C'est une date anniversaire dont elle se serait bien passée. Laetitia, la maman de Chloé Deshayes, peine à sourire. Elle n'a pas le cœur à cela, appréhende ce jour où il va être à nouveau question de l'accident tragique dont sa fille, vingt ans, a été victime le 4 avril 2021 près du Havre.
Ce jour est arrivé : le tribunal correctionnel du Havre s'est penché lundi 11 avril sur la façon dont fonctionnait la pizzeria où travaillait Chloé. L'enquête menée sur l'accident de la jeune fille a conduit l'Inspection du Travail à étudier les plannings et les contrats du restaurant d'Harfleur soupçonné d'employer certains de ses personnels au noir, pour partie.
Le jugement rendu au terme de plusieurs heures d'audience présidée par le juge Lecras, pointilleux et habile pour dénouer les fils de cette histoire, l'a confirmé : les deux patrons, mari et femme, de la Pizzéria del Mundo d'Harfleur, là où vit la famille de Chloé, ont chacun été condamnés à deux mois de prison avec sursis. Tous les deux, parents de quatre enfants, ont été condamnés en outre à plusieurs amendes dont une somme rondelette de plus de 40 000 € à verser à l'Urssaf.
Des salaires versés "dans des enveloppes"
Cinq salariés avaient porté plainte dont Laetitia, la maman de Chloé qui travailla aussi à la pizzeria pendant une année sans jamais, dit-elle, avoir été déclarée. L'enquête menée a décortiqué le système mis en œuvre, tel qu'il a été présenté au tribunal la semaine dernière : vrais-faux plannings de travail, paiement en liquide, défaut de déclarations d'embauche. Une partie des salaires versés se serait faite sous le manteau "dans des enveloppes", ce que le patron de la pizzeria a nié catégoriquement. Une salariée parmi les plaignantes a pourtant témoigné : "Nos patrons nous expliquaient qu'ils y étaient obligés pour ne pas avoir à payer trop de charges." Elle effectuait vingt heures de travail par semaine, n'était déclarée que pour neuf, payée le 10 du mois avec, pour partie, des espèces glissées dans une enveloppe. L'entreprise mise en redressement judiciaire en 2016 semblait connaître des difficultés. Son patron, a-t-il été dévoilé à l'audience, réussissait tout de même à se dégager un salaire mensuel de 3 000 €.
"Elle m'avait vendu du rêve"
En filigrane du jugement rendu en présence de nombreux amis et proches de la jeune fille, tous habillés d'un polo à son effigie, c'est l'histoire de Chloé qui s'est rembobinée, un mauvais film au scénario tragique. Les circonstances de l'accident restent floues. La voiture de la pizzeria que conduisait Chloé s'est encastrée dans un mur à Gainneville. Etait-elle en état de rouler ? Rien n'est moins sûr. Une expertise est en cours. Au Tribunal, il a été dit que la voiture était issue d'une casse de la région ! L'accident s'est produit autour de 22 h 30. Il était pourtant interdit de rouler à cette heure-là, le préfet avait ordonné un couvre-feu en raison de la pandémie. "J'étais pas au courant", a assuré le patron de la pizzeria tout de rouge vêtu, chaussures Nike aux pieds, aux côtés de son épouse emmitouflée dans une grosse veste beige. Tous deux estiment être victimes d'un complot mené par leurs anciens salariés. Leur avocat a fait valoir qu'il n'y avait aucune intention de frauder. Il les a présentés comme des gens "travailleurs et courageux".
Pendant tout le temps qu'a duré l'audience, la "patronne" de la pizzeria n'a pas jeté un seul regard en direction de la maman de Chloé assise comme plaignante sur le banc des parties civiles. Toutes deux étaient pourtant très amies avant l'accident de la jeune fille. "En m'embauchant, elle m'avait vendu du rêve", explique sa mère Laetitia, le regard triste.
Le rêve est devenu un douloureux et infini cauchemar.
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En tant que maman de jeune adulte la peur de l’accident est toujours présente, ce drame m’a bouleversée en passant dès le lendemain matin devant le lieu de l’accident sans en connaître les circonstances.. et à chaque fois maintenant j’ai une pensée pour les proches de Chloé. Les responsables mêmes indirects doivent payer.
Que la police fasse sont enquête et que justice soit faite.