6 h 03. Quai G. Train n°3354. Trois fois par semaine, c'est la même routine pour Ahmed Rad Abdillahi. Il s'assoit toujours sur le même siège, place n°112, rame 16, à l'étage. Cela fait dix-neuf ans qu'il prend le train au départ de Caen pour aller travailler à Paris. "Avant le confinement, je faisais l'aller-retour 5 jours sur 5. Maintenant, je remercie le télétravail !", confie-t-il. Sa journée commence bien plus tôt. Avant d'arriver sur le quai de la gare, le quinquagénaire a déjà parcouru 25 minutes de bus. Il s'attaque ensuite à 2 h 15 de trajet en train, puis 45 minutes de métro parisien pour rejoindre son lieu de travail. Le tout aller-retour. "Je passe plus de six heures dans les transports par jour", déplore-t-il, fatigué par cette routine quotidienne. Alors, à l'heure de lui demander si le trafic sur la ligne SNCF Caen-Paris se porte bien, il reste mitigé. "Je ne vais pas être mauvaise langue. Depuis l'arrivée des nouveaux trains (les premières rames Omneo premium ont été mises sur les rails en février 2020, ndlr), la ponctualité s'est améliorée."
Lors de la première semaine de janvier 2023, la SNCF annonçait que 96,9 % des trains normands étaient à l'heure ou avec cinq minutes de retard maximum.
"Les rames Omneo nous posent
moins de problèmes"
Ce voyageur quotidien, appelé "un navetteur" par l'Union des usagers du Paris-Cherbourg (UDUPC), remarque surtout une amélioration depuis la rentrée de septembre dernier. D'ailleurs, lors de la première semaine de janvier 2023, la SNCF annonçait que 96,9 % des trains normands étaient à l'heure ou avec cinq minutes de retard maximum. Pierre Dumont, qui fait partie des 150 abonnés de la ligne Caen-Paris, le rejoint. "On a subi des taux de ponctualité catastrophiques. Aujourd'hui, il faut avouer que les rames Omneo nous posent moins de problèmes." Il fait l'aller-retour deux fois par semaine vers la capitale. La vigilance reste de mise malgré tout, y compris pour Ahmed.
Améliorer l'information voyageur
Au quotidien, il est sur le qui-vive pour ne pas manquer l'heure de son embauche. "On a hâte d'arriver à la maison ou au bureau tous les jours." Entre novembre 2022 et janvier 2023, ce voyageur régulier a vécu deux ou trois retards, "dont un avec plus de 45 minutes. C'est déjà de trop, même si c'était pire avant, avec les trains Corail". Les seules grosses difficultés qu'il a rencontrées en 2022 remontent à la période estivale, "où un soir, je suis resté bloqué plus de 4 heures à la gare Saint-Lazare", témoigne celui qui paye presque 400 € l'abonnement par mois (50 % sont pris en charge par son employeur). Parmi les axes d'amélioration, il en attend plus concernant l'information des voyageurs. Quant à Pierre Dumont, plus rassuré sur la ponctualité, il reste persuadé que le train reste malgré tout le moyen de transport le plus adapté pour aller régulièrement à Paris. D'autant qu'il permet aussi de nouer des liens d'amitié. "C'est aussi un lieu de vie. On se retrouve tous les matins avec certains navetteurs, certains sont devenus des amis que je vois en dehors." Ça, ce n'est pas près de changer.
L'année 2022 en chiffres
La SNCF se réjouit de sa ponctualité sur la ligne de train entre Caen et Paris en 2022. Retour en chiffres sur l'année écoulée.
90,2
Sur l'année, il est estimé que 90,2% des trains sur la ligne Cherbourg-Caen-Paris étaient ponctuels, c'est-à-dire à l'heure ou avec cinq minutes de retard maximum.
20
La SNCF a gagné 20 points de pourcentage de ponctualité sur la ligne Caen-Paris aller-retour depuis 2020.
1,5
C'est environ le pourcentage d'annulation des trains sur les lignes normandes (pas uniquement la ligne Caen-Paris)
5
Le mercredi 13 juillet 2022, en raison de la canicule, un incident technique a eu lieu sur un train à l'entrée de la gare Saint-Lazare. Cela a bloqué la gare parisienne et plus de cinq heures de retards ont été occasionnées sur la ligne Paris-Caen.
50
Plus de 50% des retards sur la ligne Caen-Paris sont liés à des causes externes tels que les accidents de personne, des arbres ou animaux sur la voie, des véhicules sur les passages à niveau, etc. Le reste concerne des incidents internes à la SNCF.
94
Selon une enquête réalisée par MV2 et BVA, qui comprend 11 000 voyageurs occasionnels et 4 000 habitués, 94% des usagers recommandent les trains des lignes normandes à leurs proches, dont la ligne Caen-Paris.
Conducteurs et contrôleurs racontent
Travailler avec la peur d'être en retard, c'est aussi le quotidien des contrôleurs et des agents SNCF. Ils racontent leur vie sur la ligne Caen-Paris.
La ligne Caen-Paris, Quentin Genissel la connaît par cœur. Contrôleur SNCF depuis neuf ans, il se dirige soit vers Paris, soit vers Cherbourg, dans l'autre sens, quasiment quotidiennement. Il ne passe pas par quatre chemins quand il évoque la ponctualité de cette ligne, souvent critiquée par les usagers. "Il y a vraiment moins de retards au départ de Saint-Lazare. C'est presque le jour et la nuit entre les rames Omneo et les Intercités Corail." Les premiers trains Omneo ont vu le jour dès le début d'année 2020. La totalité de la flotte Intercités Corail a été remplacée en octobre 2021. De son côté, Wilfried Madeline bénéficie d'un peu plus d'expérience et de recul. "La ponctualité est très bonne. Les trains circulent mieux qu'avant", assure ce contrôleur de train depuis 24 ans, avec en moyenne deux à trois allers-retours par semaine vers la capitale.
Du matériel neuf
pour plus de ponctualité
Selon lui, "tout est question de matériel. On pouvait perdre un quart d'heure pour une porte qui ne voulait pas se fermer". En cause : la vétusté des rames Corail qui, pour certaines, avaient plus de 40 ans. "C'est vrai qu'aujourd'hui, on concentre notre travail sur le service et le contrôle. On a moins de missions de sécurité, sans la négliger", ajoute son collègue de wagon. Pour rendre les choses plus concrètes, depuis septembre 2022, Wilfried assure n'avoir "aucun souvenir d'incident", sinon "quand on a 15 minutes de retard au départ, on est capables d'arriver à l'heure à Paris". Sur le dernier mois écoulé, comprenant les fêtes de Noël très chargées, Quentin Genissel ne pointe du doigt qu'un seul incident. "C'était le 24 décembre. Il y a eu un problème technique en gare de Cherbourg et, en même temps, un accident de personne en gare de Mantes-la-Jolie. C'était le bazar !, reconnaît-il. Le reste des fêtes s'est très bien passé."
"Avant, on venait au travail
avec la boule au ventre"
Loin de lui l'idée de penser que le train déraille entre Caen et la capitale depuis un an, à l'exception d'un été 2022 très compliqué. "On faisait un détour de 20 à 30 minutes de plus en arrivant sur Paris en raison de travaux. Les voyageurs étaient prévenus à l'avance", souligne Wilfried Madeline. Si Quentin admet que cette ligne Caen-Paris a connu quelques difficultés par le passé, il assure qu'elle a fait de grands progrès. Selon lui, travailler sur la ligne en janvier 2023 est moins stressant qu'avant. "Avant, on venait au travail avant la boule au ventre. Tous les jours, on se demandait si le train allait arriver."
Théo Jouanny, lui, effectue 70 % de ses voyages sur l'axe Caen-Paris depuis un an. "Dans la majorité des cas, on est à l'heure, même si quand il y a des gros incidents, ça se voit", relate le jeune conducteur de 26 ans. Comme il y a dix jours, il se souvient être arrivé avec 45 minutes de retard à Paris. S'il estime avec ses collègues agents de la SNCF que ces retards restent "à la marge", ils sont bien conscients que des efforts restent à faire pour que 100 % des trains soient à l'heure.
"La hausse de la ponctualité est spectaculaire"
La SNCF et la Région Normandie, en charge de l'organisation des trains en Normandie, se réjouissent de la ponctualité des lignes en 2022, notamment celle entre Caen et Paris.
"Les indicateurs de ponctualité se sont très nettement améliorés", se félicite Jean-Baptiste Gastinne, en charge des transports à la Région. Il étale les chiffres : 76 % des trains étaient à l'heure en 2020 contre 91 % en 2022. "On revient de très loin", rappelle-t-il. À la SNCF d'abonder dans ce sens. "La hausse de la ponctualité de cette ligne est spectaculaire", se satisfait Grégoire Forgeot d'Arc, directeur SNCF Voyageur sur les lignes normandes. Le changement de rames y est pour beaucoup, ainsi que l'investissement réalisé pour réorganiser le système de maintenance (200 millions d'euros). Mais ce chiffre de ponctualité veut aussi dire que "pour quelqu'un qui va à Paris tous les jours, sur ses dix trajets par semaine en moyenne, il y en a encore un qui ne se passe pas normalement", reconnaît Jean-Baptiste Gastinne. Les principales difficultés se concentrent sur les heures de pointe. "Quand une ligne à un problème, ça peut impacter plusieurs trains. On réfléchit aux scénarios à mettre en place pour être plus réactifs", projette Grégoire Forgeot d'Arc. Améliorer la communication est l'un des axes de travail. "Une formation pour les contrôleurs est prévue début 2023 pour raconter aux voyageurs ce qu'il se passe en temps réel." D'autres progrès restent à faire. "Il faut qu'on fasse encore mieux que 91 % de ponctualité et mieux sur les temps de parcours", envisage Jean-Baptiste Gastinne. La Région et la SNCF ont pour objectif commun de rejoindre Paris en moins de deux heures d'ici 2027.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.