[Enquête] Caen. Travaux : dernier été au Vaugueux

Début novembre, des travaux vont être réalisés dans le célèbre quartier du Vaugueux, pour une période 18 mois. Catherine Pradal-Chazarenc, maire adjointe en charge des commerces, nous éclaire sur la nature du chantier et les modifications que cela va entraîner.

Pourquoi ces travaux ont-ils lieu ?

Les canalisations, les réseaux, sont dans un état déplorable. Un travail va être fait au niveau des réseaux humides, eau potable, eaux usées et pluviales, et des réseaux secs, électricité, gaz, téléphone et éclairage public. Il faut dire que le gaz, par exemple, est installé depuis 1960, alors quitte à ouvrir, autant tout changer.

Le quartier va-t-il changer ?

Les pavés ne seront plus les mêmes, ils seront plus gros, mais la matière n'est pas encore déterminée. Il ne pourra plus y avoir de terrasses fixes car on s'est aperçus que c'était source de rats et nous avons une obligation d'avoir au moins quatre mètres de libre pour laisser passer les pompiers. L'éclairage public mettra en valeur les façades, de la végétation sera rajoutée, le quartier va être embelli.

Quelles aides sont mises en place ?

Il va y avoir une commission d'indemnisation avec une personne du tribunal de commerces et des représentants au niveau des commerces en dehors de la mairie de Caen. La perte de marge brute sera prise en compte et non la perte de chiffre d'affaires par rapport aux années précédentes. L'aide sera versée chaque mois ou tous les trois mois, ce n'est pas encore défini.

La crise sanitaire aura fait évoluer les habitudes de consommation. Les restaurateurs se sont adaptés en proposant la vente à emporter ou la livraison, une solution qui devrait revenir sur le devant de la scène pour les commerçants du quartier du Vaugueux pendant les mois de travaux. "Je suis prête à aller chercher les clients si eux ne viennent pas", sourit Fanny Vince, du restaurant Le Deli. Autrement dit, la restauratrice envisage la livraison à domicile lors des travaux en plus de la vente à emporter, qu'elle réalise déjà dans ses deux établissements. Celui situé dans le Vaugueux et celui installé rue Saint-Pierre. Une solution qu'elle n'est pas la seule à entrevoir. Justin Corrion, du bar à tapas Le Gavroche, mise lui aussi sur la livraison. "On travaille déjà avec les plateformes comme Uber eats et Deliveroo, puisqu'on propose des pizzas au feu de bois. Pendant le chantier, ça nous permettra de faire des ventes supplémentaires." Face à la baisse de clientèle évaluée par chaque professionnel, la question des salariés taraude plus d'un gérant. "Pour l'instant, rien n'est prévu à ce sujet, on aimerait pouvoir bénéficier du chômage partiel. Onze salariés, en enlevant la terrasse de plus de 50 places, ça ne sert pas", explique Justin Corrion.

Des licenciements possibles

"Si on ne peut pas avoir ce chômage technique, c'est une catastrophe", admet Justin Corrion. Le licenciement pourrait alors être envisagé. Pour Rodolphe Dupuis, gérant de L'Avenue 21, une des éventualités serait de fermer le restaurant "quand il y aura des tranchées devant l'entrée. Si c'est pour faire trois couverts dans la journée, je ne vois pas l'utilité d'ouvrir. Mais ça, on le verra au moment venu". Côté salarié, le gérant n'a "aucun doute sur le fait que des leviers d'aide pourront être activés" en fonction de la diminution des clients et du chiffre d'affaires du lieu.

Pour éviter au maximum les nuisances sonores, les machines et la poussière, une fermeture en semaine est envisagée par le restaurant El Olivo : "En ce moment, on est ouverts sept jours sur sept. Pendant les travaux, on pourrait fermer quelques jours la semaine et se concentrer sur le week-end, puisqu'on réalise 50 % de notre chiffre d'affaires les samedis et dimanches", précise le gérant Pierre Varignon. À la tête d'une équipe de 20 personnes, le patron va devoir s'adapter "en embauchant plus de CDD l'été prochain" ou avoir moins de salariés. De son côté, Dorine Aires, du salon de coiffure Le Boudoir à Do', pense à décaler ses horaires. "Je suis normalement fermée entre 12 h 30 et 13 h 30, mais comme les travaux n'auront pas lieu à ce moment de la journée, je pourrais peut-être ouvrir." La jeune femme a également l'idée de travailler plus le week-end pour éviter les bruits du chantier et de reculer ses vacances pour les prendre début novembre. D'autres encore prévoient de lancer un tout nouveau projet à la fin de l'année. C'est le cas de Léna Géhanne, la gérante de L'Ardoise. "J'aimerais créer un restaurant festif sur la Presqu'île où, à partir d'une certaine heure, on puisse danser", avait-elle confié il y a quelques semaines.

Marie Bergeret vit dans le quartier du Vaugueux depuis quatre ans. Cette étudiante en médecine apprécie l'ambiance des lieux : "C'est vrai que c'est un peu bruyant, mais c'est vivant, ça bouge, et surtout, ça sent bon à l'heure du déjeuner et du dîner." Elle a été informée, comme tous les habitants et commerçants, par lettre de la mairie des travaux qui débuteront en novembre. Avant de penser à ses propres désagréments, la jeune femme voit notamment l'inconvénient pour les restaurateurs : "J'espère que ça ne va pas trop impacter leurs chiffres d'affaires." De son côté, les nuisances sonores l'inquiètent : "Je travaille beaucoup de chez moi, je ne vais pas à la Bibliothèque universitaire, donc j'ai peur du bruit en journée. Il faut que je sois concentrée car il y a beaucoup de choses à apprendre." Visiblement, ce n'est pas la seule à appréhender le bruit du chantier à venir : "Les habitants s'inquiètent pour leur tranquillité", indique Justin Corrion, gérant du bar Le Gavroche. Comme pour les restaurateurs, la mairie a organisé des réunions pour discuter du projet. "Ils voulaient savoir comment ils pourraient circuler et rentrer leur véhicule", explique Catherine Pradal-Chazarenc, maire adjointe en charge des commerces. "Normalement, il y aura accès le soir."

Et après ?

Marie Bergeret pense aussi à l'après : "J'espère qu'à la fin, ça restera comme c'est actuellement, c'est ce qui fait le charme."