Il porte en permanence des bretelles, consulte régulièrement son téléphone, aime écouter de temps en temps Brassens et Sardou, avoue une sensibilité à la musique sacrée - "ce quelque chose qui tient de l'émerveillement" - et range un peu son "souk" de bureau au presbytère d'Argentan avant d'accueillir son visiteur. C'est donc lui, ce curé de campagne dont il est question dans l'exposition actuellement visible à l'abbaye Notre-Dame de la Trappe à Soligny-la-Trappe et que signe Stéphane Ouzounoff, qui l'a suivi dans sa vie de prêtre. Les images couvrent une période de 2007 à 2022, à raison de quelques journées passées ici ou là aux côtés du prêtre très photogénique.
"Je ne viens pas d'une autre planète !"
Lui dans sa paroisse, lui en train de faire ses courses au supermarché ou encore célébrant sa messe dans une église vide où aucun paroissien n'est venu le rejoindre, lui souvent entouré des fidèles, à la sortie de l'église ou encore à l'intérieur lors de célébrations, dont le mariage de sa propre nièce. Édouard Léger, natif d'Alençon, 52 ans, ordonné prêtre en 1997 et qui, enfant, se rêvait pape, vient de célébrer en juin ses vingt-cinq ans de sacerdoce… Vingt-cinq années d'une vie faite, dit-il, de prières et de rencontres "au service de l'Évangile et de Jésus Christ vivant". De lui, Stéphane Ouzounoff, qui a fini par bien le connaître alors qu'il ne l'avait jamais rencontré avant de faire ses premiers clichés en 2007, dit qu'il est un "prêtre franc du collier, qui marche à la confiance".
On le voit comme cela quand il nous accueille à son presbytère. Stéphane Ouzounoff dit aussi que dans sa vie de photographe, il lui arrive de connaître de "très belles rencontres". Celle avec le père Léger en est une. Pourquoi le prêtre aux bretelles et l'air bonhomme a-t-il ainsi accepté la présence du photographe à ses côtés ? "Pour dire ce qu'est cette vie de prêtre, souvent méconnue."
Le père Léger en sourit presque : "Souvent, on nous prend pour des gens à part, comme si nous arrivions d'une autre planète. J'en ai même vu qui, en me croisant au supermarché, se demandaient en regardant mon panier ce que je pouvais bien manger le soir au presbytère. D'autres s'interrogent aussi sur le type de musique que je peux écouter." On a la réponse, il se confesse dans un grand éclat de rire : "Je mange de tout et j'écoute parfois du Brassens et du Sardou !"
Édouard Léger a grandi dans une famille ornaise catholique pratiquante. Son père était directeur départemental de l'agriculture, sa maman mère au foyer. Les morts successives de Paul VI et de Jean-Paul 1er ont agi sur lui comme un déclic. Le scoutisme aussi l'a conforté dans sa vocation. Que retient-il aujourd'hui de ses vingt-cinq ans de prêtrise dans les paroisses de l'Orne placées sous sa responsabilité aux côtés de vicaires et d'équipes laïques qui l'aident au quotidien ? "L'essentiel : avoir rencontré Jésus Christ ressuscité. Faire aussi mieux comprendre ce qu'est la foi et s'en émerveiller. Notre vie de prêtre nous ouvre toutes les portes, des plus humbles aux plus prestigieuses. Ce qui nourrit la vie d'un prêtre, c'est cela : la prière et la rencontre." Comment se voit-il dans vingt-cinq ans ? "J'espère ne jamais être blasé, conserver ma capacité d'émerveillement et ne pas devenir un vieux con ! La foi chrétienne m'y invite chaque jour." Son compère photographe a raison : cet homme-là est "franc du collier".
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Il s'expose…
La vie d'un curé
de campagne
L'exposition consacrée au père Édouard Léger est visible depuis début novembre et jusqu'au 31 décembre à l'abbaye Notre-Dame de Soligny-la-Trappe. C'est le père abbé qui a favorisé en 2007 le contact entre le prêtre et le photographe qui cherchait à suivre un curé de campagne. "J'ai la personne qu'il vous faut", avait dit le Frère Thomas à Stéphane Ouzounoff. Et cette personne était précisément le père Édouard Léger. Le reportage a commencé en 2007 et s'est étalé jusqu'en 2022.
La main tendue
Le choix
d'une image
Stéphane Ouzounoff, auteur de l'expo, ose un choix : à la question de savoir la photo qu'il préfère du Père Léger, il répond, sans détour, celle où, à la sortie d'un office, sur le parvis de l'église, le curé tend sa main vers quelqu'un qu'on ne voit pas. "Cette main tendue vers l'autre, c'est tout lui. Cette photo raconte vraiment ce qu'il est." Pour le reporter de 62 ans, qui travaille notamment pour La Croix et Le Pèlerin, une image réussie est celle qui "aspire et inspire" et donne du sens.
"Grâce à Dieu"
Le chemin
de la vérité
Le père Léger a fait une partie de ses études au séminaire interdiocésain de Caen. Il y a croisé Michel Santier, l'ancien évêque de Créteil originaire de la Manche sanctionné par Rome en 2021 pour "abus spirituels à des fins sexuelles" sur deux majeurs alors qu'il était le directeur de l'École de la foi à Coutances. "Comment a-t-il pu accepter d'être évêque en sachant ce qu'il avait fait", s'interroge le père Léger, qui dit partager la souffrance de l'Église et des victimes dont, "grâce à Dieu", il n'est pas. "L'Église a encore à faire sur le chemin de la vérité."
Seul au monde
Une messe
sans fidèles
De tous ces moments photographiés par Stéphane Ouzounoff racontant la vie du curé d'Argentan, il en est un qui renvoie le père Léger à un jour de février 2007 qu'il n'est pas près d'oublier. On le voit de dos, seul dans l'église de Tourouvre, en train de célébrer la messe, sans personne autour de lui. "C'était un jour en semaine. Même s'il n'y avait personne, j'ai célébré… J'avoue que ce ne fut pas le moment le plus plaisant de mes 25 ans de sacerdoce."
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