![[Enquête] Caen. Comment Airbnb s'empare-t-il du marché ?](https://medias.tendanceouest.com/photos/1200/398994/)
Les offres ne manquent pas. En surfant sur la plateforme Airbnb, presque 300 logements apparaissent lorsque vous cherchez où dormir à Caen. Il arrive même de tomber sur le même hôte pour plusieurs logements. Julien Godard, 31 ans, en est un exemple. Investisseur dans l'immobilier, il a déjà rénové trois biens pour faire de la location de courte durée. Le prix de la nuitée dans l'un de ses F2 est de 74 €, avec une évolution du tarif selon la saison. "Cela me permet de faire plus de chiffre d'affaires, dit-il sans langue de bois. À ce tarif-là, ça permet aussi de trier la clientèle." L'appartement, charmant de surcroît, peut grimper jusqu'à 100 € la nuit, soit un chiffre d'affaires à l'année d'environ 18 000 €, une fois la commission Airbnb versée et les charges payées. Son futur projet ? Une maison de luxe à Ranville à 260 000 €, où le prix de la nuit sera de 200 € minimum. Graziella Renouf et son conjoint, eux, ont construit une maisonnette dans le jardin de leur résidence principale à Hermanville-sur-Mer. Ce logement de 22 m2 est loué à l'année en Airbnb. "On voulait en faire un garage mais on a tenté l'expérience après avoir loué notre maison sur une semaine de vacances." Pari réussi : ils enregistrent un chiffre d'affaires d'environ 10 000 €/an. Les hôtes en deviennent addicts. À condition que le projet soit mûrement réfléchi. C'est ce que souhaite mettre en avant Delphine Pichard, passionnée de rénovation. "Il faut avoir une compétence immobilière pour que ça soit rentable. Airbnb, ce n'est pas l'Eldorado."
Un business qui peut rapporter
20 000 € par an
Preuve en est, après un studio transformé en T2 dans la rue Saint-Martin, elle vient d'investir pour louer deux autres appartements rue de Bayeux. "On achète uniquement des biens à rénover pour des raisons de fiscalité. En optimisant, on peut atteindre jusqu'à 2 500 € net de revenus par mois." S'occuper d'un Airbnb prend aussi du temps. Cette Caennaise envisage d'en faire son activité professionnelle. "Ce qui devait être un apport va devenir mon métier", témoigne-t-elle. Pour Guillaume Eugène, c'est déjà le cas. Propriétaire d'un immeuble place Saint-Martin, à deux pas du centre historique de Caen, il propose quatre logements différents, de la maisonnette au F3. "Ce n'est pas sur les deux premières années que l'on voit si on tient le coup", dit-il, après 17 ans dans la location immobilière. 135 € les deux nuits, voilà le prix pratiqué en moyenne sur son F2. Il assume augmenter les prix sur les week-ends prolongés et périodes de grosse affluence comme Pâques, Noël ou encore les événements du D-Day. Non loin du Jardin des plantes, Stéphanie Gomont a investi 670 000 € dans un immeuble 330 m2 pour en faire huit studios étudiants. "Ils louent à l'année, mais comme ils partent sur les mois d'été, j'ai vite réfléchi à faire de la location courte durée." Pour éviter de laisser des logements vides et de rentabiliser un maximum son prêt à la banque, elle loue via Airbnb. "Cela me rapporte trois fois plus par nuitée." Dans le meilleur des cas, comme en 2019, la location lui rapporte 10 000 € en l'espace de quatre mois.
Airbnb en quelques chiffres
Quelques chiffres sur l'implantation d'Airbnb à Caen et dans le Calvados.
Deux
Les plateformes de locations meublées (Airbnb, Leboncoin…) brassent deux millions d'annonces en France contre 650 000 chambres d'hôtels.
Vingt
Selon un classement pour l'été 2022, les communes de Deauville et Honfleur dans le Calvados font partie du top 20 français des destinations tendance par les voyageurs. Elles sont classées troisième et quatrième. La ville de Caen ne fait pas partie de ce top 20.
84
À Caen, le prix moyen à la nuitée est de 84 €. Les prix peuvent varier de 23 € pour une chambre privée dans une maison ou un appartement à 218 € la nuit dans un appartement 3 pièces en plein centre de Caen, proche de la place Saint-Sauveur. Cette liste est non exhaustive.
1 840
Cela correspond au revenu médian des hôtes du Calvados à l'été 2020, sur une période allant du 1er juin au 31 août. Un chiffre à prendre avec des pincettes en pleine crise sanitaire.
178 400
C'est le montant de taxe de séjour reversée par Airbnb à Caen la Mer en 2021. En 2019, ce montant était de 144 500 €. Cela témoigne du dynamisme de la destination et de son attrait auprès des voyageurs Airbnb. À l'échelle du pays, Airbnb reverse 72 millions d'euros de taxe de séjour.
Les hôteliers face à la concurrence d'Airbnb
L'implantation d'Airbnb à Caen, comme dans de nombreuses villes de taille moyenne, impacte les professionnels de l'hôtellerie. Comment s'en sortent-ils ? Reportage.
Les professionnels de l'hôtellerie dénoncent une économie "semi-souterraine", comme "un fléau". Le fait que les hôtes ne veuillent pas toujours dévoiler leur identité témoigne d'ailleurs d'un monde qui souhaite parfois rester secret. Pourquoi ? Parce qu'investir dans l'immobilier pour en faire du locatif devient un véritable business. À Caen comme ailleurs, l'arrivée d'Airbnb fait grincer des dents les hôtels et autres gîtes et chambres d'hôtes. Les professionnels du milieu dénoncent surtout une concurrence déloyale. "Les loueurs Airbnb n'ont pas les mêmes contraintes que nous sur le plan sanitaire et sécuritaire", déplore Stéphane Pugnat, directeur de l'hôtel Le Dauphin, en centre-ville de Caen. À Hervé Lepainteur, gérant de l'hôtel Crocus, proche du Mémorial, d'abonder : "On n'a pas la même législation. Par exemple, ils n'ont pas de normes incendie à respecter." Lui débourse 20 000 € de frais en sécurité par an. "La fiscalité doit prendre ce sujet en main, dénonce Yann France, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) du Calvados. C'est une activité annexe que l'on ne peut pas contrecarrer." Pourtant, la loi impose aux loueurs de déclarer leurs revenus Airbnb. La plateforme s'en charge automatiquement. Si les recettes sont inférieures à 300 € par an, le loueur ne paie aucun impôt dessus.
Développer l'autonomie
Au-delà des impôts, l'arrivée massive des logements Airbnb impacte et prend des parts de marché des hôtels. Hervé Lepainteur, dans son hôtel de 50 chambres, estime qu'Airbnb lui dérobe 5 à 10 % de sa clientèle annuelle. "C'est énorme, mais je pense que les hôtels du centre-ville en souffrent plus", explique celui qui a tout de même augmenté de 5 % le tarif de chaque chambre depuis le début de l'année. Toujours très occupé sur la période estivale, il est plutôt inquiet sur l'après-saison. "On sera vigilant cet hiver car Airbnb va nous absorber une partie de notre clientèle." À l'hôtel Bristol de la rue du 11-Novembre, Émilie Megissier n'est pas du même avis. Elle estime qu'Airbnb apporte une option supplémentaire de logement pour les locataires. "Ce n'est pas le même service. Tout dépend ce que les gens cherchent." Elle affirme même n'avoir jamais regardé les offres Airbnb. Elle applique ses tarifs en fonction de la concurrence hôtelière du centre-ville. "Il ne faudrait pas que ça se développe trop", admet-elle toutefois. Hervé Lepainteur, de l'Hôtel Crocus, reste lucide. Sur la période forte de l'année, entre avril et septembre, il accueille notamment des groupes de touristes. "Mon premier concurrent reste les autres hôtels", poursuit celui qui pense tout de même à changer son offre. "On envisage d'aménager les chambres avec une petite cuisine pour que les gens soient plus autonomes. L'autonomie, c'est le point fort d'Airbnb."
De leur côté, les campings de la Côte de Nacre ne se sentent pas impactés par le déploiement des locations saisonnières Airbnb. "Notre offre n'a rien à voir avec de la location meublée. Notre fréquentation est même en augmentation depuis cinq ans", conclut Chris Banning, directeur du camping Capfun à Bénouville.
Taxe de séjour : combien ça rapporte aux Villes ?
La taxe de séjour est collectée par la communauté urbaine Caen la Mer. Combien rapporte-t-elle ?
Lorsque vous êtes partis en vacances, vous avez sûrement dû débourser quelques euros pour la taxe de séjour. Cette dernière est demandée par certaines communes aux vacanciers qui séjournent sur un territoire. Elle est redevable par personne et par nuit. D'après les chiffres de 2020, la taxe de séjour des logements Airbnb de Caen a rapporté 117 000 euros à la communauté urbaine, en charge de la collecte.
Pas de taxe additionnelle
La taxe de séjour collectée pour la location Airbnb représente 23 % de la taxe totale, qui s'élève à 509 000 euros, pour une moyenne de 800 offres de locations saisonnières à l'année. Cette taxe est directement collectée par la plateforme et "est reversée à la municipalité au nom des hôtes, professionnels et particuliers", précise Airbnb.
Au niveau de la communauté urbaine, où l'on compte environ 1 600 offres de locations saisonnières, la taxe de séjour représente 1 087 000 euros, dont 207 000 euros pour les locations Airbnb. Cela représente un peu plus de 19 % de la somme globale. Toutes les communes de Caen la Mer sont concernées par cette taxe de séjour. Cette dernière est utilisée par la communauté urbaine à des fins de promotions touristiques.
D'après la plateforme, "une taxe additionnelle peut également être instituée" par les Départements, ce qui n'est pas le cas dans le Calvados.
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