Pour fabriquer du verre, il faut faire chauffer un four à plus de 1 000 degrés. Ajoutez à cela évidemment quelques matières premières qui ont un coût. À l'heure où une crise énergétique nous frappe de plein fouet, et risque d'être encore plus virulente, la fabrication d'une simple bouteille en verre coûte cher, et possède un réel impact écologique. "Des bouteilles, on en aura toujours besoin", lance Olivier Paz, président du Syvedac, le syndicat pour la valorisation et l'élimination des déchets de l'agglomération caennaise. Dès lors, il est nécessaire de trouver l'alternative la moins polluante pour continuer à utiliser ces contenants en verre.
De nouvelles inspirations
pour aller plus loin
Recycler devient donc une nécessité, surtout quand l'on sait que le cycle du verre est infini. Le parcours est déjà bien rodé. Quand vous jetez une bouteille en verre dans un point d'apport, cette dernière va rejoindre ses compères dans un centre de collecte. On en dénombre quatre dans l'agglomération, à Rots, Giberville, Bretteville-sur-Odon et Saint-Martin-de-Fontenay. La bouteille sera ensuite acheminée telle quelle, vers une plateforme de prétraitement en Seine-Maritime, qui s'occupera de retirer les étiquettes et les capsules, avant de rejoindre l'usine d'un verrier havrais, Tourres & Cie, qui va fondre le matériel pour le réutiliser, et lui offrir une nouvelle vie sous un nouvel aspect.
Nos voisins allemands ou belges maîtrisent parfaitement le réemploi des contenants. C'est avec cette inspiration en tête que trois jeunes, Théo Lazzaroni, Loan Godard et Andrew Farndon ont décidé de lancer Suivez la consigne !, une start-up locale qui se veut être l'intermédiaire entre les producteurs, les points de vente et les stations de lavage. Grâce à eux, et la bonne volonté des consommateurs, les bouteilles sont consignées, et donc réutilisables une fois lavées. "On estime que le lavage de bouteilles permet d'économiser un tiers d'eau, environ 75 % d'énergie et d'émettre 75 % de gaz à effet de serre en moins par rapport au recyclage", assure Loan Godard, l'un des fondateurs du projet imaginé en école d'ingénieur. Les bouteilles réemployables sont signalées avec une petite étiquette dans la quinzaine de points de collecte partenaires. "Nous travaillons avec des produits comme le Meuh Cola, les bières de la brasserie La Mouette…", poursuit Théo Lazzaroni. Des caisses sont disposées dans tous les magasins, il vous suffit d'y déposer votre contenant une fois vidé et rincé. Quand une caisse est pleine, le gérant scanne un QR code, ce qui alerte l'équipe du prestataire Toutenvélo. Un cycliste vient alors récupérer la caisse et en déposer une nouvelle vide. Une fois que de nombreuses caisses remplies sont stockées à l'entrepôt, le tout est monté sur des palettes. "On attend d'en avoir plusieurs pour faire appel à un transporteur et se greffer à une tournée qui se rend à Rennes, où est située notre station de lavage", expliquent les fondateurs. Les bouteilles lavées reviennent ensuite chez les producteurs, qui peuvent les remplir et les réinsérer dans un nouveau cycle.
La collecte du verre en quelques chiffres
Voici quelques chiffres illustrant la collecte du verre, pour le recyclage ou le réemploi, au sein de l'agglomération caennaise.
708
C'est le nombre de bornes de collecte présentes dans le secteur de Caen la Mer en 2021. Il y en avait une centaine de moins quatre ans auparavant.
104,50
Il s'agit du coût, en euros, pour la collectivité de la combustion d'une tonne de verre qui n'a pas été triée et qui se retrouve dans les poubelles grises.
En revanche, la tonne triée et revendue au verrier havrais permet d'empocher 29 €.
6 000
C'est en tonne la quantité de verre jetée dans les ordures ménagères en 2021, selon le Syvedac. Cela représente 13,8 kg annuels pour un habitant.
Le coût total de son incinération s'élève à 594 000 €, alors que son recyclage aurait transformé ce montant en une recette de 174 000 € pour les collectivités.
10 000
Le trio de Suivez la Consigne ! a pour l'instant participé au lavage de 10 000 bouteilles, via ses services d'externalisation. Ce sont en tout 1 000 bouteilles qui ont été récupérées dans leurs magasins partenaires puis réintroduites chez des producteurs locaux adhérents.
17,24
C'est l'augmentation en pourcentage de la quantité de verre collectée par Caen la Mer en 2021, par habitant, par rapport à 2017. En terme de poids, cela correspond à une hausse de 34 kg.
Recyclage ou consigne,vraiment écolo ?
Recycler le verre ou le réemployer s'inscrit évidemment dans une démarche écologique. Pourtant, ces deux alternatives ne sont pas parfaites pour le moment et ont leurs petits défauts.
"Une étude montre que si la station de lavage est située à moins de 250 kilomètres, le réemploi de la bouteille reste rentable d'un point de vue écologique", affirme Théo Lazzaroni, de Suivez la Consigne !, initiative locale cherchant à faciliter le réemploi des contenants. Ouf, Rennes et son centre de lavage ne sont qu'à 188 kilomètres de Caen. Mais faire la route implique des coûts, économiques et pour la planète. "D'autant plus que des bouteilles prennent de la place dans un camion, plus que du verre concassé", glisse son compère Loan Godard. C'est finalement toute cette logistique qui fait grimper le prix de la prestation. Comptez 30 centimes pour une bouteille de bière de 75 centilitres, alors que le coût unitaire à la station de lavage se situe entre 1 et 3 centimes. "Cela reste toutefois moins cher pour un petit producteur que d'acheter une bouteille neuve à chaque fois." Les contenants en verre peuvent être réemployables jusqu'à 50 fois.
Toutes les bouteilles ne sont pas réutilisables, loin de là. Le contenant doit être assez solide pour résister au lavage, et l'étiquette hydrosoluble. Marc Lecerf, vice-président de Caen la Mer en charge de la collecte et de la valorisation des déchets, déplore aussi la variété des contenants, alors qu'il cite le réemploi comme son idéal. "Tous les producteurs ont une bouteille différente de l'autre. On devrait alors les rendre lavées au cas par cas." Puis, pour favoriser le réemploi des bouteilles, il faut avant tout compter sur la bonne volonté des consommateurs. Aujourd'hui, 70 % des bouteilles sont rapportées à la Biocoop Passage Démogé. "C'est marrant, les clients sont fiers de déposer leurs bouteilles vides", s'amuse Marc Verron, gérant des lieux. Mais il faut faire preuve de pédagogie et expliquer à foison le fonctionnement. Signalées par une petite étiquette, les boissons - le trio a prévu de s'attaquer à d'autres produits conservés dans des bocaux prochainement - ont parfois la préférence des consommateurs. "Durant la foire aux vins, notre meilleure vente est un vin qui se distingue par un réemploi possible de la bouteille", assure Marc Verron, pour qui ce n'est pas qu'une question de goût.
Recycler, bon pour le porte-monnaie
"En recyclant du verre, on chauffe les fours à 400 degrés de moins, et on n'utilise pas de nouveaux matériaux, c'est donc un progrès écologique et économique", se félicite Olivier Paz, président du Syvedac, syndicat en charge de la valorisation et l'élimination des déchets. Recycler, c'est aussi permettre à la collectivité de faire des économies. Si on additionne les aides financières, la tonne de verre permet d'empocher 29 € quand elle est rapportée à la verrerie havraise. Pas de quoi compenser les coûts de collecte, mais c'est à prendre. Pourtant, aller jusqu'au Havre, n'est-ce pas contre-productif dans cette démarche verte ? "Il n'y a plus tant de verriers que ça en France, et puis c'est à relativiser. La route entre Caen et Le Havre n'est pas si longue, d'autres collectivités ont une distance bien plus élevée", soutient Olivier Paz. La hausse des coûts énergétiques risque d'ailleurs de mettre à mal ces verriers, qui voient déjà leurs factures augmenter.
Poursuivre cette démarche verte et faire encore mieux
Les filières du recyclage du verre et de sa réutilisation ont plusieurs façons de s'étendre pour obtenir des résultats encore plus efficaces.
"Encore un quart du verre utilisé termine sa course dans les ordures ménagères", se lamente Olivier Paz, président du Syvedac, syndicat pour la valorisation et l'élimination des déchets de l'agglomération caennaise. "C'est la double peine, constate Marc Lecerf, élu chargé des déchets à Caen la Mer. Non seulement le verre n'est pas valorisé, mais il nécessite de faire fonctionner les fours d'incinération à une température plus élevée." La facture est de 104,50 € par tonne. Un gouffre financier pour les collectivités, et par ricochet pour l'usager. Olivier Paz insiste, il faut faire le tri. Et si ce n'est pas par conviction écologique, au moins "en étant soucieux de son portefeuille". Mais plus que de recycler, il faut encourager la réutilisation. Suivez la consigne !, la start-up locale, ambitionne de construire sa propre station de lavage, au centre de la région, une fois que la boucle logistique sera bien fonctionnelle.
"L'objectif est de laver entre 2 et 3 millions de contenants par an dans un premier temps", ambitionne Loan Godard, de Suivez la consigne !. Mais pour en arriver là, le trio doit poursuivre son développement. En place depuis quelques mois à peine, ils visent la cinquantaine de points de collecte d'ici la fin de l'année, et une implantation prochaine à Bayeux, Falaise ou Lisieux, après avoir terminé le maillage de la zone caennaise. Surtout, ils souhaitent investir les grandes surfaces, pour toucher le grand public. Avec cette ambition débordante, ils cherchent encore leur plafond de verre.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.