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[Enquête] Caen. Le BTP en quête de bras

Bâtiment, travaux publics. Le secteur du BTP manque de main-d'œuvre à Caen et dans le Calvados. Le bâtiment cherche à attirer des jeunes.

[Enquête] Caen. Le BTP en quête de bras
Vincent Boissel, secrétaire général de la Fédération du bâtiment du Calvados, sur le chantier de la prochaine Maison du bâtiment à Caen.

Refaire sa terrasse, agrandir sa maison, préparer son extérieur… La Covid-19 a donné des envies d'aménagement à de nombreux habitants de Caen. "L'artisanat est en plein boom, le confinement a joué beaucoup", confirme Marc Rollet, président de la Fédération du bâtiment du Calvados, qui regroupe 500 entreprises dans le département, soit 6 000 salariés, dont la majorité dans l'agglomération de Caen. Si les envies des particuliers ont en effet créé une demande assez forte, pour Marc Rollet, le dynamisme "est commun à tous les secteurs de marché, que ce soit la construction de logements, l'entretien, les travaux chez les particuliers ou les travaux publics". Au sein de la communauté urbaine Caen la Mer, de gros chantiers sont en cours : la prison d'Ifs, la reconstruction du CHU, les logements sur la Presqu'île, etc. Autant de constructions qui créent une forte dynamique dans le domaine du bâtiment : "Le Calvados a une dynamique plus élevée qu'en Normandie et qu'en France", précise le président. Et au secrétaire général de la Fédération Vincent Boissel d'ajouter : "Les carnets de commandes sont pleins à six mois."

"On n'arrive pas à faire face"

Le secteur du bâtiment bat son plein dans le Calvados, une activité qui demande des moyens humains importants, cependant, le manque de main-d'œuvre -indéniable dans le secteur- remonte à quelques années. "Depuis 2019, on se rend compte qu'on est en sous-capacité de production par rapport à la demande, on n'arrive pas à faire face." Pour Marc Rollet, il faut remonter en arrière pour comprendre, en partie, ce manque : "Il y a eu une 'purge' dans le bâtiment, je parle de 'purge' parce que je suis chauffagiste, ironise-t-il. En 2008, il y avait plus de 18 000 salariés, en 2016, c'est descendu à 13 000, on a perdu 25 % de la capacité de construction. Il n'y avait plus de travail, la construction neuve chutait, les collectivités publiques n'investissaient plus…"

"Détruire des emplois, ça va vite, en reconstruire, c'est beaucoup, beaucoup plus long"

Le problème étant aujourd'hui que "détruire des emplois, ça va vite, en reconstruire, c'est beaucoup, beaucoup plus long". Aujourd'hui, environ 15 000 personnes travaillent dans le bâtiment dans le Calvados, hors intérim, avec un recrutement assez long d'une centaine de salariés à chaque trimestre. "Personne ne peut dire combien de personnes il faudrait exactement, mais certainement 1 000 voire 2 000 de plus." En plus de ces conséquences dues au passé, l'avenir -et les nouvelles normes- ont aussi un impact sur la situation dans le secteur du bâtiment. "La décarbonation du bâtiment induit aussi une évolution du métier." Cette décarbonation consiste entre autres à la rénovation des bâtiments et les nouvelles constructions devront avoir une empreinte quasi proche de zéro. "Les métiers du chauffage par exemple sont en pleine mutation et il faut former plus de monde." Un secteur qui évolue avec un grand nombre de possibilités : "Toutes les entreprises recrutent", conclut Vincent Boissel.

"La polyvalence est recherchée"

Caen. "La polyvalence est recherchée"
Laurent Charpentier, directeur du CFA bâtiment de Caen.

Laurent Charpentier, directeur du CFA bâtiment, fait un point sur cette formation.

Les formations proposées par le CFA bâtiment attirent-elles les jeunes ?

"Nous frôlons aujourd'hui les 900 apprentis au CFA bâtiment de Caen. Il y a eu une grosse augmentation en deux ans, avec plus de 200 apprentis, due notamment à une réforme importante de l'apprentissage qui a permis d'augmenter les aides pour les entreprises qui prennent un apprenti."

Comment intéresser les futurs apprentis à ce secteur d'activité ?

"Il faut savoir que 75 à 80 % des jeunes qui sortent de l'école, tous diplômes et métiers confondus, sont embauchés. Pour les 20 % restants, c'est souvent qu'ils veulent continuer dans une autre voie, qu'ils prennent une année sabbatique, etc. De plus, le BTP est très large, nous avons sept filières différentes et des diplômes différents : CAP, Brevet professionnel et mention. Nous encourageons les apprentis à poursuivre pour se perfectionner dans plusieurs domaines car les entreprises recherchent la polyvalence."

Les jeunes ne sont pas
vos seules cibles ?

"En effet, nous avons également une formation continue destinée aux personnes en reconversion, aux salariés, qui attire de plus en plus de monde. L'apprentissage s'adresse aux personnes de moins de 30 ans, mais avec ce type de formation, tout le monde peut accéder à une formation dans ce domaine. Sur l'année, une quarantaine de personnes est formée. C'est une manière pour les entreprises d'avoir de la main-d'œuvre."

Des moyens pour attirer les jeunes dans le secteur

Caen. Des moyens pour attirer les jeunes dans le secteur
Les collégiens ont pu visiter ce chantier qui accueillera la prochaine maison du bâtiment, construite au nord de Caen.

Pour attirer des jeunes dans le secteur du bâtiment, différentes initiatives et événements sont organisés à Caen.

Le BTP est souvent associé aux compagnons présents sur les chantiers de construction. Cependant, ce domaine est bien plus large. "Il y a toute la partie conception et préparation pour laquelle les gens réfléchissent à quels matériaux choisir, comment les agencer", détaille Mohamed Boutouil, directeur de la recherche et directeur délégué de l'ESITC Caen, l'École supérieure d'ingénieurs des travaux de la construction. Un pan de la construction, qui se déroule bien en amont du chantier, souvent méconnu, qui a pourtant de nombreux besoins. "À la sortie de l'école, il y a 98 % d'embauche, ce sont les diplômés qui choisissent leur entreprise et pas l'inverse." L'ESITC forme à Bac +3 et jusqu'à Bac +5 des futurs ingénieurs travaux "pour diriger un chantier" ou ingénieurs d'études "pour s'occuper des calculs de structure". C'est cette formation qui a plu à Adrien Roy, étudiant en première année. Passionné par "les engins de chantiers depuis tout petit", le jeune homme n'avait pas la volonté d'être sur le terrain mais était attiré par l'aspect direction : "J'aimerais avoir ma propre entreprise", confie-t-il. Pour ceux qui n'ont pas la fibre BTP dès leur plus jeune âge, de nombreux événements et animations sont mis en place par les organismes du secteur pour se faire connaître et montrer ce qu'est le bâtiment d'aujourd'hui.

Des visites de chantier

L'école d'ingénieurs propose des portes ouvertes dont la prochaine a lieu samedi 5 mars et en parallèle un événement : les journées de l'innovation. "Le grand public peut venir voir les innovations que nous développons dans le secteur, comme les pavés drainant ou les bordures de trottoir écoresponsables", explique le directeur délégué de l'établissement. Un aspect écologique mis en avant pour attirer un public de plus en plus concerné par l'environnement. Le CFA bâtiment de Caen opte, quant à lui, en plus des traditionnelles portes ouvertes qui se déroulent d'ailleurs le samedi 12 mars, pour des mini-stages : "Les lycéens peuvent passer un jour par semaine en janvier et février au CFA en étant accompagnés par les apprentis pour découvrir le métier qui leur plairait et participer à un atelier", indique Laurent Charpentier, directeur du CFA Bâtiment. Les plus jeunes, loin des choix d'avenir, ont pu visiter un chantier afin d'être sensibilisés au secteur. Ainsi, près de 200 collégiens de Caen et son agglomération ont visité le chantier de la prochaine Maison du bâtiment qui accueillera, entre autres, la Fédération du bâtiment du Calvados, organisatrice du projet. "Il y avait trois temps dans la visite : la découverte d'une maquette numérique, une visite de chantier et un temps d'échanges avec les apprentis présents", précise Vincent Boissel, secrétaire général de la Fédération. Lors de ces visites, la technologie est nettement exposée pour "attirer les jeunes". "Désormais, les compagnons ont un smartphone, une tablette et lisent des plans en 3D, c'est fini le temps de la carte en papier", ajoute Marc Rollet, président de la Fédération. "Nombreux sont ceux qui utilisent des drones aujourd'hui." De quoi séduire les plus jeunes.

L'apprentissage, une voie qui séduit

Caen. L'apprentissage, une voie qui séduit
Des jeunes apprentis du CFA Bâtiment dans l'atelier peinture.

Dans le bâtiment, l'apprentissage est une voie privilégiée par les jeunes, mais aussi par les entreprises.

Etudier tout en travaillant séduit de plus en plus d'étudiants et d'entreprises. "Le bâtiment a toujours été une grande filière dans l'apprentissage", tient à préciser Laurent Charpentier, directeur du CFA Bâtiment qui ne propose que des formations en apprentissage pour les moins de 30 ans. Les jeunes sont friands de pouvoir mettre un pied dans le monde du travail, même si la recherche peut s'avérer compliquée pour les candidats, à l'instar de Solène Fauvel : "J'ai eu beaucoup de mal à trouver car je suis une fille dans un monde d'hommes", confie-t-elle. Désormais, Solène, en Brevet Professionnel peinture, passe deux semaines en entreprises et une semaine en CFA. Un fonctionnement qui convient très bien à cette jeune femme qui n'a "jamais aimé rester assise sur une chaise". Pour Laurent Charpentier, "la plupart des entreprises jouent quand même le jeu. Il y a toujours un petit noyau qui cherche à bas coûts en prenant des intérimaires, mais je pense qu'elles préfèrent des apprentis qui sont des jeunes qualifiés".

Former à leur manière

Mohamed Boutouil, directeur à l'ESITC, l'École d'ingénieurs des travaux de la construction de Caen, voit également les avantages : "Les entreprises sont friandes de cela car ça permet de former un ingénieur à ses propres méthodes." L'ESITC propose un parcours en apprentissage de Bac+3 à Bac+5. Il y a une centaine d'apprentis, ce qui représente 20 %.

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