Fruit de la collaboration de Marion Siéfart et d'Helena de Laurens, ce spectacle créé en 2020 ayant pour sujet le harcèlement interroge la façon dont on se met en scène sur les réseaux sociaux et pointe le doigt sur ce nouvel outil d'expression.
Deux niveaux de lecture
Jeanne Dark, c'est le pseudo que se choisit sur Instagram le personnage de la pièce de Marion Siéfart. Dans cette fiction, une jeune fille de 16 ans, moquée par ses camarades de lycée, confie son mal-être face caméra dans un live posté sur Insta. Le public du théâtre assiste à la captation en live par l'actrice et la pièce, qui peut être suivie simultanément sur le réseau social, offre un double niveau de lecture. Le spectacle est à la fois dans la salle et sur le web : deux espaces d'expression qui viennent se confronter l'un à l'autre. "Un vrai compte Insta a été créé pour ce spectacle au nom de Jeanne Dark, explique Marion. Les dates de représentations sont annoncées, ce qui permet aux followers d'envoyer leurs messages au personnage de fiction pendant le spectacle." En salle de spectacle, deux écrans monumentaux placés sur la scène affichent les commentaires en temps réel. L'actrice Helena de Laurens réagit pendant le spectacle aux remarques des internautes au fil de son récit, ce qui fait de chaque représentation une exception.
Libérer le monstre
Cette jeune fille parle à ses followers, commence un live pour vider son sac mais, au fil du récit, elle est prise dans son jeu et joue véritablement du théâtre sur Insta, en incarnant tour à tour les membres de son entourage : ses parents ou ses camarades de classe. La jeune femme, visiblement fragile, passe d'une émotion à l'autre, de l'abattement à la colère, de l'excitation à la peine, le spectateur ressent de l'empathie pour elle. Mais la pression monte crescendo et ce personnage devient de plus en plus monstrueux au fil du récit, le visage déformé par le grand-angle de la caméra. De même, l'espace clos d'une chambre, qui s'apparente davantage à un studio photo car saturé de lumière, devient de plus en plus oppressant.
Réflexion et image de soi
Au-delà de l'incroyable potentialité du médium, Marion Siéfart cherche aussi à interroger les consciences. Ce n'est pas la première fois que la metteuse en scène utilise les réseaux sociaux : dans un précédent spectacle, elle dressait par exemple un portrait de son public via leur profil Facebook. "Je souhaitais qu'ils prennent conscience du caractère collectif de leur récit, on ne s'attend pas à être représenté sur scène de cette façon et cela crée beaucoup d'émotions, mais c'est aussi une façon de questionner sur ce qu'on choisit de laisser de soi sur Internet." Jeanne Dark présente aussi ce médium comme un exutoire, un espace de liberté et souligne les points communs entre l'artificialité du médium et la mise en scène théâtrale.
Pratique. Du 8 au 10 décembre à 20 heures, espace Marc Sangnier à Mont-Saint-Aignan. 5 à 15 €. cdn-normandierouen.fr
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