Les prévenus "ont abimé la probité entourant le rugby français", a estimé le procureur financier François-Xavier Dulin à l'issue d'un réquisitoire à deux voix, de près de quatre heures.
Dénonçant des "faits stupéfiants", le parquet national financier (PNF) a également appelé le tribunal correctionnel de Paris à interdire, pendant deux ans et avec exécution immédiate, à M. Laporte d'exercer toute fonction dans le rugby et à M. Altrad, PDG du géant du BTP éponyme, de gérer une société commerciale. Des amendes, respectivement de 50.000 et 200.000 euros, ont été réclamées à leur encontre.
"Tout ce qui est excessif est insignifiant", a réagi dans sa plaidoirie un des avocats de M. Laporte, Jean-Pierre Versini-Campinchi.
D'après l'accusation, l'ex-sélectionneur des Bleus aurait rendu une série d'arbitrages favorables au groupe Altrad et à son propriétaire -dont l'octroi du sponsoring maillot du XV de France- avec qui il avait noué un contrat d'image "secret" qui s'est traduit par le versement sans contrepartie de 180.000 euros début 2017.
Erigé en "pacte de corruption" d'un agent public, ce contrat constitue le "péché originel" de ce dossier, a estimé la procureure financière Céline Guillet, évoquant ses "conditions de négociation obscures" et son "montant inhabituel".
Si Bernard Laporte n'exécutera aucune des prestations listées dans ce contrat, il va en revanche mener, dans les semaines suivant sa signature, des "interventions atypiques" et "problématiques" au profit de M. Altrad, de son groupe ou du club de rugby de Montpellier (MHR), dont il est le président et propriétaire, estime Mme Guillet.
“Bernard Laporte a été aveuglé par ses intérêts privés avec le groupe Altrad", renchérit M. Dulin.
L'accusation est notamment revenue sur l'intervention, le 30 juin 2017, de M. Laporte auprès de la commission d'appel de la FFR, statutairement indépendante, qui aurait eu pour effet d'alléger des sanctions disciplinaires infligées au MHR, notamment une amende de 70.000 euros ramenée à 20.000 euros après plusieurs appels du président de la FFR.
"C'est le fait le plus grave de ce dossier", estime M. Dulin, selon qui les "principes cardinaux du sport" ont alors été bafoués.
"Pas son livre de chevet"
Les procureurs se sont aussi attaqués aux conditions d'octroi du sponsoring maillot du XV de France au groupe Altrad, conclu début 2018 pour 6,8 millions d'euros par an, qui n'aurait pas donné lieu à une mise en "concurrence transparente" ou à "une procédure impartiale.
"Est-ce que c'est comme cela qu'on veille aux intérêts de la FFR?", s'est faussement interrogé M. Dulin, taclant au passage une fédération restée "sous l'influence de Bernard Laporte", réélu à sa tête fin 2020.
"Les règles ont été au mieux ignorées, au pire bafouées", a ajouté Mme Guillet, qui se permet un trait d'ironie: "On a compris que la charte de déontologie (de la FFR) n'était pas le livre de chevet de M. Laporte". A l'audience, le président de la FFR avait avoué "n'avoir jamais lu" ce document.
Contre le vice-président de la fédération Serge Simon, l'accusation a réclamé un an de prison, dont six mois ferme, pour son rôle dans un autre volet du dossier : l'annulation en mars 2017 par la FFR d'un report de matches décidé par la Ligue nationale de rugby et auquel M. Altrad était notoirement opposé.
Deux ans de prison, dont un avec sursis, ont par ailleurs été requis contre Claude Atcher, récemment démis de ses fonctions de directeur de l'organisation du Mondial-2023, qui est soupçonné d'avoir perçu des sommes injustifiées de la part de la FFR en marge de l'attribution de cette compétition à la France.
Contesté par la défense, le montant du préjudice causé à la FFR a été révisé à la baisse pendant le réquisitoire, de 80.400 à environ 73.000 euros.
"Cela représente 4.000 ballons de rugby qu'on aurait pu redonner aux clubs", a tenté M. Dulin, provoquant quelques remous sur les bancs de la défense.
Suite et fin des plaidoiries mercredi.
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