Elle est menue, se recroqueville, serre ses deux mains, semble un peu perdue, comme apeurée. Il n'y a pas grand-chose qui la fasse sourire. "Longtemps, dit son avocate à la chevelure bouclée, elle s'est sentie coupable de ce qui lui arrivait."
Dans les couloirs du tribunal, celui qui partageait sa vie il y a encore quelques mois passe devant elle sans même la regarder. Il a l'air buté, pas commode, emmitouflé dans sa parka, la barbe noire. Assise sur un banc, entourée de ses parents Pascal et Nadine et de sa sœur Aurélie, Vanessa parle de sa vie d'avant, avec le père de sa petite fille aujourd'hui âgée de quatre ans et demi.
C'est un crève-cœur, une misère autant sentimentale que psychologique. Quatorze ans de vie commune pour en arriver là, des coups, des blessures, des insultes à répétition. La dernière bagarre a été de trop : le 20 septembre de l'année dernière, il a empoigné Vanessa, a serré les mains autour de son cou, lui a donné des coups de pied au ventre et des coups de poing, l'a battue pour une histoire futile, une histoire de rien du tout. Vanessa avait besoin des clefs de la voiture pour aller à un rendez-vous de travail, il n'a pas supporté, s'est emporté, a tout cassé. "Dès que je te vois, j'ai envie de te frapper." La scène s'est déroulée sous les yeux de leur petite fille. Et pourtant, dit aujourd'hui Vanessa, "je l'aimais, je tenais à lui, mais maintenant, c'est fini."
C'est la fin d'un calvaire, l'histoire d'une violence conjugale dans l'intimité familiale sans que personne autour n'en sache rien. Un jour, Vanessa s'était confiée à une collègue de travail, son amie, elle lui avait dit que c'était parfois compliqué à la maison, "qu'il n'avait pas toujours des mots tendres" en parlant de lui. Elle n'avait rien dit de plus. La suite a donc été jugée la semaine dernière au tribunal. Le compagnon violent, père de la petite E…, a été condamné à un an de prison avec sursis, avec interdiction de rentrer en contact avec la mère de l'enfant. Le même jour, vendredi dernier, était célébrée partout dans le monde, à l'initiative de l'Organisation des Nations unies, la journée internationale pour l'élimination de la violence faite aux femmes !
"Si seulement, elle nous avait parlé
de tout cela avant…"
Vanessa et son ex-compagnon se sont connus sur un site de rencontres, c'était il y a quinze ans. "Il ne faudrait jamais cliquer sur Internet", dit la jeune femme. Ils ont vécu ensemble à partir de ce moment-là, acheté leur maison dans le centre de La Cambe, une jolie petite maison de ville. Et puis les choses ont progressivement mal tourné, avec des brimades à répétition. À la barre du tribunal, le compagnon violent a cherché ses mots devant la présidente et la procureure de la République : "Je m'excuse, elle ne mérite pas ça. J'aurais dû prendre du recul, faire autrement. je regrette de lui avoir fait du mal et d'avoir fait souffrir la petite."
L'homme interpellé par les gendarmes après que sa compagne a enfin réussi à déposer plainte a été contraint à un stage de sensibilisation aux violences intrafamiliales. Il jure qu'il a compris. Aujourd'hui, le couple est séparé, lui refait sa vie avec une autre femme qui fut, elle aussi, victime de violences par le passé. Vanessa, seule désormais avec sa petite fille, a passé son permis poids lourd et vient de décrocher un boulot de livreur dans une entreprise de transport de colis. La maison du couple sera vendue. "On va peut-être essayer de la racheter pour qu'elle puisse la conserver", dit Pascal, le papa.
Ses parents la rassurent, promettent qu'ils prendront soin d'elle. "Si seulement elle avait pu nous parler de tout cela avant. Si seulement…" Pascal, ancien chauffeur routier déménageur est à la retraite depuis quatre mois. Nadine, la maman, est employée de maison, tous deux vivent à Pont-l'Evêque. "On va s'occuper de notre fille, faire en sorte que tout s'arrange pour elle."
Vanessa a esquissé un petit sourire timide. Le premier depuis longtemps.
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