Il attend son tour, son sac à dos à ses pieds, regarde droit devant. Devant, c'est la présidente du tribunal, Sophie Vernet, entourée de ses assesseurs. Dans quelques minutes, elle lui demandera de venir à la barre.
Avant lui, Aurelie raconte sa vie conjugale compliquée. Elle se dispute avec son ex-mari, Mickaël, la garde de leur petite fille Candice. C'est une vie cabossée et au milieu la douleur d'un enfant écartelé entre ses deux parents.
Il y a aussi Teddy, un forain de Falaise, accusé de recel. On lui reproche d'avoir utilisé un compresseur volé pour faire tourner son manège. "Un vieux clou." Au fond de la salle, sa femme, le teint mat, écoute. Le couple dit vivre "dans la misère" à l'intérieur de leur caravane. Ce sont leurs enfants qui leur "donnent la pièce".
Après, c'est le tour d'Alison, auxiliaire de vie, la chevelure toute frisée, accusée d'un vol chez un couple de personnes âgées où elle intervenait pour faire le ménage. Le couple prétend qu'elle a dérobé un iPod mais aussi des bijoux, notamment "la montre que portait mon petit-fils", dit, des sanglots dans la voix la vieille dame, que la présidente, prévenante, fait asseoir. "C'est une histoire qui me touche parce que cette montre, c'était celle de mon petit-fils décédé."
Alison dit qu'elle n'a rien fait, qu'elle n'a rien volé. Elle est pourtant condamnée à deux mois de prison avec sursis. Le tribunal lui interdit aussi de faire ce métier d'aide-ménagère pendant au moins deux ans. Alison ne le fait déjà plus, elle est serveuse dans un bar du bord de mer.
"Je n'ai pas été très malin sur ce coup-là"
Ce jour-là, chacun des prévenus est venu accompagné d'un avocat, pas lui. Yann Olivier est tout seul. "Pas besoin de quelqu'un pour raconter mes conneries." Quand vient ainsi son tour de comparaître, il déroule d'une voix neutre ce qui l'a conduit jusqu'ici. En mars dernier, dans son quartier du Chemin Vert à Caen, Yann a acheté à un revendeur croisé à la sortie du petit centre commercial trois carnets de 20 vrais-faux tickets-restaurants, en réalité des copies, le tout pour une valeur d'un peu plus de 600 €. Il les a eus à moitié prix et s'en est servi pour aller emplir son sac à dos de bouteilles de whisky.
La supercherie a été dévoilée, il est poursuivi pour usage de faux. Le Procureur de la République demande une peine d'emprisonnement avec sursis, cinq à six mois.
Comment Yann a-t-il pu en arriver là ? Il plaide sa bonne foi, dit qu'il ne soupçonnait pas que les tickets-restaurants acquis à bas prix soient des faux. "Je ne savais même pas que cela pouvait exister ces trucs-là. C'est vrai, je n'ai pas été très malin sur ce coup-là. Je voulais seulement faire des économies. En fait, depuis, j'ai appris depuis que ce genre de trafic était courant. Il se vend toutes sortes de trucs dans les quartiers autour des centres commerciaux. Il suffit de demander : du tabac, de l'alcool, de l'herbe…"
À la sortie de la salle d'audience, on le retrouve sur un banc, il se confie sur ce qu'a été sa vie jusqu'à maintenant. Plus jeune, Yann fut animateur de quartiers pour la Ville de Caen, directeur aussi de centre de vacances avant de devenir chauffeur-routier. Il a aussi travaillé en usine, chez PSA et RVI. Aujourd'hui, Yann a trouvé un boulot de cuisinier dans une maison de retraite, pas très loin de chez lui, pour 1 300 € par mois. Célibataire et sans enfant - " j'aurais bien aimé en avoir mais je n'ai jamais pu" - il est issu d'une fratrie de quatre, trois garçons et une fille.
L'un de ses frères est décédé il y a deux ans, il avait la cinquantaine, "a plongé dans l'alcool", dit Yann. Son père a fait toute sa carrière chez RVI et sa maman Simone est décédée jeune, victime d'un cancer généralisé. "J'avais seize ans, je me suis occupé de la famille."
Le tribunal a rendu son jugement : Yann a été condamné à payer une amende de 450 €. Ses tickets-restaurants lui auront coûté plus cher que prévu.
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