Les Rouennais connaissent bien cette petite boutique typique de la rue Saint-Nicolas. Baptisée sobrement Aux jouets en bois, elle existe désormais depuis 34 ans. Et depuis le mois de juin, c'est la fille, Élise Tyc, qui a repris la boutique de sa mère et qui reste sur le même créneau : des jouets en bois, dont la certaine désuétude fait aussi le charme de la qualité et du made in France au maximum. "Il y a 20 ans, huit boutiques étaient sur ce marché à Rouen, il y a 10 ans, il n'y en avait plus que quatre, et je suis désormais la dernière", sourit la nouvelle propriétaire, qui a changé de carrière pour reprendre le commerce familial et retrouver "un travail avec plus de sens". Ludivine Cuchor et Jérémie Delahaye, deux clients fidèles, ne jurent que par cette boutique et sortent sac à la main avec doudous et mobiles pour l'heureux événement qu'ils attendent. "On a un savoir-faire français à mettre en avant plutôt que d'acheter un truc en plastique avec des piles, explique la future maman. Et puis, il y a un côté unique, je ne veux pas que ma fille ait la même chambre que tout le monde."
Made in France et Europe
Élise Tyc l'assure : les affaires marchent bien et il y a une vraie demande sur la traçabilité et la qualité des jouets. Le problème reste de trouver de la marchandise. "Quand j'étais petite, on partait sur les routes dans le Jura et on faisait la tournée des petits artisans, mais il y en a de moins en moins", dans un marché qui est très largement dominé par le made in Chine. Certaines marques perdurent et restent un gage de qualité, comme Vilac, Petitcollin pour les baigneurs ou Heimess. La commerçante entend bien désormais "redonner un souffle au made in France", en repartant sur les routes dès la période creuse pour trouver de la nouvelle marchandise. "Je serai aussi en février au salon du jouet à Nuremberg", indique-t-elle, passée donc la période de Noël qui représente environ un tiers des ventes du marché du jouet selon NPD group, une entreprise spécialiste des études de marché.
Les grandes enseignes s'y mettent
Conscientes de la demande, les grandes enseignes de jouets sont de plus en plus présentes sur le marché du made in France. "Nous mettons en avant au maximum ces produits dans notre magasin", explique Stéphanie Aubrée, responsable adjointe du magasin King jouets de l'Espace du palais à Rouen. Elle cite de grands succès commerciaux comme la conteuse d'histoire Lunii, fabriquée en France, ou encore les jeux et jouets Cocorico.
Depuis cette année, la filière jeu-jouet et ses acteurs sont aussi contraints de s'engager pour le développement durable dans le cadre de la loi Agec (anti-gaspillage pour une économie circulaire). Ils doivent financer la collecte des jouets usagés ou en fin de vie, via une éco-contribution, pour en assurer le traitement, soit par le réemploi, soit par le recyclage. Le déploiement national de bacs de collecte de jouets se fera progressivement courant 2023. Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), près de 100 000 tonnes de jouets sont jetés chaque année en France.
Le réemploi, alternative au neuf
Dans l'agglomération de Rouen, associations et ressourceries proposent à la vente des jouets d'occasion. Un nouvel acteur, Kintsu jouets, vient aussi de se lancer spécifiquement dans le réemploi des jeux et jouets.
La période de Noël est toujours un moment fort chez Résistes, la ressourcerie de Darnétal. Les horaires d'ouverture sont d'ailleurs élargis les deux semaines avant Noël, pour que chacun puisse y faire ses achats d'occasion. Et le rayon jouets et jeux est largement mis en avant. La ressourcerie en a collecté près de 10 tonnes depuis le début de l'année. "Chaque mercredi, trois bénévoles viennent pour trier les jouets en plus de nos salariés permanents", explique la directrice Sophie Courtois. Parmi elles, Laurence Aubin et Danièle Lozevic. "On les récupère dans le hangar et on les trie. On jette quand c'est trop abîmé, on complète quand il faut compléter", explique la première. Dans une salle dédiée, patiemment, elles ajoutent dés, jetons, règles aux boîtes de jeux qui seraient incomplètes. "Les jeux, c'est ce qu'il y a de plus compliqué à trier, bien plus que la vaisselle. Il faut connaître", enchérit Danièle Lozevic. Au bout du compte, de belles occasions sont à faire. "Pas besoin de commander un jeu qui vient de l'autre bout de la planète", scande Sophie Courtois. Une dimension écologique certaine et une dimension sociale, puisque cela finance la ressourcerie, organisation de l'économie sociale et solidaire qui fait travailler une vingtaine de personnes éloignées de l'emploi en chantier d'insertion.
"On veut qu'acheter d'occasion
soit aussi facile que d'acheter neuf"
Les prix sont à la portée de tous : quatre euros maximum pour un puzzle, dix pour une poupée. Les Lego, Duplo ou Playmobil sont même vendus au kilo. Dans le rayon jouets, Ouarda Ladjal a bien rempli son sac pour les fêtes de fin d'année et pour ses trois enfants. "En plus, Noël tombe avec les anniversaires, on ne peut pas tout acheter neuf", indique-t-elle.
Dans la Métropole de Rouen, Kintsu jouets, association de l'économie sociale et solidaire, se lance également sur ce créneau du remploi du jouet. À la manœuvre, Frédéric Lemettais et Carine Bories, qui se sont inspirés d'une organisation parisienne qui les conseille dans leur projet. Carine Bories, mère de trois enfants, cherchait à consommer différemment mais ne trouvait pas satisfaction sur le marché de l'occasion, notamment via les applications en ligne. Kintsu jouets organise des collectes, dans des crèches, écoles ou entreprises, et s'engage à trier et revaloriser les jeux et jouets. "On ne garde que les jouets sûrs et pas cassés, qui respectent les normes CE." Avec des salariés en insertion, ils vont ensuite nettoyer les jouets dans les moindres recoins "avec des produits écologiques", compléter les jeux quand il manque des pièces, avec comme objectif de se rapprocher au maximum de l'état neuf, pour qu'ils puissent être revendus en toute sécurité. "On veut qu'acheter d'occasion soit aussi facile que d'acheter neuf, lever tous les freins pour des jouets qui sont propres et sûrs", détaille Carine Bories. En plus des professionnels, crèches ou réseaux d'assistantes maternelles, les jouets seront aussi proposés à des particuliers, pour l'instant sur des ventes éphémères. En 2023, Kintsu jouets entend ensuite installer des espaces de vente auprès de boutiques partenaires dans l'agglomération de Rouen.
Des jouets d'occasion vendus par les enfants, pour les enfants
Dans le cadre des animations de Rouen givrée, la Ville de Rouen organise la brocante des enfants, mercredi 7, mercredi 14 et lundi 19 décembre. Les enfants eux-mêmes sont invités à vendre les jouets qu'ils n'utilisent plus.
"Dans toutes les chambres d'enfant, il y a des choses avec lesquelles ils n'ont joué que deux jours", lance en souriant Matthieu Blondel, chargé de mission à la direction événementielle de la Ville de Rouen. Depuis l'an passé, la Ville propose dans le cadre des animations de Rouen givrée la brocante des enfants. Cette année, elle se tiendra mercredi 7 décembre place Saint-Marc, mercredi 14 décembre place des Emmurées et lundi 19 décembre place du Vieux-Marché, à chaque fois de 12 heures à 16 h 30.
Une lutte contre la surconsommation
Le principe ? Que ce soit les enfants eux-mêmes qui vendent à d'autres enfants les jouets dont ils n'ont plus l'usage, avec leurs parents. "On trouvait ça rigolo que les enfants vendent", indique Matthieu Blondel, arguant aussi du caractère pédagogique de cette brocante. C'est également un moyen d'inscrire Rouen givrée dans "la transition écologique et le développement durable, la lutte contre la surconsommation et l'obsolescence programmée", en favorisant l'achat de jouets d'occasion. Avec les difficultés actuelles liées au pouvoir d'achat, "c'est aussi une belle occasion pour les achats de Noël". L'inscription est gratuite et se fait sur le site internet de la Ville de Rouen. L'an passé, environ 50 % des espaces disponibles ont été remplis, alors que l'on sortait encore de la crise sanitaire. "C'était une première, il faut laisser le temps à l'événement de s'installer."
Les jeux et les jouets en chiffres
Le marché de l'occasion et du réemploi est de plus en plus apprécié des consommateurs.
Les habitudes de consommation*
78 % des parents ont déjà acheté des jeux et jouets d'occasion ou en ont revendu, quelle que soit leur catégorie socioprofessionnelle.
48 % des parents pensent acheter des jeux-jouets d'occasion pour Noël, dont deux tiers qui en ont déjà acheté précédemment.
130 euros par enfant est le budget prévu par les parents interrogés en 2022, contre 131 euros en 2021. Ce budget est stable pour 59 % des parents qui vont offrir en moyenne trois jeux ou jouets par enfant.
Parmi les critères qui guident le choix des parents à l'achat, 39 % citent le prix, 29 % la qualité et 13 % le choix de l'offre disponible sur le lieu de vente.
En 2017, près de 157 000 tonnes de jouets ont été vendus en France, pour un marché d'environ 3,5 milliards d'euros. 90 % des jouets vendus sont importés.**
* source Étude King Jouet de septembre 2022 par Junior City sur un panel de 900 foyers avec enfants de 1 à 14 ans
** source gouvernement
Près de 10 tonnes de jouets collectés
9 754 kg de jeux et jouets ont été collectés par la ressourcerie Résistes de Darnétal depuis le début de l'année 2022. Certains seront revendus, d'autres, en trop mauvais état, seront recyclés.
Selon l'Ademe, 100 000 tonnes de jouets sont jetés chaque année.
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