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[Enquête] Orne. Réduire sa consommation d'énergie, c'est de saison !

Energie. Parallèlement à l'inflation sur notamment les prix de l'alimentation, les familles sont, malgré le bouclier tarifaire, confrontées à une augmentation des prix de l'énergie. Face à cela, les actions se multiplient : aide à gérer son budget, aides exceptionnelles de certaines communes, travaux d'isolation dans les maisons mais aussi dans les immeubles collectifs.

[Enquête] Orne. Réduire sa consommation d'énergie, c'est de saison !
Pour limiter la consommation et la facture énergétique, comme ici à Alençon, d'importants travaux d'isolation d'immeubles sont en cours.

Une saison en chasse une autre. L'été, la canicule, les feux de forêt semblent bien loin. L'automne était le 23 septembre, date confirmée par la fraîcheur qui s'impose chaque matin. Avec l'hiver qui approche, ce temps est aussi celui de rallumer les chauffages, mais là, le problème se corse. L'augmentation du prix du gaz et de l'électricité, conjuguée à l'inflation qui impacte notamment les prix de l'alimentation, voit les budgets de nombreux ménages virer dans le rouge malgré le bouclier tarifaire qui limite la hausse du prix de l'énergie autour de 15 %. Sans cela, cette hausse atteindrait deux cents, trois cents pour cent… Les services sociaux se mobilisent, d'abord avec des conseils aux familles sur de petits gestes quotidiens pour économiser l'énergie. Mais aussi par des études de leurs dépenses pour les aider à les limiter. Enfin, avec un accompagnement dans le montage d'éventuels dossiers de surendettement.

Mobilisation générale

Certains Centres communaux d'action sociale, comme celui de Flers, inventent de nouvelles aides énergétiques pour la classe moyenne qui ne bénéficie d'aucun chèque gouvernemental d'aide pour passer ce cap difficile. Dans le même temps, par exemple sur le secteur d'Alençon, les réunions d'information se sont multipliées, comme à Lonrai ou à Champfleur, pour alerter la population sur certains moyens de chauffage très énergivores et présenter les alternatives qui sont possibles. "On a l'impression de revivre ce que l'on a vécu lors du premier choc pétrolier en octobre 1973", constate un technicien qui se rappelle : "C'est à cette époque qu'ont été inventées les pompes à chaleur et que l'on a vu apparaître les premiers panneaux solaires. Rappelez-vous du slogan : en France on n'a pas de pétrole, mais on a des idées. Là, c'est pareil, avec la crise russo-ukrainienne on a moins de gaz, il coûte cher, il faut trouver des alternatives." Car évidemment, dans les années 80, après la crise pétrolière, chacun a tout oublié et s'est remis à consommer de l'énergie sans tirer aucune leçon de ce qui venait de se passer.

"L'économie passe par la sobriété
de la consommation d'énergie"

Pour sensibiliser la population, Argentan a par exemple organisé l'opération Défi-Toit avec vingt-cinq familles, dont la mission était de réduire leur consommation durant une année. Le palmarès a été dévoilé à l'heure où nous mettions ce journal sous presse. Ainsi, chacun se surprend à penser à éteindre la lumière plus souvent qu'avant dans les pièces inoccupées, à réfléchir à mieux isoler sa maison, et pourquoi pas à poser quelques panneaux solaires ou à changer de mode de chauffage. Alors que selon les décisions de la COP21, adoptées en 2015 à Paris, toute l'Europe aurait dû être à 21 % d'énergies renouvelables en 2021, le département de l'Orne n'en est qu'à 9 %. À ce rythme, l'objectif affiché de 40 % en 2030 est loin d'être atteint. Pour reprendre le slogan pétrolier de 1973, "il va falloir avoir des idées" pour espérer arriver à moins dépendre des coûteuses énergies fossiles.

En logements collectifs

Orne. En logements collectifs

Orne Habitat prévoit des augmentations limitées des charges pour les locataires de ses 12 000 logements. Mais l'office HLM lance aussi un ambitieux programme de travaux, notamment d'isolation.

"C'est nous qui fournissons le chauffage aux locataires", explique Christophe Bouscaud, directeur d'Orne Habitat, qui, pour chauffer ses 12 000 logements, achète l'électricité à Enedis et le gaz à Engie. Ce coût est répercuté aux locataires sous forme de provisions, régularisées en fin de saison. "Pour l'hiver 2021/22 régularisé en ce moment, les simulations montrent qu'il y aura peu d'impact", souligne le directeur. Mais la hausse des coûts de l'énergie va impacter la campagne de chauffe qui débute en ce mois d'octobre, les provisions sur charges seront réactualisées en janvier, "ça va être plus compliqué, mais grâce au bouclier tarifaire, la hausse devrait rester limitée, de l'ordre de 15 %. Sans ce bouclier, la hausse aurait pu dépasser 100 %".

Des travaux dans 2 800 logements

"Depuis longtemps, la loi impose de chauffer les logements collectifs au maximum à 19 °C", précise Christophe Bouscaud. Pour respecter un confort de vie, pas de baisse de température à prévoir pour faire des économies. Mais un plan stratégique de patrimoine a été défini sur les dix ans, qui viennent avec 2 800 réhabilitations de logements : "ceux de diagnostic de performance énergétique G et F devront être éradiqués de notre parc de logements avec des échéances en 2025 et 2028. Accélérer la réhabilitation des logements et surtout leur performance énergétique, c'est aussi s'inscrire dans la stratégie nationale 'bas carbone' à laquelle la France s'est engagée."

D'importants travaux malgré un revenu limité

Alençon. D'importants travaux malgré un revenu limité
Chaudière, isolation, fenêtres, VMC : le chantier s'est achevé à l'été chez Stéphane Arthois.

Chaudière, isolation, fenêtres : de nombreux travaux étaient à faire chez Stéphane Arthois. Mais ils sont largement subventionnés.

Stéphane Arthois a emménagé voilà un peu plus d'un an dans une maison du quartier de Courteille, à Alençon. Le chauffage était électrique, au premier étage il fallait changer les fenêtres et l'isolation de la toiture était à faire. Quelqu'un lui a conseillé l'association Inhari. "Un technicien est venu faire un diagnostic", se souvient Stéphane Arthois. Il a préconisé un bouquet de travaux : isolation, fenêtres, nouvelle chaudière gaz, installation d'une VMC. Les devis d'un menuisier et d'un plombier étaient de vingt-six mille euros, beaucoup pour l'Alençonnais. Mais cette rénovation thermique est subventionnée. "Inhari s'est chargée du dossier de subventions auprès de l'Anah [Agence nationale de l'habitat, ndlr] qui a attribué quinze mille euros, de la Région pour quatre mille euros, de la Ville d'Alençon pour mille euros. Ça a été rapide, ils sont compétents", insiste Stéphane Arthois, qui avait entamé ses démarches à l'automne 2021. "Le plus long a été d'obtenir les devis des artisans."

20 000 € de subventions

Les travaux se sont achevés à l'été 2022, avec seulement six mille euros à sa charge. "Quand on n'a pas trop de revenus, il ne faut pas hésiter à le faire", constate Stéphane Arthois, qui n'a qu'un regret : "J'ai acheté une chaudière gaz et depuis, le prix du gaz augmente ! Même si l'achat était plus onéreux, j'aurais peut-être dû opter pour une pompe à chaleur. Ça m'aurait augmenté le prix d'achat au départ mais ensuite, ça aurait été davantage économique."

Une bonne isolation pour bien vivre chez soi

Alençon. Une bonne isolation pour bien vivre chez soi
Damien Piras a rénové énergétiquement sa maison : isolation des murs périphériques, des combles, changement de porte d'entrée et de fenêtres, mais aussi une nouvelle chaudière gaz à condensation. - Capeb

Damien Piras a acheté une vieille maison qui nécessitait beaucoup de travaux, notamment d'isolation et de chauffage, à Alençon.

Avant le confinement Covid, Damien Piras vivait avec son épouse dans une maison d'une centaine de mètres carrés louée chez un bailleur social à Alençon. Mais en février 2019, l'envie d'avoir leur chez eux les incite à chercher et à acheter dans le même quartier, où lui travaille. Ils tombent amoureux d'une maison des années cinquante, sans rien du confort actuel.

"La maison faisait peur à
notre famille, o
n était contents
de leur faire visiter, mais il y avait plein de travaux à faire"

"Tout le monde veut une cuisine ouverte sur la pièce de vie, mais pas nous, cette maison nous correspond bien", précise-t-il, mais elle était vraiment très vieille et la facture de travaux s'annonçait salée. "La déco était à remettre au goût du jour, mais surtout tout ce qui concerne l'isolation et le chauffage", se souvient Damien Piras. "Elle était de performance énergétique F, l'un des critères les plus bas." Le nouveau propriétaire commence à faire ses comptes, l'addition monte très vite. "Il y avait un montant de travaux équivalent au prix d'achat de la maison." Il en parle autour de lui, il ne sait plus comment, mais quelqu'un lui conseille d'aller rencontrer une association qui s'occupe de rénovation énergétique, qui est installée dans le centre-ville d'Alençon. Ce qu'il fait. La condition pour qu'Inhari s'occupe de lui est qu'il n'ait pas débuté de travaux énergétiques, ce qui est le cas. "Ça a été notre chance, car j'aurais pu avoir commencé le chantier", souligne Damien Piras. Un technicien vient visiter la maison, confirme la faisabilité d'un dossier de demande de subventionnement des travaux. Damien Piras doit alors faire établir des devis par des artisans locaux qui figurent dans une liste de professionnels labellisés RGE, garants de la protection de l'environnement. Damien Piras en trouve la liste sur faire.fr, le site de France Rénov' : quinze mille euros pour l'isolation des murs périphériques, six mille euros pour celle des combles, quatre mille pour le changement de la porte d'entrée et de fenêtres, et surtout le remplacement de l'antique chaudière au fioul par une chaudière gaz à condensation. Tout cela permet d'estimer l'amélioration prévue de la performance énergétique.

Soixante mille euros d'aides

Inhari l'oriente vers les meilleurs choix et monte le dossier des subventions, solution la plus favorable après avoir fait le comparatif avec les crédits d'impôts possibles. La maison est située dans un quartier prioritaire, ce qui accorde des aides supplémentaires. "Cela a fait environ soixante mille euros d'aides", n'en revient toujours pas Damien Piras, qui ne se voyait pas réaliser seul tous ces travaux tout en habitant déjà dans la maison. À la fin de cette année, cela fera deux ans que le couple a emménagé. Le constat est sans appel : par rapport à sa précédente location, à quelques euros prêts, il paie une facture de chauffage identique… mais pour le double de surface habitable.

Inhari, 81 Grande-Rue, 02 61 67 18 75

"Il ne faut pas avoir honte de venir nous voir dès le début des difficultés"

Orne. "Il ne faut pas avoir honte de venir nous voir dès le début des difficultés"
Aurore Rauline conseille les familles face aux difficultés budgétaires

Notamment à cause de l'augmentation du prix de l'énergie, beaucoup de ménages rencontrent des difficultés de budget. L'UDAF peut les aider.

Le coût du chauffage met à mal les budgets. À Alençon, L'Aigle et Mortagne, l'UDAF de l'Orne a mis en place un point conseil budget, animé par Aurore Rauline.

Quel est votre rôle ?

C'est ouvert à tout le monde, c'est gratuit, et mon rôle consiste à les conseiller pour gérer leur budget. Même si c'est difficile, il ne faut pas avoir honte de venir nous voir dès le début des difficultés. Vu l'augmentation des tarifs de l'énergie, beaucoup de budgets commencent à être déficitaires, avec beaucoup trop de dépenses par rapport aux recettes, y compris pour des gens qui travaillent.

Comment aidez-vous les familles ?

Je commence par un diagnostic à partir de leurs ressources et dépenses, voir s'ils ont ouvert tous les droits aux aides auxquels ils peuvent bénéficier, voir ce qui permettrait d'équilibrer leur budget. Je donne des astuces de consommation pour baisser les dépenses, mais en cas de grosses difficultés, je peux aussi les suivre sur un dossier de surendettement.

Par où commencer ?

J'attire leur attention. Par exemple Internet est un gros budget, il y a l'abonnement mais souvent des options supplémentaires, des abonnements à Netflix ou Amazone Music. Même si ce sont de petites sommes, quand on les cumule, ça commence à chiffrer. On commence à rééquilibrer un budget à partir de là, il faut limiter des dépenses pour en privilégier d'autres.

Prise de rendez-vous : 06 77 76 83 26 ou pcb@udaf-orne.fr

Des difficultés pour les familles, un gouffre financier pour les communes

Argentan. Des difficultés pour les familles, un gouffre financier pour les communes
La consommation d'énergie dans la maison.

Il n'existe aucun bouclier énergétique pour les entreprises ni pour les communes, dont les factures explosent dangereusement.

Paris a fait un coup de communication en éteignant l'éclairage de certains monuments. Dans l'Orne, bien avant le contexte actuel, Argentan a joué la carte de la sobriété, des énergies renouvelables, et des travaux. De quoi susciter des idées…

Sobriété énergétique

"Cela fait plusieurs années que l'on y travaille", explique Jocelyn Souriceau, directeur de l'aménagement et du cadre de vie. "On raisonne en kilowattheures économisés, mais pas en euros à cause de l'augmentation des prix." Les principales sources de consommation d'énergie sont les bâtiments et l'éclairage public, pour lequel l'usage nocturne "est le plus juste possible, allumé par secteurs géographiques, en fonction du calendrier". Un tiers des lampadaires sont passés en Led, divisant par deux cette consommation électrique. À la médiathèque, l'installation d'une centaine d'éclairages Led a été amortie en seulement huit mois. Mais Argentan a aussi rationalisé l'utilisation de ses bâtiments, par exemple avec le regroupement de deux écoles sur un seul site : mille mètres carrés en moins à chauffer, à éclairer, à entretenir. L'agglomération veut réduire de 5 % sa surface de bâtiments utilisée, soit cinq mille mètres carrés en moins, ce qui permettrait d'économiser 250 000 kWh, ce qui est très loin d'être négligeable.

Énergies renouvelables

Jocelyn Souriceau insiste sur l'usage local des énergies renouvelables, par exemple avec le réseau de chaleur-bois, pionnier dans la région à sa création en 2009. Il va être étendu. "Le bois n'a augmenté que de 20 % en 2022, là où le prix du gaz est multiplié par cinq. Notre centre aquatique est raccordé à ce réseau, comme l'hôpital, la mairie, la médiathèque, des gymnases, des logements. On développe aussi l'autoconsommation. Des panneaux solaires alimentent actuellement 5 % des besoins de la station d'épuration, mais on va passer à 50 % avec une centrale solaire implantée juste à côté. Investissement compris, cela reviendra à 70 € le Mégawatt, alors que si on l'achète à un fournisseur, on paie 250 €." Argentan réfléchit à installer des panneaux sur les toits de tous ses bâtiments… En 2022, les actions de sobriété énergétique entreprises par la collectivité ont permis de réaliser 50 000 € d'économies d'énergie. Mais dans le même temps, le prix de cette énergie ayant explosé, le résultat global n'est qu'une atténuation de la facture. "En kWh ou en volume de gaz à effet de serre, on est bons. Mais en euros, on ne l'est pas", conclut le directeur. "À l'heure de préparer le budget de la collectivité pour 2023, la prospective de gestion des flux ne paraît pas des plus réjouissantes."

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