Cette vague d'exilés est la deuxième observée en Géorgie après une première série de départs vers ce petit pays du Caucase juste après le déclenchement de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le 24 février.
A la frontière, une ligne de véhicules longue de près de vingt kilomètres s'est formée, tandis que d'autres passent en vélo et même à pied, sac sur le dos ou traînant leurs bagages derrière eux.
"Je n'avais pas d'autre choix que de fuir la Russie", explique Nikita à l'AFP une fois passé du côté géorgien de la frontière, au poste de Kazbegui, situé dans une gorge étroite et rocheuse.
"Quelle raison aurais-je d'aller à cette guerre folle ? Je ne suis pas de la chair à canon, je ne suis pas un meurtrier", poursuit le jeune homme de 23 ans, alors qu'un vautour passe au-dessus de sa tête.
Comme la plupart des hommes interrogés par l'AFP, il n'a pas souhaité donner son nom de famille par peur de représailles.
"Notre président veut nous entraîner tous dans une guerre fratricide, qu'il a déclarée sur des bases totalement illégitimes", ajoute Denis, 38 ans, qui veut simplement "s'échapper".
"Pour moi, ce ne sont pas des vacances sympas en Géorgie, c'est une émigration", développe-t-il avec un sourire triste.
Alexandre Soudakov, un cadre de 32 ans, juge lui que la mobilisation a été "la goutte d'eau qui a fait déborder le vase" après vingt ans d'un pouvoir russe toujours plus autoritaire.
"Les Ukrainiens sont nos frères. Je ne comprends pas comment je pourrais aller les tuer, ou me faire tuer", souligne-t-il.
Il dit désormais réfléchir à demander l'asile en Europe, une fois que sa femme et son fils en bas âge le rejoindront en Géorgie depuis la ville de Saint-Pétersbourg (nord-ouest de la Russie).
"Corruption éhontée"
L'afflux d'exilés russes a reçu un accueil mitigé en Géorgie, un pays où le souvenir douloureux de la guerre de 2008 avec Moscou est encore présent dans les esprits.
Ce conflit de cinq jours a abouti à la reconnaissance par la Russie de deux républiques séparatistes prorusses géorgiennes, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, où Moscou stationne des troupes.
Durant les quatre premiers mois de la guerre, 50.000 Russes sont arrivés en Géorgie. Depuis l'annonce de la mobilisation, ils sont environ 10.000 à franchir la frontière chaque jour, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.
Quelque 40.000 Russes ont également rejoint l'Arménie, un autre pays du Caucase, au cours des quatre premiers mois de guerre. Aucun chiffre n'est disponible à l'heure actuelle sur la période plus récente.
Dimanche, les autorités russes ont pour la première fois reconnu qu'il y avait un important afflux de Russes aux frontières, non seulement dans le Caucase, mais aussi vers le Kazakhstan, la Mongolie et la Finlande.
Les autorités locales à la frontière avec la Géorgie ont évoqué une file d'attente de près de 2.300 voitures pour quitter la Russie.
Nikita explique cette queue par la "corruption éhontée" des agents de police russes, qui ferment par moment la route afin d'"extorquer de l'argent à des gens désespérés".
"Il faut actuellement jusqu'à trois jours pour parcourir vingt kilomètres jusqu'à la frontière géorgienne, mais si vous versez un pot-de-vin à la police, il suffit de quelques heures pour qu'elle vous escorte jusqu'à la frontière", témoigne-t-il.
Alexandre Soudakov confirme, disant avoir payé 1.200 dollars à la police mais qu'il lui a quand même fallu une trentaine d'heures pour atteindre la frontière géorgienne.
"Des millions de personnes suivront, personne ne veut aller à cette guerre, même ceux qui sont empoisonnés par la propagande du gouvernement" russe, prédit Nikita.
Igor, 32 ans, est l'une de ces personnes.
"Je suis patriote, je soutiens Poutine et l'opération militaire spéciale en Ukraine, mais je ne veux pas aller à la guerre parce que je suis l'unique soutien financier de ma famille et que j'ai cette saleté de crédit immobilier", dit-il.
Igor prévoit de travailler à distance pour une société informatique russe depuis la Géorgie, mais il sera obligé de retourner en Russie dans six mois lorsque son passeport expirera.
"La seule chose que je sais, c'est que je serai en vie pendant encore six mois", conclut-il.
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