Au détour d’un couloir, dans les arrières du Musée des Beaux-Arts, de grandes portes surgissent. Derrière elles, une salle pleine de trésors où les tableaux sont suspendus par centaines, attendant de sortir un jour de l’ombre. A côté, dans de grands rouleaux, reposent les peintures monumentales qui ne sont pas exposées. “Nous disposons de six réserves”, explique Audrey Gay-Mazuel, conservateur du département des objets d’art. “Deux sont consacrées aux tableaux, la troisième aux objets d’art, la quatrième aux arts graphique, la cinquième aux sculptures. La dernière sert de lieu de transit pour les œuvres de passage.”
3 000 peintures, 600 sculptures
Pourquoi laisser, à l’abri des regards, tant de chefs d’œuvre ? La place manque et pour cause : le Musée des Beaux Arts possède 3 000 peintures, 6 000 objets d’art et près de 6 00 sculptures... Il faut tenir compte également des problèmes de conservation : “Nous avons de très beaux pastels, rarement exposés, parce que très fragiles.” Ce sont les conservateurs qui doivent faire un choix, parfois cornélien, entre ce qui sera exposé et ce qui restera caché. “Les grands classiques, comme Le Caravage, n’iront jamais en réserve. Nous faisons tourner les autres : les goûts changent, nous établissons de nouveaux parallèles entre les œuvres. ”
800 000 objets
Au Muséum d’histoire naturelle, les specimens sont légion dans les réserves. “Nous aménageons actuellement des réserves plus petites pour pouvoir contrôler plus facilement les conditions de conservation”, indique Charles-Henri Morille, directeur adjoint du Muséum. Et la surveillance est plus facile, car avec 800 000 objets stockés au Muséum, il faut avoir l’œil ! Objets traditionnels et animaux naturalisés ont traversé les siècles et les océans sans trop d’encombre, il faut que cela continue. Certaines pièces sont prêtées à d’autres établissements labellisés musées de France, mais également à l’étranger, pour des expositions temporaires. D’autres attendent une restauration qui leur offrira une seconde vie.
Au Musée départemental des Antiquités, la priorité est de réhabiliter les réserves. Qu’elles soient locales ou externalisées. Car, faute de place, de nombreuses pièces sont déposées dans des réserves externes, dont le lieu est gardé secret pour plus de sécurité. “Il faut traiter, numéroter, restaurer et remettre en caisse chacun des objets”, souligne Caroline Dorion-Peyronnet, conservateur. Ici aussi, seule une infime partie du stock peut être montrée au public : 3 000 pièces sur les 30 000 que possède le Musée. Verres archéologiques, vitraux, armures, épées, attendent patiemment leur tour. “Tout n’est pas intéressant à voir. Rien ne ressemble plus à une fibule qu’une autre fibule !”
Le cœur de Richard Cœur de Lion
En dehors des thèmes d’expositions ou simplement trop fragiles pour être exposés, certains trésors demeurent dans les réserves. Les Rouennais sont loin de se douter des perles dormant dans les musées de leur ville. Ainsi, dans une armoire du Musée Départemental des Antiquités, repose le cœur de Richard Cœur de Lion. Au détour d’une étagère de la réserve, on tombe sur le masque mortuaire d’Henri IV : les spécialistes
affirment que c’est un des tout premiers à avoir été réalisé sur la dépouille du roi défunt.
Au Muséum d’Histoire Naturelle, sous un plastique qui le protège de la poussière repose un zèbre. Mais pas n’importe quel zébre ! C’est celui qui a servi de modèle pour la toute première description, dans un monde qui ne la connaissait pas encore, de cette espèce. Un peu plus loin, un bracelet en défense de cochon sauvage est posé sur une étagère. Un tel bijou, dans la société maorie, était le symbole du pouvoir suprême.
Repères
. Inaliénable Depuis 2002, les œuvres des musées sont considérées comme inaliénables, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent être vendues.
. Restaurer La mise en réserve est aussi l’occasion pour les œuvres de subir un petit lifting et d’être restaurées car certaines sont en mauvais état, vu leur ancienneté.
. Récolement Il s’agit de vérifier que chaque objet est bien inscrit dans l’inventaire et présent dans le musée. Cette opération doit être faite tous les dix ans.
. Conserver En fonction de la nature des objets, les conditions de conservation varient... Il est impératif de les respecter pour éviter que les œuvres ne se dégradent.
Anne Letouzé
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