Elle esquisse un sourire timide, se force un peu pour être sur la photo, aux côtés de Guillaume son mari et d'une de ses filles, Gwendoline. Océane, l'autre jeune fille du couple, n'est pas loin. La chienne Chanel tourne autour de ses maîtres, pour la photo d'une famille qui pleure ses disparus.
Il y a comme une espèce de malédiction dit Guillaume Deshayes, un "cycle infernal", c'est l'expression qu'il emploie pour dire sa tristesse, celle de sa famille et leur désarroi. Il y a vingt ans, sa femme Laetitia et lui perdaient leur premier enfant, le jeune Wilfried, né prématuré, qu'il fallut extraire du ventre de sa maman alors qu'il ne pesait que 600 grammes. Le bébé, trop faible, ne survécut que trois petites semaines. "C'est une tragédie quand on commence dans la vie. On l'a veillé tous les jours, toutes les nuits dans sa couveuse. Il était branché de partout", raconte Guillaume.
Et voilà qu'en avril 2021, Chloé, 20 ans, née trois ans après son frère qu'elle n'a jamais connu, se tuait dans un accident tragique : au volant de la voiture de livraison de pizzas, la jeune fille s'est encastrée dans un mur en pleine ligne droite, à Gainneville. Les circonstances de l'accident restent imprécises. La famille s'interroge sur l'état de vétusté du véhicule que conduisait la jeune fille pour effectuer ses livraisons. Certains de ses collègues, travaillant aussi dans la pizzeria, ont parlé d'un "tombeau roulant".
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Le véhicule provenait d'une casse auto de la région. Une enquête est en cours pour déterminer les causes du drame. Une expertise sur le véhicule a été ordonnée, on n'en connaît toujours pas les résultats, un an après l'accident mortel de la jeune Chloé. Dans le même temps, ses employeurs ont fait l'objet de poursuites pour travail dissimulé, ils ont été condamnés pour n'avoir pas respecté la législation. Le couple a fait appel du jugement rendu au tribunal du Havre.
"La mort de notre fille,
c'est aussi la mort de la famille"
En attendant les résultats des procédures en cours, Guillaume et Laetitia vivent dans le désarroi et le dénuement. Tous deux pointent au chômage. Guillaume a été licencié de son travail dans la logistique et Laetitia peine à retrouver un emploi après le décès de sa fille. La bataille judiciaire qu'ils ont engagée leur coûte très cher, ne serait-ce que pour faire face aux frais d'avocat. La famille s'est endettée, n'arrive plus à faire face. Laetitia touche à peine 900 € par mois d'allocations, son mari guère plus, ils ont deux bouches à nourrir et les charges du logement et de la vie courante à supporter. À titre de provisions, la compagnie d'assurance leur a versé 20 000 € pour l'accident de leur fille sur les 60 000 € qu'ils sont censés percevoir à terme, "le prix de la mort de notre fille".
L'argent perçu ne comble cependant pas le trou à la banque. Guillaume et Laetitia, qui remuent ciel et terre pour faire avancer l'enquête sur la mort de leur fille, avouent tous deux leur très grande lassitude. "On a l'impression de se heurter à des murs en permanence." Laetitia va plus loin : "Tout cela détruit peu à peu notre famille. La mort de notre fille, c'est aussi la mort de la famille. Je n'ai pas encore fait le deuil de Laetitia, je n'arrive pas à accepter sa disparition. Il faut que j'arrive à trouver un emploi pour m'en sortir, mais c'est difficile."
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Le malheur s'acharne sur la famille. Gwendoline, l'une des filles du couple, n'a pas pu se rendre à l'examen du Brevet professionnel de coiffeuse qu'elle devait récemment passer : quelques jours avant, elle a été victime d'un accident de trottinette. Guillaume, le papa, veut pourtant croire en des jours meilleurs : "Je me battrai de toutes mes forces pour sauver mon couple et ma famille." Il lui vient de temps en temps en tête le refrain d'une des rengaines de Daniel Balavoine, son chanteur préféré : "Tous les cris, les SOS… partent dans les airs…"
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