"On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant : l'Europe, l'Europe, l'Europe ; mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien", clamait De Gaulle durant l'entre-deux tours de l'élection présidentielle de 1965. C'était il y a presque 60 ans et depuis, l'Europe a fait son chemin.
Cette union politico-économique se décline aujourd'hui à 27 États (depuis le Brexit). Elle fait des envieux dans bien des pays : la Turquie, l'Albanie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie ont le statut de pays candidats à l'intégration dans l'Union Européenne. La Bosnie-Herzégovine a un accord d'association avec l'Union européenne. Et, n'en déplaise à Vladimir Poutine, l'Ukraine souhaiterait également l'intégrer…
Un "machin" impalpable ?
Souvent présentée comme un gage de stabilité et de paix, l'Union européenne a son espace unique avec libre circulation des personnes et des biens, sa monnaie unique, mais aussi ses lourdeurs. Pour beaucoup, l'Europe reste un "machin" lointain, impalpable, dont on ne maîtrise vraiment ni les institutions, ni le fonctionnement, entre Strasbourg et Bruxelles.
Une méconnaissance, alors même que la France fait partie des six pays fondateurs de l'Europe. Et ce, même si le président français Emmanuel Macron préside actuellement le Conseil de l'Union européenne. Même si dans nos régions rurales, les agriculteurs sont bien aidés grâce à la Politique agricole commune (PAC) qui est payée par l'Europe. Même si dans nos villages, la construction du moindre rond-point ou de la moindre salle polyvalente est subventionnée par l'Europe. Même si la fibre optique arrive petit à petit grâce à des travaux subventionnés en partie par l'UE. Et que dire du plan de relance post-Covid, financé sur des fonds européens ?
L'Europe a sa journée annuelle, qui est célébrée le 9 mai. L'occasion de s'y intéresser dans notre mensuel de ce mois-ci.
Et la jeunesse dans tout ça ?
Accrocs à leurs smartphones et à Internet, bien davantage que leurs parents, beaucoup d'adolescents sont des citoyens du monde. Ils ont compris depuis longtemps que la possibilité de libre circulation ou d'entreprendre en Europe, c'est aussi la liberté d'y apprendre, d'y découvrir d'autres us, d'autres cultures, de s'y enrichir intellectuellement, de se former sur l'ensemble du territoire européen grâce au programme Erasmus pour les étudiants, ou à sa version "Ouat" pour aller parfaire à l'étranger sa formation à un métier. C'est aussi plein de différentes autres possibilités, comme par exemple sous le statut de Service volontaire européen (SVE).
Pour réaliser cette enquête, nous avons rencontré une jeune Ornaise en partance pour le Portugal, un jeune Allemand en stage dans l'Orne, mais aussi des lycéens italiens et ornais qui travaillent ensemble à une meilleure intégration des élèves en situation de handicap. Pour tous ces jeunes, ici, dans le département de l'Orne, l'Europe, c'est dès aujourd'hui…
Elle aide les jeunes à monter leur dossier
À la Mission Locale d'Alençon, Anne-Claire Prugnières aide les jeunes à monter leur dossier pour aller parfaire leur formation professionnelle en Espagne ou au Portugal.
Rencontre avec Anne-Claire Prugnières. Elle est référente mobilité européenne à la Mission Locale d'Alençon.
Erasmus, c'est pour qui ?
Ce programme d'aide à la mobilité européenne ne s'adresse pas qu'aux étudiants. "Sa version Ouat, portée par les Missions Locales permet d'envoyer des jeunes en Europe, effectuer treize semaines de stages d'insertion dans plein de domaines professionnels", explique la référente.
Des stages au soleil ?
Depuis 2018, la Mission Locale envoie des jeunes à Séville (Espagne) et à Lisbonne (Portugal) où les stages sont en Anglais. "Le prérequis est d'avoir un projet professionnel défini et de faire son stage dans sa branche d'activité. Chaque postulant émet trois vœux de stage. Une structure s'occupe de la mise en relation entre le jeune et l'entreprise".
Est-ce que ça coûte cher ?
Il en coûte 300 euros au jeune pour le voyage en avion, le transport jusqu'à son logement et les frais d'habitation. Des dispositifs d'aide financière existent. "Comme tout projet, ça se prépare, avec CV et lettre de motivation en anglais ou en espagnol, mais on a des dispositifs d'aide sur la remise à niveau en langues étrangères", explique Anne-Claire Prugnières.
Anticiper son stage ?
Une session de stage est organisée chaque trimestre. La Mission Locale d'Alençon travaille déjà sur les prochains départs en juillet et en novembre.
Erasmus aide le travail de lycéens face au handicap
L'Union européenne finance des programmes d'échanges et de travail entre lycéens. Par exemple entre Alençon et Vérone (Italie).
Le programme Erasmus+ permet des échanges entre les lycéens. Par exemple, celui mis en place entre le lycée Alain d'Alençon et le lycée Montanari de Vérone (Italie). Freinés par les restrictions de circulation liées à la Covid-19, en novembre 2021, les Français avaient enfin pu se rendre à Vérone. En avril 2022, les Italiens sont à leur tour venus à Alençon, sur un projet de travail commun pour comparer les conditions d'accueil des élèves handicapés au sein des établissements scolaires des deux pays.
La volonté de faire bouger les choses
"Ça s'est organisé l'année dernière, mais au départ seulement par Internet en raison de la pandémie. Erasmus est vraiment très intéressant, car ça permet de connaître une autre culture, de s'enrichir personnellement, de rencontrer de nouvelles personnes, de découvrir leur façon de voir la vie qui est un peu différente de la nôtre. On a choisi ce projet car dans la classe, il y a une élève avec un handicap physique", expliquent Francesca Comper et Hafssa Ayoubi, élèves italiennes. "Dans notre société globalisée, l'intégration c'est vraiment quelque chose de très important."
C'est le lycée Alain qui a fait la demande à l'Union européenne, pour avoir les fonds pour concrétiser ce projet
"En Italie, on a pu avoir des conférences avec des aides qui interviennent auprès des personnes handicapées. À Alençon, on a reçu une personne qui travaille dans un Institut médico-éducatif et une autre de l'ITEP", expliquent Chloé Bodin et Alix Muller, lycéennes alençonnaises.
"On est en train de monter une charte sur le handicap qui cible les points importants à améliorer dans les deux établissements, pour avoir davantage d'aménagements. Dans le système italien, les jeunes handicapés sont directement dans les classes avec tous les autres élèves, alors qu'en France, ils sont souvent dans des établissements spécialisés", précisent les quatre lycéennes.
"Ces différences de prises en charge nous montrent qu'il y a un problème de différence concernant l'intégration des personnes handicapées au sein de l'Union européenne, il n'y a pas un programme égal partout. En France, les jeunes entre 14 et 16 ans ne côtoient pas de jeunes de leur âge qui sont handicapés. C'est un problème pour le futur, la France est en retard par rapport à ce qui se fait en Italie", expliquent-elles.
Changer le monde, en mieux
Très conscientes de toutes être citoyennes d'une seule et même Europe, les lycéennes expliquent que "la jeunesse doit être la première à prendre des positions, parce que nous sommes le futur. Nous devons comprendre les problèmes sociétaux pour les autres générations. Les personnes avec un handicap doivent aussi être intégrées, elles sont aussi le futur de nos pays". Elles ont même imaginé un slogan : "Pour une Europe meilleure, on a besoin d'une jeunesse meilleure." Outre travailler ensemble sur leur projet, les jeunes ont également profité de leur séjour pour une découverte touristique de notre région, au Mont-Saint-Michel et au château de Carrouges.
Pablo, 20 ans, né en Espagne, vivant en Allemagne, volontaire dans l'Orne
Le "Service Volontaire Européen" est l'un des statuts qui permet aux jeunes de vivre une expérience dans un autre pays d'Europe.
Pablo Catoyra a 20 ans. Il a vécu jusqu'à ses 11 ans à Madrid, avant de déménager au nord de l'Allemagne. Avant d'entrer à l'université, il fait une pause d'une année, devenu volontaire européen "pour me découvrir, réfléchir à mon avenir", explique-t-il. Pour son volontariat, Pablo n'avait pas de choix préconçu : Italie, Belgique, Espagne… mais il a opté pour l'association d'Ecouves Verte, à L'Orée-d'Ecouves dans l'Orne, "première à confirmer qu'elle était prête à m'accueillir".
Depuis octobre 2021, il y organise de l'animation locale, responsable de structurer son travail, de mettre en place des évènements, il crée un club de poterie, organise un concours de photos. "Je n'aurais jamais fait cela en restant sur les bancs de l'école". C'est aussi informer les jeunes que, "comme moi, chacun peut devenir volontaire européen pour y découvrir d'autres cultures". Lorsqu'il est arrivé dans l'Orne, Pablo ne parlait Français. C'est aussi apprendre à vivre loin de ses parents, se débrouiller seul, faire sa cuisine, gérer son budget. Son expérience Ornaise va se poursuivre à L'Orée-d'Ecouves jusqu'au mois d'août. "Il ne me reste plus beaucoup de temps pour remplir ma mission, quand je regarde mon agenda, c'est plein ! Il me faudrait davantage de temps pour tout faire, découvrir la France. Dans quatre mois, je devrai rentrer en Allemagne. C'est un peu bizarre, je ne me sens pas comme un Espagnol, ni un Allemand. Je ne sens pas avoir de nationalité. Pour moi, je suis Européen".
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.