Chaque année, on estime à 2 600 le nombre de décès prématurés en Normandie en raison de la mauvaise qualité de l'air d'après Santé Publique France. Parmi les principaux polluants, l'oxyde d'azote et les particules fines, principalement dues au trafic routier. "Nous faisons partie des agglomérations où la pollution de l'air est la plus importante, c'est une réalité de notre territoire", déclarait le président de la Métropole de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, mercredi 24 août, à l'occasion de l'inauguration du nouveau réseau Astuce, pour insister sur la nécessité d'agir maintenant.
C'est ainsi que la collectivité, comme 11 autres agglomérations françaises, a mis en place la Zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) en cette année 2022. Treize communes de la Métropole de Rouen devront appliquer la nouvelle loi dès ce jeudi 1er septembre, interdisant la circulation et le stationnement des véhicules Crit'Air 4 et 5 ou non classés, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Une mise en place anticipée à Rouen, puisqu'elle n'est imposée par l'État pour les 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants qu'en 2024. En Normandie, Caen et Le Havre seront donc à leur tour bientôt concernés. Les Crit'Air 4, 5 et non classés concernent l'ensemble des véhicules diesel immatriculés avant le 1er janvier 2001 et les véhicules essence immatriculés avant le 1er janvier 1997. Les véhicules gaz et hybrides rechargeables sont tous considérés comme Crit'Air 1. Les véhicules 100 % électrique et hydrogène, les moins polluants, ont une vignette spéciale. Selon les données du ministère de la Transition écologique, 300 000 véhicules Crit'Air 4, 5 ou non classés circulent dans la région.
Quelques ajustements
Avant de rendre le dispositif pleinement applicable, la Métropole de Rouen a décidé d'accorder un peu de souplesse, avec une période de tolérance instaurée jusqu'au 1er mars 2023, notamment pour laisser le temps aux automobilistes de changer de véhicule.
Avant cette date, les autorités, et notamment la police municipale, seront invitées à ne pas délivrer d'amendes aux contrevenants et à faire preuve, auprès d'eux, de pédagogie. De plus, un certain nombre de voies sont exclues du périmètre de la ZFE afin de permettre aux automobilistes d'accéder aux parkings relais, en limite de zone.
La suite du calendrier ?
Après plusieurs manifestations en avril et en mars 2022, la Fédération française des motards en colère de Seine-Maritime a également obtenu de la Métropole l'exclusion temporaire de la ZFE des véhicules de catégorie L, c'est-à-dire les deux ou trois-roues motorisés, soit jusqu'au 31 août 2023. Malgré cette mise en place anticipée, la collectivité a décidé de ne pas étendre davantage le périmètre de la ZFE, à moins qu'une commune demande à intégrer le dispositif. Néanmoins, la Métropole n'exclut pas de restreindre la circulation des véhicules de Crit'Air 3 à compter de 2025, après vérification de l'impact de la qualité de l'air de la ZFE et sur injonction de l'État.
Aider les acquéreurs de véhicules propres
Différents dispositifs sont mis en place par les autorités pour venir en aide aux habitants qui souhaitent s'équiper d'un véhicule propre.
Les aides de la Métropole de Rouen
La collectivité consacre 40 millions d'euros d'aides pour le changement ou la conversion des véhicules les plus polluants, soit d'au moins Crit'Air 3. Ces aides sont bonifiées de 25 % pour les habitants vivant dans le périmètre de la ZFE. Elles peuvent aller jusqu'à 5 000 € en fonction des revenus du bénéficiaire.
Les aides du Département de
la Seine-Maritime
Comme la Métropole, le Département de la Seine-Maritime a lancé un dispositif d'aides financières jusqu'à 4 000 € pouvant être attribués à tous les résidents du territoire seinomarin travaillant dans la Zone à faibles émissions à l'exception des habitants de la Métropole de Rouen. Là encore, le montant de l'aide est indexé sur le revenu des demandeurs.
Les aides de l'État
Le "bonus écologique" de l'État permet à tout acquéreur ou locataire d'un véhicule ayant un taux d'émission de CO2 inférieur ou égal à 20 g/km de bénéficier d'une aide à l'achat de véhicule propre. Son montant varie selon la motorisation du véhicule et de son prix d'achat, soit un maximum de 6 000 euros pour un véhicule électrique d'un montant de 47 000 euros par exemple. La "prime à la conversion" vient en complément du bonus écologique pour celles et ceux qui souhaitent mettre au rebut un véhicule ancien ou polluant. Des aides jusqu'à 3 000 euros peuvent être attribuées, et plus si le demandeur réside au sein d'une ZFE.
"Changer de voiture, c'est un projet"
Les automobilistes propriétaires de voitures trop anciennes doivent se tourner vers d'autres modes de transport, ou changer de véhicules quand ils ne peuvent pas faire autrement.
Face à la mise en place de la ZFE dès le jeudi 1er septembre, les automobilistes propriétaires de véhicules Crit'Air 4, 5 ou non classés doivent rapidement s'adapter : soit en trouvant un mode de transport alternatif, soit en changeant de véhicule. Devant cette urgence, plusieurs pétitions et communiqués, tantôt politiques, tantôt citoyens, ont été lancés afin de demander le report de la mise en place de la ZFE à Rouen. Marion Lecoq, habitante de Bois-Guillaume et directement concernée, est l'auteur d'une de ces pétitions. "J'ai pris le temps d'analyser toutes les ZFE qui ont été mises en place, celle de Rouen est la plus stricte et la plus étendue dès le départ", estime-t-elle, demandant un report d'au moins un an. Elle se dit écologiste mais s'inquiète du manque de considération sociale dans la loi. "On nous demande de faire un effort très violent, changer de voiture dans un ménage, c'est un projet." Son véhicule est classé Crit'Air 4 et, pour l'heure, cette mère de deux enfants n'a pas les moyens d'en changer malgré les aides mises en place par la Métropole, le Département, et l'État (lire par ailleurs). "Je vais laisser passer la période de pédagogie et je vais prendre des amendes parce que 68 euros, ça me coûtera moins cher que de contracter un prêt que je ne peux pas prendre pour acheter une voiture", assume-t-elle.
40 millions d'euros pour les aides
D'autres personnalités telles que Damien Adam, député de la majorité à Rouen, qui a voté le texte, demandent également le report de la ZFE à Rouen. Une pétition relayée par des membres de la Nupes réclame aussi un réexamen de la décision métropolitaine, en alertant sur les difficultés financières des particuliers contraints de changer de voitures, en particulier dans cette période d'inflation et de flambée des prix de l'énergie. "Sur l'inflation, sur les prix de l'énergie, est-ce que la situation sera vraiment meilleure dans un an ?", leur répond Nicolas Mayer-Rossignol, le président de la Métropole. "J'ai bien conscience que les aides, ça ne suffit jamais, mais on fait le maximum avec ces 40 millions d'euros de budget consacrés aux aides", poursuit l'élu.
"Je dois assurer le transport de matériel entre trois sites… Résultat, soit j'achète une nouvelle voiture, soit je perds mon travail", explique Isabelle Prigent, une habitante de Sotteville-lès-Rouen, confrontée elle aussi à ses difficultés. Elle ne prendra pas, malgré tout, le risque d'être verbalisée. "J'ai une solution de repli, c'est d'échanger de véhicule avec ma mère qui a une voiture Crit'Air 3. Car si je dois acheter une voiture demain, je ne pourrai pas mettre plus de 2000 euros." D'autres habitants anticipent davantage. C'est le cas de Matthieu Martin, habitant de Blainville-Crevon, qui doit se déplacer quotidiennement avec son véhicule. Lui craint déjà, à moyen terme, l'interdiction des véhicules Crit'Air 3, c'est-à-dire immatriculés avant le 1er janvier 2006 pour les motorisations essence et avant le 1er janvier 2011 pour les motorisations diesel. "Si les prix le permettent, je ferai l'acquisition d'un véhicule Crit'Air 2." D'autres qui le peuvent se reporteront sur les transports en commun qui se développent en cette rentrée (lire par ailleurs).
Le réseau Astuce révisé pour une alternative à la voiture
Le réseau Astuce se renouvelle pour la rentrée.
En ville, 40 % des trajets quotidiens parcourus en voitures font moins de trois kilomètres selon une étude de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Partie de ces chiffres et forcée de constater que tout le monde ne pourra pas changer de véhicule à l'orée 2023, la Métropole a décidé de réviser son réseau de transports en commun Astuce.
Une façon d'anticiper la ZFE et de proposer une alternative à la voiture pour celles et ceux qui peuvent s'en passer. Ainsi, depuis lundi 29 août, le réseau intègre neuf nouvelles lignes de bus dont quatre fast, avec des fréquences de passage augmentées, tout en intensifiant la desserte sur ses lignes Téor. La configuration du réseau a été également revue avec des lignes plus transversales, évitant le centre de Rouen, pour désaturer le cœur de ville et permettre de limiter l'effet "étoile" qui caractérisait jusqu'ici le réseau Astuce.
Les deux services de transport à la demande pour la mobilité périurbaine Filo'R et Flexo sont également renforcés. Ces derniers permettent aux habitants des communes rurales et périurbaines de se déplacer dans leur zone ou de se rapprocher des lignes régulières. De nouvelles lignes sont créées, à Roncherolles-sur-le-Vivier, Fontaine-sous-Préaux et sur les boucles de la Seine entre autres. Par ailleurs, la gratuité des transports sur le réseau régulier est maintenue par la Métropole le samedi et lors des pics de pollution.
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