Le corps des magistrats prend rarement la parole en public. Mais le suicide, en août dernier, d'une juge de 29 ans placée dans le Nord a été le drame de trop. Malgré leur devoir de réserve, les juges et greffiers ont pris la parole. Plus de 3 000 d'entre eux ont signé une tribune qui a été publiée mercredi 23 novembre dans le journal Le Monde. Ils évoquent une justice en souffrance et à bout de souffle. Et malheureusement, ce suicide n'est "pas un cas isolé", assurent-ils. Nicolas Houx, président du tribunal de Caen, se confie sur cette question qui lui tient à cœur.
"J'ai vu des collègues
effondrés, en larmes"
Arrivé à Caen au mois de septembre, le nouveau président partage le constat de cette tribune, même s'il ne l'a pas signée : "La souffrance au travail existe. J'ai vu des collègues effondrés, en larmes. Quand on n'arrive pas à gérer tous nos dossiers, on peut vite perdre pied." Après 18 ans de service, Nicolas Houx décrit une dégradation lente des conditions de travail des magistrats avec le sentiment d'être constamment débordés. "Depuis 2003, les effectifs ont légèrement augmenté. Mais au fil des différentes réformes, notre champ de compétence a augmenté sans que les moyens humains n'aient été engagés, précise-t-il. Les magistrats et greffiers sont convaincus de leur mission. Mais quand on l'exerce, on se sacrifie. Ce n'est pas acceptable." En tant que président, il préfère se soumettre au devoir de réserve qui lui est imposé. Mais il soutient néanmoins la démarche des signataires. "J'essaye de mettre d'autres moyens en œuvre pour répondre aux problèmes décrits par cette tribune", explique-t-il.
"On fait ce qu'on peut
pour aider l'autre"
Pour Nicolas Houx, il faut "faire justice au sein de notre organisation au-delà de celle qu'on rend". Face à cette souffrance, il œuvre, surtout lors de sa présidence à Arras, à mettre en place des projets. "Nous nous sommes basés sur la question du bien-être au travail. Il était par exemple question de travailler ensemble pour trouver des moyens pour respecter le référentiel de notre temps plein et éviter de trop le dépasser." Dans le milieu de la justice, Nicolas Houx décrit en général "une entraide spontanée" entre les collègues : "On fait ce qu'on peut pour aider l'autre tout en essayant de gérer notre charge de travail." Mais il constate aussi un phénomène nouveau : "Quand on entre dans la magistrature, c'est un véritable projet de vie. Mais de plus en plus de personnes font le choix de démissionner, ce qui n'était pas le cas avant. Il faut qu'on s'interroge sur ce constat."
Son parcours
Originaire de Rouen, Nicolas Houx a d'abord été enseignant-chercheur en droit des obligations à l'université de Rouen. En 2001, il commence sa formation à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM). D'abord auditeur de justice à Dieppe, il devient alors juge des enfants au TGI de Chartres en 2003, fonction qu'il tiendra pendant sept ans. Il revient ensuite en Normandie où il est vice-président chargé d'instruction à Evreux. Il a ensuite été entre 2013 et 2017 président du tribunal de Cherbourg puis d'Arras entre 2017 et 2021.
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