"On pardonne, on le laisse revenir, mais la violence, elle, reste." Quand elle regarde derrière elle, Marie* se demande encore comment elle a pu sortir des griffes de son ex-mari, son "bourreau". Chantage, insultes, coups de poing, humiliations et violences sexuelles ont marqué au fer rouge quinze années de sa vie.
Une descente aux enfers
"Ça commence par de simples crises de jalousie. Puis viennent les gifles. Et ensuite les coups." Marie et son ex-conjoint se rencontrent au début des années 2000. Lui a 17 ans, elle 20. Au départ, tout se passe bien. "Nous sommes un couple comme tout le monde", se souvient la mère de quatre enfants, aujourd'hui âgée de 38 ans. En 2004, elle tombe enceinte et ils emménagent dans un appartement à Évreux. "Une fois derrière les murs, la décadence commence." Son mari, se montre de plus en plus possessif et agressif. Un comportement en lien avec son enfance difficile, suppose Marie. Il utilise la carte bancaire de sa conjointe sans son accord, surveille ses fréquentations, l'insulte lorsqu'il est contrarié. Il enclenche son processus d'emprise dicté par la peur. "Je ne pouvais plus rien dire." En 2009, Marie est enceinte de son quatrième enfant. Un soir, elle doit aller en urgence à l'hôpital. Son conjoint ne l'accompagne pas. "Il préférait être sur ses jeux vidéo", se souvient-elle. Cette nuit-là, elle apprend qu'elle a fait une fausse couche. Elle rentre en larmes et chasse son compagnon du domicile familial. Mais les jours suivants, il présente ses excuses. "Par crainte de priver ses enfants d'un père", Marie les accepte. Le calvaire reprend. La jeune femme a porté plainte à plusieurs reprises. Devant les gendarmes, elle laisse entendre les violences conjugales qu'elle subit au quotidien. Le soir, il la force à assouvir ses désirs. Sous peine de coups. "Ça n'a pas été pris au sérieux, estime-t-elle. Je devais me débrouiller seule." Une solitude qu'elle ressent d'autant plus quand un membre de sa famille lui demande si elle n'a pas honte de porter plainte. Marie a songé au suicide avant d'abandonner l'idée, pour ses enfants, "pour les protéger".
"Je vais te buter"
En 2016, la famille s'installe à Tourouvre. Les six dernières années, les violences physiques se sont faites plus rares, mais les violences psychologiques ont continué. "Tu t'es vue ? Personne ne veut de toi. Je vais prendre un couteau et te buter." En plus des insultes, il casse les objets du foyer. "Au moins, ce n'était pas moi qu'il frappait", se rassurait Marie. Quand son bourreau demande sa main devant une foule d'amis, elle accepte. Avec du recul, la mère revoit cette scène comme un "piège". Mais il est trop tard, la machine est lancée. Ils se marient cinq mois après. Malgré cette emprise, en décembre 2019, elle entre en contact avec Ysos. Basée à L'Aigle, l'association vient en aide aux femmes victimes de violences conjugales. En février 2020, un mois avant le début du premier confinement dû à la crise sanitaire, un hébergement d'urgence est mis à disposition de Marie et ses enfants. "Si nous n'étions pas partis, il y aurait sûrement eu un drame."
*Prénom modifié
Opération exfiltration
Après quinze ans de violences conjugales, Marie*, mère de famille à Tourouvre, est sortie de l'emprise de son ex-mari le 12 février 2020.
Partir à tout prix
12 février 2020, 9 heures. Marie et ses quatre enfants prennent la voiture et s'enfuient, direction Alençon. Un logement d'urgence fourni par l'association Ysos les attend. Ils n'ont pas fermé l'œil de la nuit. La petite famille a attendu que le père s'endorme pour s'échapper. Addict aux jeux vidéo, il a plongé dans le sommeil à l'aube, face à son ordinateur.
Quitte ou double
La semaine avant le départ est "stressante". Dans l'attente d'un logement d'urgence, la mère de famille vide les placards de ses enfants pour emporter leurs affaires chez un ami. Handicapé depuis un accident de moto en 2018, son ex-mari n'a plus accès à l'étage de la maison. Cette invalidité permet à Marie et ses enfants de dissimuler plus facilement leur fuite. Ils y parviennent.
Sortir des griffes
Le jour de leur départ, la mère de famille ne reçoit aucun appel de son mari avant 23 heures. Au téléphone, il affirme sa déception. Il ne la pensait pas capable de laisser un handicapé seul, il prétend qu'il va se suicider si elle part. Un énième chantage affectif. Pour la première fois, Marie ne cède pas. Le 13 février, elle porte plainte. "J'ai eu du mal à accepter ma situation", confie-t-elle. Jeudi 6 janvier 2022, deux ans après, son bourreau a été condamné à 30 mois de prison ferme par le tribunal judiciaire d'Alençon.
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