Saviez-vous que le premier carnaval étudiant de Caen avait eu lieu en 1894 ? À l'époque, il mélangeait jeunes universitaires et habitants. Puis, le visage du carnaval s'est littéralement modernisé. L'association des étudiants en art du spectacle a pris les choses en main, avant de laisser Radio Phénix prendre les rênes en 2007. La Fédération Campus Basse-Normandie (FCBN) s'est emparée du carnaval en 2013, avant d'abandonner. "La mairie avait proposé de faire la seconde partie au parc des expositions, rembobine Léo Thomas, vice-président de la FCBN, en charge de l'événementiel. Le carnaval d'aujourd'hui n'est plus le même qu'avant." C'est à partir de 2015 que la propre association du Carnaval étudiant de Caen s'est créée. Une organisation tripartite entre l'association, la Ville et la préfecture du Calvados s'est mise en place. Cette année 2015 a marqué un véritable tournant dans l'histoire du carnaval, avec une affluence record de 30 000 festivaliers. À Damien Lemennais, vidéaste officiel de confirmer. "J'ai vu une vraie transition. On a doublé de participants entre 2013 et 2015, explique celui qui garde trace en images de chaque édition. Le carnaval est entré dans les têtes à partir de ce moment-là."
"Un carnaval étudiant
doit être organisé par des étudiants"
Le carnaval semble avoir trouvé une organisation stable, ne passant plus dans les mains d'une association à une autre. L'association organisatrice se structure et fonde un bureau directeur, constitué d'environ une dizaine de membres. La limite ? Les étudiants s'engagent pour une période très courte pendant leur cursus scolaire. Certains sont là pour trois ans, le temps d'une licence, d'autres pour cinq ans, le temps d'un master. Pour Nathan Courbet, le président de l'association - l'édition 2022 sera sa dernière année - pas question de changer le modèle. "Un carnaval étudiant doit être organisé par des étudiants, dit-il. On est les mieux placés pour connaître leurs envies et leurs besoins." C'est pourquoi le passage de témoin est mûrement réfléchi. "Je n'ai pas choisi mon successeur au hasard [Enzo Cuegniet, actuel vice-président, ndlr]. À terme, l'événement doit pouvoir s'autofinancer. On manage le carnaval comme on manage une entreprise, sauf que personne n'est salarié. Ça change tout !"
Autre frein : le manque de temps. La présence en cours, les examens ainsi que les projets professionnels de chacun ne permettent pas toujours de trouver du temps pour la préparation de cet événement XXL. "On n'a pas les ressources humaines pour arriver à un résultat cohérent", constate Nathan Courbet. Dans la recherche de partenaires, le modèle a aussi ses limites. "Cela représente un travail à plein temps et on est moins pris au sérieux en tant qu'étudiants." C'est pourquoi l'association a sollicité la société Black Panda depuis 2018. Jérôme Bouffard, le gérant, est d'ailleurs assez lucide sur la question. "L'association a pris du poids, mais elle doit encore se professionnaliser. Il ne faut pas travailler que le jour J mais toucher les jeunes toute l'année." Conseil de grand sage.
La sécurité : un trou dans le budget
Comme en 2019, l'association du Carnaval étudiant de Caen a lancé une cagnotte afin de couvrir les coûts de sécurité le jour J. Boucler un budget est de plus en plus complexe. Explications.
30 000 participants en 2017, 23 000 en 2018, 24 000 en 2019… L'organisation d'un tel événement coûte très cher aux organisateurs. Pourtant, il est l'un des seuls de cette ampleur à rester gratuit à Caen. "On demande simplement une participation d'1 € par étudiant", dit au bout du fil Julien Decré, sous-préfet du Calvados. C'est pourquoi l'association a lancé une cagnotte participative sur HelloAsso. 30 000 € seraient nécessaires pour couvrir les dépenses en sécurité. Un coût qui pèse très lourd dans les comptes. En 2015, les organisateurs avaient réussi à réunir 3 000 € de dons. "Les gens sont prêts à dépenser pour un déguisement ou l'alcool, mais pour nous aider, c'est plus difficile", regrette Nathan Courbet, à la tête de cette machine infernale. Le carnaval étudiant, pour son budget qui peut monter jusqu'à 100 000 €, fait appel à des partenaires publics.
En quête de partenaires privés…
La Région participe à hauteur de 4 000 €, sous la forme d'un contrat de communication. C'est 1 000 € de plus qu'en 2019. "On a décidé de donner un coup de pouce supplémentaire à la suite des deux éditions annulées", précise la Région. Si la Ville versait une subvention directe avant 2015 - dont les montants se sont perdus dans les archives - il n'en est plus question. Elle accompagne le carnaval en prenant en charge l'organisation du concert au parc des expositions et en mettant à disposition des moyens humains et matériels. Cela représente un engagement financier indirect de 80 à 90 000 € chaque année. L'État, par le biais de la préfecture, engage environ 550 personnes pour s'assurer du bon déroulement de l'événement : police nationale, gendarmes, CRS, SAMU, pompiers, associations de sécurité civile, etc. De son côté, le Département ne verse aucun aide. Idem pour l'université, où aura lieu le départ de l'édition 2022, à nouveau devant le Phoenix.
Chaque année, l'association n'a pas d'autres choix que de faire appel à des partenariats privés, mais "il y a le carnaval d'avant et celui d'après crise Covid. Certains partenaires ne peuvent plus nous suivre financièrement", pointe du doigt Nathan Courbet. Pendant la crise, certains ont mis la clé sous la porte, comme Festi par exemple. Lors de la dernière édition, le carnaval avait réussi à réunir 50 000 € de partenariats, "mais cela ne suffisait déjà pas. On a encore des factures de 2019 à payer". En 2020, il aurait pu compter sur 70 000 €. L'agence de communication Black Panda est en quête de trouver de nouveaux sponsors. À J-7 de l'événement, elle en compte une dizaine. L'association ne paye pas l'agence, mais cette dernière récupère un pourcentage sur les partenariats trouvés. "C'est du gagnant-gagnant, relate Jérôme Bouffard, le directeur. On ne va pas se le cacher, depuis la Covid-19, j'ai un regard flou sur l'avenir." Car au-delà de l'engagement financier, certains sont aussi frileux face à l'image que peut renvoyer le carnaval. "Mais il n'est pas plus dangereux que d'autres festivals", tient à rassurer Jérôme Bouffard, qui fait face à un refus une fois sur trois en démarchage. À l'heure où ces lignes sont bouclées, 264 € de dons ont été récoltés sur les 30 000 € espérés. Et si le plus grand carnaval étudiant d'Europe était menacé ?
"Le carnaval fait partie des grands rendez-vous de l'année, c'est une institution"
Depuis plus de 30 ans, le Carnaval de Caen s'est affirmé comme un rendez-vous essentiel dans la vie étudiante caennaise. Interview avec Aristide Olivier, adjoint à la jeunesse et à la vie étudiante à la Ville de Caen.
De quelle manière la Ville de Caen
accompagne-t-elle le carnaval ?
"Depuis 2015, c'est une organisation tripartite entre la préfecture, la Ville et l'association du Carnaval de Caen. C'est important pour la Ville de participer à la structuration de cet événement pour minimiser les risques. On a une centaine de policiers municipaux et une cinquantaine d'agents de propreté qui sont mobilisés. Il y a des moyens logistiques très lourds. La Ville prend aussi en charge le concert au parc des expositions. Cela représente une dépense d'environ 90 000 €."
Cette organisation est-elle opérationnelle après deux ans de pause ?
"La manière de l'organiser est équivalente à celle de 2019. On reprend tout simplement nos habitudes. L'arrêt lié à la crise Covid-19 n'a pas facilité les choses d'un point de vue des partenaires financiers. On est en phase de réamorçage, mais il va retrouver sa dynamique. Les indicateurs sont au vert, la priorité est que tout se passe bien le jour J."
Comment voyez-vous l'avenir
du carnaval ?
"Que la Ville accompagne ou non le carnaval, il aura lieu. Il vaut mieux qu'il se déroule dans de bonnes conditions et éviter un carnaval sauvage. Le carnaval fait partie des grands rendez-vous de l'année, c'est une institution. Il faudra encore passer une étape dans la structuration de l'association, notamment sur la recherche de bénévoles. Il faut que ça se professionnalise. Il faut faire vivre cette association plus souvent dans l'année en dehors du jour J."
Engager un char coûte du temps et de l'argent
Cinq chars seront présents dans le cortège du carnaval de Caen jeudi 7 avril 2022. Engager un char coûte du temps et de l'argent aux écoles. La Fédération Campus Basse Normandie n'a pas pu engager de char cette année.
Le Fédération Campus Basse Normandie (FCBN) a longtemps réfléchi et a donné sa réponse à l'association du Carnaval de Caen le vendredi 11 mars, date butoir de l'inscription. Elle ne présentera pas de char dans le défilé cette année. La cause ? Un manque de temps, d'argent et surtout de moyens humains. Cette association étudiante organise une trentaine d'événements par année scolaire. Construire un budget était complexe. "On n'avait encore trouvé aucun partenaire, explique Léo Thomas, vice-président de la FCBN. C'est très difficile financièrement."
Une enveloppe d'environ 1 000 €
Car pour engager un char, il ne suffit pas que de bonne volonté ou des mains de bricoleurs des étudiants. Une enveloppe d'environ 1 000 € est nécessaire, comprenant la location d'un camion plateau, une sono (environ 200 €), un DJ et un groupe électrogène (environ 250 €). "Le camion, ce n'est pas que le jour J. Il faut le louer environ une semaine à l'avance pour le décorer, ce qui peut coûter jusqu'à 500 €", constate Léo. Même si elle avait réussi à trouver les fonds, la FCBN était limitée humainement. "Cela représente environ dix à quinze heures de préparation si on est cinq à travailler sur le char. Avec les examens et nos autres projets événementiels, ce n'était pas possible", regrette-t-il. Il y a aura donc cinq chars cette année. L'ESITC, l'E2SE, l'EM Normandie, l'AFTEC et l'EGC de Saint-Lô sont les cinq écoles représentées.
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