"À Caen, maison de plain-pied de 56 m2 comprenant jardin (...). Une dépendance pouvant être aménagée. Prix : 241 700 €". Ce type de bien est de plus en plus rare à trouver dans les annonces immobilières sur internet ou dans le journal. Pourquoi ? D'une, parce que certaines agences immobilières ont déjà vendu le bien avant de publier l'annonce grâce à un portefeuille étoffé de clients. "C'est ce qu'on appelle la vente en 'off-market'", précise Aurélien André, conseiller en immobilier dans l'agence Agent Cie. D'autre part, parce que le volume de maisons en vente à Caen intramuros a littéralement chuté depuis une dizaine d'années. "On avait toujours une vingtaine d'appartements et une dizaine de maisons en vente. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas, explique Olivier Faure, négociateur d'un office caennais. Avec le confinement et le prix de l'essence qui augmente, les gens veulent rester proches du centre-ville, Il y a beaucoup plus d'acquéreurs que de biens". Cette fameuse loi de l'offre et la demande. C'est pourquoi, le prix exorbitant de cette petite maison de ville à rénover n'est plus une exception.
Une petite maison avec un extérieur :
la perle rare ?
Selon nos informations, elle vaudrait en réalité 30 000 € de moins. "Une maison de 50 m2 avec un petit jardin valait 120 000 € il y a quinze ans. Maintenant, elle en vaut le double pour le même produit avec quelques travaux de mise au goût du jour" explique Aymeric Cours-Mach, notaire de la chambre des notaires de la cour d'appel de Caen. Comme pour la location ou la vente d'appartement, le marché caennais s'emballe. Et la venue des Parisiens (lire ci-dessous) au pouvoir d'achat supérieur n'arrange rien. "Parfois, sur le papier ça parait cher mais si ces biens partent à ce prix-là, c'est que la vraie valeur du bien correspond au prix auquel il est vendu" ajoute dans un sourire Olivier Faure, bien conscient que certains biens sont surestimés.
Alors est-ce le bon moment pour vendre, tout simplement ? Pas forcément. Certes, le vendeur devrait pouvoir faire une plus-value à la vente mais il doit aussi penser à l'après. "Vendre à un bon prix c'est bien mais il faut aussi acheter très cher derrière" poursuit Olivier Faure. Mieux vaux être matheux que littéraire. Selon les chiffres de novembre 2021 de la chambre des notaires de la cour d'appel de Caen, le prix médian d'une maison ancienne à Caen et dans l'agglomération est de 240 000 €. Il est donc très complexe pour les primo-accédants de se positionner sur un bien surtout lorsque la concurrence est rude. Le petit bien est très recherché à Caen. Avoir un extérieur fait partie des critères principaux lors de l'achat. "Dès qu'il y a un petit bout de terrain avec une possibilité d'extension, la durée de vie de l'annonce n'est pas longue et ça touche tout type de profil, une famille ou un jeune couple" poursuit Aurélien André, agent immobilier. Il faut s'accrocher pour trouver une maison avec trois chambres pour un budget entre 200 et 300 000 € en zone urbaine. Si bien que certains acheteurs sont prêts à faire l'impasse sur certains critères.
"Il y a pénurie. Une maison à un prix raisonnable est vendue en une journée"
Le marché de l'immobilier à Caen est tendu, y compris sur les maisons de centre-ville. Aymeric Cours-Mach, notaire à la chambre de la cour d'appel de Caen, fait le point.
Aymeric Cours-Mach, notaire à la chambre des notaires de la cour d'appel de Caen.
Comment qualifiez-vous le marché des maisons en vente à Caen ?
"Il y a une pénurie. À Caen Métropole, 269 maisons ont été vendues de novembre 2021 à janvier 2022. Je pense qu'aujourd'hui, il y en a une dizaine disponible à la vente dans Caen intramuros. Les maisons qui ne trouvent pas preneurs sont soit trop chères, soit elles présentent un défaut."
La crise a-t-elle modifié les achats
immobiliers ?
"Il y avait déjà un attrait pour la maison en ville, mais ça s'est amplifié depuis deux ans. Dès qu'une maison sort à un prix raisonnable, elle est vendue en une journée. Il faut très souvent être le premier et faire une offre au prix."
Vous voulez dire qu'il n'y a plus de
négociation à l'achat…
"Oui, c'est quasiment impossible pour l'acquéreur de négocier. Il y a même des gens qui ont essayé d'acheter plus cher que le prix de départ, c'est du jamais vu ! Évidemment, c'est interdit car le vendeur ne peut pas augmenter le prix une fois fixé."
Quel type de maison est-il le plus
recherché ?
"Les petites surfaces, d'environ 70 m2 avec un espace extérieur et un budget mesuré de 250 000 €. Le prix de ce type de bien a doublé en quinze ans. Le deuxième marché concerne des maisons familiales de 150-180 m2 pour 700 000 €."
Recherche désespérément maison en ville
Le constat est sans appel. Acheter une maison en centre-ville de Caen relève d'un véritable parcours du combattant. Témoignages de futurs acquéreurs.
Caen ne fait pas exception à la règle. Il est très complexe de trouver une maison à vendre en ville, hormis pour les plus téméraires ou les plus chanceux. "Il n'est pas rare que des clients revoient leur budget à la hausse avec leur banquier ou à l'inverse, qu'ils fassent l'impasse sur certains critères dans leurs recherches" indique Aurélien André, conseiller en immobilier dans l'agence Agent.cie. L'un de ses clients, père de famille, est en recherche depuis deux ans. Il a augmenté son budget de 100 000 € pour se donner plus de chance de trouver un bien. Selon des chiffres de la chambre des notaires de la cour d'appel de Caen, le pouvoir d'achat immobilier sur des maisons anciennes a augmenté de 14,6 % dans le Calvados entre 2011 et 2021. "Ce client est à deux doigts de s'écarter de Caen. Au départ, cette option n'était pas dans ses plans par rapport à son travail". Mais pour trouver une maison de plus de 100 m2 pour une enveloppe de 350 000 €, c'est quasiment mission impossible à Caen, en février 2022. Primo-accédant, la tâche s'est avérée aussi complexe pour Jordan Allais. En couple et sans enfants, il cherchait une maison de petite taille à Caen "mais il n'y en avait pas ou alors c'était hors de prix" regrette-t-il. Alors, ce Caennais de 28 ans s'est orienté vers les appartements. Après dix-huit visites, sans succès, il a abandonné Caen pour la périphérie. "On a acheté une maison à 145 000 € à Esquay-notre-Dame (à 13 km au Sud-Ouest de Caen, ndlr) avec ma copine, c'était l'occasion".
Devenir propriétaire en ville :
le véritable casse-tête
Pour d'autres, pas question de changer de projet. Dominique Delain et sa compagne voulaient à tout prix s'installer à Caen "pour la proximité. Les enfants ont toujours vécu en ville". Après deux ans et demi en tant que propriétaire d'une demeure dans le quartier de la Pierre Heuzé, il a trouvé la maison idéale à Venoix, Avenue Henry Chéron. "On a mis six mois pour la trouver après une quinzaine de visites, raconte le père de famille âgé de 54 ans. Ma compagne était très active. Elle regardait les annonces plusieurs fois par jour". Moins grande que la précédente mais plus atypique, le couple s'est offert une vieille maison de 100 m2 pour 365 000 €. "On a eu le coup de cœur. Il n'y a pas de travaux à faire hormis de la décoration et de la peinture. On a pris le risque de vendre avant d'acheter". La famille aura les clés fin mars 2022. Elle est, pour l'heure, en transition dans un appartement caennais. De son côté, Chloé Rossignol 32 ans, vit avec son compagnon et petit garçon dans un appartement de 80 m2 près du port. Elle cherche à acheter une maison à Caen depuis un an et demi. "Je pensais trouver plus vite, j'ai été surprise", raconte-t-elle après une dizaine de visites. Habiter en centre-ville n'est pas négociable, tout comme avoir un garage et un petit jardin. "On aime tout faire à pied ou à vélo. On veut garder ce mode de vie citadin". Elle et son compagnon cherchent une maison entre 160 et 180 m2. "On attendra le temps qu'il faut. Aujourd'hui, le problème n'est pas financier, c'est une question d'offres". Patience, patience...
Les maisons et villas d'exception :des Caennais hors-jeu ?
Les biens de luxe sont eux aussi de plus en plus rares à trouver. Les Parisiens se sont véritablement installés à Caen, avec un budget supérieur aux locaux. Explication.
Depuis le début de la crise sanitaire, la demande est significativement supérieure à l'offre sur le marché de l'immobilier. Les biens de luxe n'y échappent pas. Il est difficile de trouver une maison d'exception dans le centre de Caen. Des quartiers sont très prisés comme la place du Canada, le quartier Saint-Sauveur, les fossés Saint-Julien ou encore le bas de la rue de Bayeux.
Des demeures à plus d'un million d'euros
"On compte environ 60 % de demandes supplémentaires sur les dix dernières années, évoque François Jacquelin, directeur associé chez Barnes International, agence spécialisée dans les biens d'exception. Je n'ai jamais vu ça". Le profil des acheteurs a véritablement changé. "Avant, on avait surtout des personnes en fin de carrière. Maintenant, ce n'est plus rare d'avoir de jeunes couples". L'arrivée des Parisiens n'est pas une illusion. "Il ne s'agit plus de maisons de vacances mais des acheteurs qui cherchent leur maison principale, poursuit-il. Souvent, ils travaillent sur Paris et sont prêts à faire plusieurs allers-retours par semaine" pour un confort de vie supplémentaire, proche des commerces et à l'abri des regards. Leur budget est conséquent. "Ils sont prêts à investir plus d'un million d'euros pour un bien qui leur coûterait le double dans la capitale", soit un budget en général bien supérieur aux Caennais. La plus grosse vente sur l'année 2021 a dépassé les deux millions d'euros.
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