliette qui avait diffusé sur les réseaux sociaux la photo intime de la jeune fille, dénudée. Cette photo a fait le tour de plusieurs "copines" et "copains" au lycée Marcel-Gambier de Lisieux, elle avait déjà circulé deux ans auparavant au collège de Juliette. Cette diffusion en forme d'acharnement a poussé la jeune fille, humiliée, à se suicider.
"La vie d'avant était formidable…"
"Notre vie de famille est brisée. Il ne se passe pas un seul jour sans qu'on pense à elle", dit son grand-père. Son épouse Marcelle reste en retrait, ne veut pas trop en parler : "C'est compliqué." Elle tient, entre ses mains, le cadre d'une photo de famille qu'elle nous montre. C'est une photo de vacances, on voit Christophe et Véronique Lebas, les parents de Juliette, avec son petit frère Lucas. Christophe est couvreur, Véronique infirmière. Ils ont un autre garçon, Antony. Marcelle a collé tout autour du cadre des petites fèves des galettes des rois, comme autant de petits cailloux semés autour de ce joli portrait de famille.
Depuis ce jour de mars, il y a sept ans, Roger a accumulé tous les articles parus dans les journaux sur ce dont a été victime sa petite fille. "Moi, je me bats pour notre belle Juliette, pour dire aussi aux parents d'être attentifs. Le harcèlement est un fléau qu'on ne peut pas soupçonner."
Un premier procès avait eu lieu en octobre dernier : à l'époque, cinq prévenus, trois jeunes filles et deux garçons, tous mineurs au moment des faits, avaient comparu. Ils ont été condamnés à des peines de prison avec sursis pour avoir diffusé cette photo. L'un des jeunes a fait appel. L'ancien copain de Juliette, aujourd'hui âgé de 24 ans, ne s'est pas présenté au procès qui le concernait. Roger Lebas est amer. "Il a disparu dans la nature. Les gendarmes n'ont pas beaucoup cherché pour essayer de le retrouver. Moi, j'aurais aimé pouvoir le regarder en face, lui montrer la photo de ma petite fille. C'est un tel gâchis."
Juliette, enfant, embarquait souvent avec ses grands-parents dans leur camping-car pour les vacances. "Une vie formidable", soupire Roger. Ils partaient souvent en Bretagne. "De Juliette, nous n'avons que de bons souvenirs, elle était toujours positive."
Juliette Lebas - DR
"Des gamineries" a osé dire un avocat !
Les parents de la jeune fille n'ont pas souhaité assister au procès du jeune homme. Le traumatisme est trop grand, la douleur trop vive, insupportable. "Ceux qui ont harcelé ma fille ont bousillé notre famille", a dit Véronique, la maman. "Moi, reprend son grand-père, je ne veux pas qu'on l'oublie. Je dis aussi aux parents : surveillez ce qui circule sur les réseaux sociaux de vos ados."
Juliette en est morte, un matin de mars 2016, sur une voie ferrée, pas loin de son lycée. Sur une photo de famille, on la voit souffler la bougie de son gâteau d'anniversaire. Elle a l'air d'une enfant, c'était pour ses quatorze ans. Deux ans plus tard, elle commettait ce geste ultime. Des "gamineries", avait osé dire l'avocat d'un prévenu harceleur en parlant de cette histoire.
Le jour des 14 ans de Juliette avec son grand-père - DR
Des gamineries ?
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Il n'y a pas de remèdes pour soigner ces blessures.
Nous, adultes, avons une part importante de responsabilité.
Certes toute nouvelle technologie amène son lot de malheur comme de bonheur, on pourrait dire qu'il en est ainsi de la marche du monde.
Oui ! si nous étions des animaux dépourvus de conscience et d'ampathie, ce n'est pas le cas.
Soyons donc exigeants et intolérants envers les médias qui rendent ceci possible puisque les politiques ne semblent pas être en capacité de le faire.
Parents, nous sommes responsables, éducateurs nous sommes responsables... Adultes nous sommes responsables, jeunes adolescent nous sommes responsables.
Il ne suffit plus de faire des marches blanches, il faut agir !
Boyquottez, interpellez, refusez d'être complices par laxisme. Peut être demain votre fils, ou petit-fils, votre fille ou petite fille, un de vos voisins, un de vos amis.
Mon cher MR je suis de tout cœur avec vous et toutes votre famille, c’est humiliant de ne pas avoir fait justice envers tous ces jeunes personnes qui ont fait souffrance à JULIETTE.
Où est la justice !! Bon courage