[Enquête] Rouen. Le Rungis rouennais se prépare pour les fêtes

Les huîtres, les coquilles Saint-Jacques, le saumon fumé, mais aussi le homard, l'ensemble des crustacés, les crevettes et les poissons nobles… Autant de produits qui sont très demandés pour les fêtes de fin d'année. Sur le MIN, Rouen marée les propose à ses clients poissonniers ou restaurateurs. Ils sont issus de la pêche normande et de l'import d'Écosse, d'Islande ou de Norvège pour le saumon par exemple. "On réalise environ 15 % de notre chiffre d'affaires de l'année sur les deux semaines de fête", explique Pierre Gouix, responsable achat vente de la société. Depuis la fin novembre, la société planifie la période. "On a déjà commencé à programmer nos cuissons de crevettes avec tous nos partenaires cuiseurs, partout en France, détaille le professionnel. Pour les volumes, on se base sur nos discussions avec les clients et les volumes de l'année dernière."

Des incertitudes liées à la pêche
et au Brexit

Pour certains produits, le Saint-Pierre, le bar de ligne ou les pièces de turbo, l'entreprise reste dépendante de la pêche. "Même si on a des précommandes, on ne peut pas les garantir. Notre activité dépend beaucoup de la pêche sauvage." Pour la coquille Saint-Jacques, moins d'inquiétude car le gisement est très bien sourcé en Normandie. À moins d'une énorme tempête sur plusieurs jours avant les fêtes, les pêcheurs pourront sortir et en rapporter en quantités suffisantes. Sur certains produits, les prix seront en revanche plus élevés, notamment à cause du Brexit. Certains bateaux ne peuvent toujours pas pêcher dans les eaux britanniques de Jersey, pourtant riches en homards. Le saumon écossais est aussi plus cher avec les droits de douane. Le professionnel évoque également des difficultés sur le bulot, avec là aussi, une grosse pêcherie sur Jersey au casier et un réchauffement de l'eau cette année qui pousse le coquillage à s'enfouir dans le sable. "Il y a des criées avec 6 ou 7 tonnes de bulots en ce moment, contre 15 ou 20 tonnes habituellement."

Bref, le manque de marchandises va tirer les prix vers le haut.

"Le gros souci des fêtes,
c'est d'avoir la marchandise"

À l'autre bout de la chaîne, Paul Villard, qui possède deux poissonneries à Rouen et au Mesnil-Esnard, est bien conscient de ces difficultés. "Le gros souci des fêtes, c'est d'avoir la marchandise", indique-t-il, lui qui achète environ 30 % de ses produits sur le MIN. Le reste vient directement des criées, de l'import ou même de Rungis. Chez lui, les commandes commencent à arriver au compte-gouttes. Les dernières seront passées le jour du réveillon. 40 % des clients des fêtes passeront aussi dans ses boutiques sans avoir commandé. "On réalise 20 % de notre chiffre d'affaires de l'année en décembre, c'est la folie", explique-t-il. Ce qu'il vend le plus ? Les plateaux de fruit de mer tout prêts, parce que "les gens cuisinent moins". Il en passe environ 800 entre Noël et le Nouvel An, à tel point qu'il doit appeler des renforts. Une vingtaine de personnes travaillent en extra à la préparation des plateaux, contre sept salariés sur les deux poissonneries en période normale.

Pouvez-vous présenter le MIN
en quelques chiffres ?

Le MIN est un marché de gros alimentaire, une plateforme logistique à l'image de Rungis à Paris, qui fait une surface de 20 hectares, dans laquelle travaillent une cinquantaine d'entreprises et 1 000 salariés. Le chiffre d'affaires généré est de 300 millions d'euros par an. Le MIN de Rouen couvre l'ancienne région Haute-Normandie. On a aussi des clients qui viennent d'Amiens, Caen et de l'ouest de la région parisienne. Potentiellement, deux millions de consommateurs achètent des produits qui viennent du MIN.

Comment évolue l'activité du MIN ?

Cela fait partie des activités qui répondent aux besoins fondamentaux, pour s'alimenter. L'évolution est toujours croissante, comme la population, et n'enregistre pas de grands à-coups. Même avec la crise sanitaire, on a surtout eu du report d'activités.

À quoi ressemble le MIN
pendant les fêtes ?

C'est un moment qui est très intense, mais très court. On peut s'imaginer que c'est un gros pic d'activité, mais pas tout à fait, hormis pour les produits de la mer. Le travail du grossiste, c'est de s'assurer d'avoir les bons produits au bon moment. C'est son métier toute l'année, mais encore plus sur la période de Noël, parce qu'il doit répondre aux besoins des commerçants. On n'imagine pas qu'un particulier ne trouve pas les produits qu'il veut trois jours avant Noël. Cette attente est remontée au commerçant, qui la remonte au grossiste, qui le remonte aux fournisseurs.

C'est aussi un incontournable des fêtes, à côté de tous les produits de bouche. Les plantes et les fleurs se vendent très bien au mois de décembre, comme l'assure Philippe Poels, responsable de la société Agora sur le MIN de Rouen. "Il y a la Saint-Valentin, la fête des mères, le 1^er mai, la Toussaint et le mois de décembre", indique-t-il, estimant son chiffre d'affaires de décembre à au moins 20 % de plus que celui d'un mois classique de l'année.

Une bonne année
pour les sapins

Et pour cause, cela commence même dès la fin du mois de novembre, avec la vente des sapins de Noël.

"Cela a été une très bonne année", estime le professionnel qui n'est pas encore en mesure de fournir des chiffres pour cette année. "La tendance, c'est vraiment que les gens mettent leur sapin de plus en plus tôt, donc c'est parfois compliqué d'avoir la marchandise."

Les fleurs et les plantes s'écoulent ensuite beaucoup pour les vitrines, les décorations de table ou tout simplement les cadeaux, lorsque l'on est invité. "On passe sur la rose de Noël, l'hellébore, le poinsettia et les plantes basiques pour les compositions." Des commandes, qu'il faut évidemment anticiper pour que les rayons des fleuristes, jusqu'à 150 km autour de Rouen, soient bien garnis. "Dès le mois d'août, on commence à réserver la marchandise", détaille le grossiste.