Il y a dans son petit appartement un joli sapin de Noël, une guirlande qui court et clignote le long des murs et puis, sur une minuscule étagère, quelques photos. Elles comptent beaucoup.
Côte à côte, l'image du pape François, un cliché d'une de ses amies aujourd'hui décédée et une carte postale de Sainte Thérèse de Lisieux. Tout à côté, une petite croix et la Bible. "Je la lis chaque jour." Il a aussi glissé dans un classeur bleu les petits mots envoyés par des enfants du collège Sainte-Marie, tout proche. Tous lui disent merci "du fond du cœur".
Lionel Droniou, 64 ans, dit " Yoyo", né un 1er avril dans un village de Seine Maritime, mis à la porte de la maison familiale par sa mère et son beau-père et élevé par sa grand-mère, est venu leur raconter son parcours de vie. Et sa vie à lui fut sacrément cabossée : il l'a passée dans la rue pendant un paquet d'années, entre Rouen et Le Havre "J'étais un vrai clochard, un pouilleux, un crasseux, avec mes cheveux longs et une barbe qui me tombait jusqu'aux genoux. je passais mon temps à faire la manche et à picoler."
La crèche de la rue Joyeuse, la bien nommée
Il se souvient qu'une nuit de 2005, sous le porche du lycée de la Miséricorde, à Rouen, où il avait pris l'habitude de dormir aux côtés de son copain Pascal, un autre SDF, il s'est réveillé en sursaut, les mains toutes tremblantes, il s'est assis sur sa couverture et a attendu que le jour se lève. Au petit matin, il a vu des gens passer sur le trottoir d'en face. "C'est là, dit Lionel, que tout a changé. Je me suis dit : 'et moi, pourquoi je ne ferai pas comme eux ?'". C'est-à-dire ? "Redevenir quelqu'un de normal, aller boire un petit café au bistrot du coin, aller chercher son pain à la boulangerie... C'est à ce moment-là que j'ai décidé de venir au foyer." Arlette, de l'association "Le Lien", qui vient en aide aux gens de la rue, l'a aidé à en trouver le chemin. "Aujourd'hui, vous pouvez lui parler de Yoyo : elle est fière de moi."
Quinze ans plus tard, le foyer de l'URAS à Rouen, qu'anime l'association d'action sociale Emergence-s, est devenu sa seconde maison. Il y loge dans une annexe, s'est reconstruit pas à pas, sans plus jamais d'alcool, aidé par les animateurs du lieu dont Hafid, son confident et encadrant. "Sans lui, sans eux, je n'aurais pas réussi."
Désormais, Lionel ne fête plus Noël dans la rue mais auprès de ses "potes" résidents du foyer de la rue Joyeuse, la bien nommée. C'est là qu'il a réalisé une crèche de Noël, installée dans la petite chapelle de l'Entraide Sainte Marie. Elle est faite de plein de petits personnages et de jolies maisons posées sur de la sciure de bois, ouverte à la visite chaque week-end et chaque mercredi. Cette crèche, c'est son cadeau de Noël pour les autres.
"La dégringolade, ça peut aller très vite"
Sa foi a beaucoup compté dans son parcours. "J'ai été enfant de chœur jusqu'à l'âge de 16 ans. La nuit où je me suis réveillé les mains tremblantes, je l'ai pris comme un signe du Seigneur."
Un signe pour dire qu'on peut remonter la pente. " J'en ai bavé et c'est pour cela que je peux aujourd'hui en parler aux jeunes qui pourraient parfois se laisser aller. Je leur dis de faire attention. La dégringolade peut aller très vite mais la remontée est beaucoup plus difficile." Avant, Lionel n'arrivait pas à commencer une journée sans avoir avalé au moins une bouteille entière de vin, "que du rosé". Et ce rosé fut son faux frère pendant des années. " J'en étais arrivé à plusieurs cuites par jour, des litres et des litres. Pour me lever le matin, j'avais besoin de ma dose !" Dans sa nouvelle vie, il a parfois des coups de moins bien, un peu de vague à l'âme. Les souvenirs d'autrefois trottent dans sa tête. Il se revoit enfant auprès de sa grand-mère qu'il aimait tant et de sa petite sœur Sandrine aujourd'hui disparue. "Toutes deux me manquent. Mais je ne peux pas refaire l'histoire."
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