"Le tri, c'est compliqué si on ne veut pas le faire", pense Peggy Lerate, patronne du bistrot des Crames situé dans le centre-ville de Rouen. "Pour les commerçants, c'est facile. Avant, il fallait attendre 18 heures pour mettre nos cartons dans la rue. Maintenant, on a un bac juste à côté même s'il n'est pas très esthétique."
Pour le reste des déchets, des points d'apport volontaires permettent aux Rouennais de faire le tri. Des structures cubiques grises remplacent le bac à couvercle jaune ou vert en bas des immeubles. Une spécificité intraboulevard ou presque : un camion-poubelle peut difficilement passer dans les rues historiques, avance-t-on à la métropole. Pourtant, chaque matin, le ballet des livreurs se fait dans les rues commerçantes de la rive droite. "Il n'y a pas assez de place dans les copropriétés du centre pour multiplier les bacs", précise l'adjoint à la ville de Rouen en charge de la propreté, Kader Chekhemani.
Dans le petit appartement de Nathan Berry, les poubelles de tri s'accumulent. "Ce n'est pas le plus pratique", reconnaît l'étudiant volontaire. Un à un, l'habitant du cœur de ville dépose ses déchets dans la petite ouverture de la grosse poubelle jaune. "Il faudrait qu'ils rajoutent des emplacements." Le dossier est étudié à la Métropole de Rouen. Marie Atinault, la vice-présidente en charge de la transition et des innovations énergétiques, veut "densifier le parc de colonnes d'apport volontaire aériennes ou enterrées". 1 903 colonnes de ce type sont installées sur l'ensemble des 71 communes de la métropole.
"Tout le monde veut plus de bacs mais personne ne les veut en bas de chez soi", peste l'adjoint au maire en charge de tranquillité publique la propreté, Kader Chekhemani. Ses équipes traquent les dépôts sauvages aidés par l'application Mon Tri (lire par ailleurs). Quant aux petites poubelles qui avaient majoritairement disparu des rues, elles vont réapparaître. Choisies par les habitants après consultation par la municipalité, 130 corbeilles permettant de faire le tri vont être installées prochainement.
Champions de la production de déchets
À Bois-Guillaume, Darnétal ou à Sotteville-lès-Rouen, les services de propreté collectent directement les déchets triés des habitants à leur domicile grâce aux bacs et les sacs jaunes mis à disposition. Ces derniers "sont fournis une fois par an sur présentation d'un justificatif de domicile", précise le site de la Métropole et le calendrier des jours de distribution est strict. Même ce dispositif pour faciliter le tri va disparaître à terme pour être "exemplaire" selon Marie Atinault et tendre vers le "zéro pollution plastique [...] La dégradation des plastiques finit un jour ou l'autre dans la Seine". Chaque habitant a généré 584 kilos de déchets rien qu'en 2020 contre 515 kilos par habitant dans le reste de la France. La loi du 10 février 2020 impose l'objectif de réduire de 15 % le volume de déchets par habitant d'ici à 2030. Mais dans la métropole de Rouen, "la courbe ne va pas dans le bon sens, reconnaît Marie Atinault. Le service public est à améliorer mais le citoyen doit faire un effort dans ses modes de consommation."
Le tri dans les chiffres
Chaque habitant de la Métropole de Rouen a produit plus de 580 kilos de déchets en 2020. C'est près de 70 kilogrammes de plus qu'un autre Français la même année.
20 000 tonnes
Deux tiers des déchets traités par le centre de tri du Smédar proviennent des habitants de la Métropole de Rouen, l'équivalent de 20 000 tonnes par an.
584 kilos par habitant
Dans la Métropole de Rouen, chaque habitant trie un peu plus de 69 kilogrammes de déchets recyclables par an. En ajoutant les ordures ménagères, les encombrants et les déchets verts, ce nombre atteint les 584 kilogrammes de déchets produits par habitant en 2020.
53 millions d'euros
Le coût total du service public de collecte de traitement des déchets a coûté 53 millions d'euros à la Métropole de Rouen. Plus de la moitié de ce budget est consacrée aux ordures ménagères.
10 000 logements chauffés
Près de 10 000 logements situés au Petit-Quevilly et au Grand-Quevilly sont chauffés grâce à un réseau issu de l'incinération des 325 000 tonnes de déchets récoltés par le Smédar.
La règle des 5R
Cinq R pour cinq verbes : refuser, réduire, réutiliser, recycler et rendre à la terre. Prônée par l'association Zéro Déchet Rouen, cette règle permet au citoyen de réduire sa consommation de déchets en consommant moins ou différemment. L'association rouennaise en ajoute un : revendiquer. Elle propose des ateliers et des recettes sur sa page Facebook pour tendre vers le zéro déchet.
Entre 20 et 25 % des déchets triés sont incinérés
Tous les déchets des habitants de la Métropole partent par tonne au centre de tri du Smédar, à Grand-Quevilly. Triés ou non, ils ont tous une destination bien précise.
Aux habitants qui pensent que trier est compliqué, "pas de question à se poser, tous les emballages plastiques et papier vont dans la poubelle jaune", rassure Karine Bruyant, directrice de l'exploitation du Smédar, le Syndicat Mixte d'Élimination des Déchets Arrondissement de Rouen. "Les conserves n'ont pas besoin d'être rincées. L'acier et l'aluminium vont être chauffés à très haute température et les déchets organiques vont brûler." Ce centre de tri situé à Grand-Quevilly reçoit en tout plus de 320 000 tonnes par an de détritus provenant des poubelles de la métropole. Parmi ces déchets, seules 20 000 tonnes sont triées par les habitants pour être recyclés.
À chaque déchet, sa destination
Quand certaines poubelles noires débordent de cartons et d'emballages plastiques, il est déjà trop tard. "Tout ce qui est jeté dans les bacs d'ordures ménagères ne sera pas trié à nouveau au Smédar", précise la directrice. Ces déchets partent directement à l'usine d'incinération contrairement à ceux triés une première fois par les habitants. Les déchets mal triés arrivant au centre de tri sont de l'ordre de "20 à 25 %", précise la directrice. "On voit du textile. D'autres colonnes de tri sont prévues pour recycler ce déchet." Au centre de tri de Grand-Quevilly, la vie d'un emballage termine comme il a commencé, dans la main de l'homme. En tout, 70 personnes travaillent pour que votre bouteille en plastique puisse être recyclée dans la fabrication future d'une polaire ou d'un nouveau contenant.
Ce qui n'est pas trié part en fumée
En tout, plus de 75 % de nos déchets sont incinérés. Rouen serait la plus mauvaise des métropoles en termes de recyclage devant Paris. Ce chiffre avancé par l'émission Cash Investigation sur France 2 l'année dernière est exact, reconnaît Karine Bruyant. "Tous les déchets non recyclés sont revalorisés à 97 voire 98 % par le Smédar. Ce n'est pas perdu", nuance la directrice. L'incinération permettrait de chauffer 10 000 logements de Grand-Quevilly et Petit-Quevilly et d'éclairer l'équivalent de la ville de Rouen en électricité.
En 2020, la quantité de déchets triés par habitant a augmenté dans la métropole en passant de 69,11 kilogrammes en 2019 à 69,31 kilogrammes. Avec la crise sanitaire, "les gens ont consommé plus de plats à emporter et on retrouve davantage de cartons Amazon", explique Karine Bruyant. Un habitant de la métropole de Rouen a produit en moyenne près de 70 kilos de détritus de plus la même année qu'un autre Français.
Le meilleur déchet, c'est celui qui n'existe pas. C'est le mantra d'Élisa Werthle, bénévole depuis deux ans à "Zéro déchet Rouen". "Est-ce que j'ai vraiment besoin de cet objet ?" s'interroge-t-elle avant chaque achat. Elle refuse "tout ce qui va potentiellement devenir un déchet comme les prospectus distribués." L'association propose des ateliers pour diminuer le volume de ses déchets en consommant plus vert et moins cher. La gestion des déchets coûte plus de 106 euros par an à chaque habitant de la Métropole.
L'application Mon Tri permet d'y voir plus clair
Lancée il y a six mois dans la Métropole de Rouen, l'application Mon Tri permet d'informer les habitants sur le tri des déchets. Elle permet aussi au citoyen de signaler tous les dysfonctionnements qu'il constate à côté de chez lui.
La Métropole de Rouen a lancé Mon Tri il y a un peu plus de six mois. L'application, disponible sur mobile et sur internet, permet d'informer au mieux les habitants sur l'organisation du tri des déchets sur les 71 communes du territoire.
À peine 3 000 utilisateurs recensés
Mon Tri répertorie les emplacements de poubelles, les dates de collecte ou encore indique à l'usager comment recycler correctement. L'application permet aussi de remonter des dysfonctionnements pour améliorer la qualité du service public assure-t-on à la Métropole de Rouen. Grâce à "l'expertise du citoyen, on peut avoir connaissance du besoin en temps réel", explique Marie Atinault, vice-présidente en charge des transitions et innovations écologiques. Un habitant peut par exemple signaler avec une photo un dépôt sauvage d'ordures, qui sera nettoyé dans les 24 heures par les services de propreté. À Rouen, une BIR - une brigade d'intervention rapide - est sur le terrain depuis le début du mois. "Deux véhicules tournent dans le centre-ville quasiment toute la journée pour ramasser des déchets encore plus vite dès qu'il y a un signalement", ajoute Kader Chekhemani, adjoint au maire à la propreté.
L'application est complète mais n'attire pas encore les foules : près de 3 000 personnes l'ont téléchargée selon la Métropole qui compte un peu moins de 500 000 habitants sur son territoire.
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