La bûche glacée est de saison ! Dans la boutique de Gérard Taurin, les pots de glace sont alignés dans une vitrine réfrigérée : vanille, caramel au beurre salé… mais aussi pissenlit, cacahuète ou fleur de cactus. Aux murs, des diplômes : Lenôtre, le Mérite agricole, l'Académie culinaire de France, Meilleur Ouvrier de France et celui de la Coupe du monde de la gelatéria. Au fond, une vitre laisse découvrir le labo.
Ornais pure souche
Gérard Taurin, 58 ans, né à Alençon, est issu d'une famille de fermiers. Enfant, il adorait passer ses vacances chez ses grands-mères, la maternelle à Lonrai, la paternelle à Fyé. "Je suis né dans le lait de vache", dit celui qui, plus tard, en utilisera pour confectionner ses glaces. "J'ai retrouvé cette odeur du lait à 17 ans, chez Lenôtre." À Dangeul, l'adolescent aidait à tailler les haies chez un grand-oncle, André Pichard, le bras droit de Gaston Lenôtre. Le tonton y a présenté le jeune Gérard. "Il a fallu vite faire ses preuves, un mois pour apprendre les rudiments de la pâtisserie. J'y ai obtenu mon CAP de pâtissier mais, comme il fallait faire mon service militaire, je me suis engagé pour faire la guerre du Liban." Une parenthèse durant laquelle Gérard Taurin pratique sa passion pour la photographie, Pentax-6x7 en bandoulière au service des armées. "Une expérience forte, j'ai failli rester dans l'armée, mais on m'a repris chez Lenôtre, une place s'est ouverte en glace et j'ai très vite compris que c'est là que je m'éclaterais."
"Je participe à des concours pour
remettre mon savoir-faire en jeu"
C'est en 2000 que Gérard Taurin devient Meilleur Ouvrier de France (MOF), pour se distinguer dans la masse du personnel de Lenôtre. En 1996, il se prépare la nuit et passe dans le plus grand secret les sélections du MOF, avant de finalement se faire aider, pour la finale, par Marcel Derrien, directeur de l'École Lenôtre. Mais un accident de moto et six mois d'hôpital contrarient le résultat. Quatre ans plus tard, Gérard Taurin récidive, conseillé par un confrère MOF en pâtisserie. Cette fois-ci, il endosse avec succès le col tricolore des MOF. "Pour le championnat du monde, on doit être le meilleur ce jour-là. Chef de poste chez Lenôtre, j'avais peur d'être mal jugé par la profession si je ne finissais pas premier." Pour une première participation de la France à ce concours, il accompagne des confrères à Turin (Italie). "Avant de partir, j'ai dit à mes enfants : 'Je vais chercher la coupe et je reviens.'" La France a remporté l'épreuve, devant la Belgique et l'Italie.
Installation à Mortagne-au-Perche
Gérard Taurin donnait des cours tous les jours. L'envie d'être moins sollicité, de recul, d'enseigner mais de façon plus libérale. Après 32 ans chez Lenôtre, Gérard Taupin débarque à Mortagne. La planète devient sa salle de classe : Thaïlande, Afrique du Sud, Canada, Uruguay, la Moldavie. Cette vie de globe-trotter n'impose plus d'habiter près de Lenôtre. Gérard Taurin s'installe à Mortagne, où il venait pour la Foire au boudin et les Percherines. Il a pensé que ses enfants seraient mieux ici qu'en Île-de-France. Il repère une vieille bâtisse, la fait restaurer, y installe sa boutique où, en plus du lait de vache, il utilise désormais du lait hypoallergénique de jument produit près de Sées, avec de la verveine ou du caramel fleur de sel. Toujours la recherche de l'innovation. "Sa dégustation est très proche du lait maternel", promet Gérard Taurin.
Champion du monde de la glace
Après 32 ans chez Lenôtre, Gérard Taurin a ouvert boutique à Mortagne-au-Perche.
Gaston Lenôtre
Avec Gaston,
une très longue histoire
"J'ai découvert Gaston Lenôtre petit à petit. Il m'a permis de m'exprimer dans une équipe où c'était très difficile de sortir du lot." Gérard Taurin y est resté 32 ans, d'apprenti à chef de poste, puis professeur, chef de projet (national et international). Il a quitté Lenôtre il y a 14 ans, mais transmet toujours son savoir au travers de la technologie de la glace qu'il enseigne dans ses écoles. "Je suis l'un des derniers qui allait voir Gaston Lenôtre avant son décès en 2009, chez lui, en Sologne."
La leçon de Gaston
Pour créer, il faut
connaître le produit
"Je n'avais jamais eu l'occasion de manger de la truffe jusqu'au jour où j'ai dû préparer une glace à la truffe. On m'en a donné une boîte, j'ai fait avec." Gérard Taurin se souvient qu'après avoir goûté, Gaston Lenôtre l'a attrapé d'une main ferme et lui a dit : "C'est dégueulasse." Il a aussitôt goûté la truffe fraiche puis s'est remis au travail. "Depuis, la première chose que je fais à l'étranger est d'aller dans un marché local, découvrir les saveurs que les gens apprécient."
Des glaces à tout
À Séoul, Montréal ou Pékin,
se mettre en danger
"J'aime faire des propositions, mais ne jamais imposer." Parmi ses réalisations étonnantes, Gérard Taurin cite la glace au bois de chêne, ou celle à l'herbe de bison ! "Il faut faire la différence entre les grandes villes et Mortagne." Dans la commune ornaise, les consommateurs attendent de la nouveauté, mais dans la prudence. "Les ventes sont toujours extraordinaires sur la glace caramel à la fleur de sel, la vanille et la framboise. Ils viennent pour se faire plaisir, trouver de la qualité à pas cher."
Sorba, le grec
Le sorbet vient de Sorba,
boisson rafraichissante en grec
Gérard Taurin explique que les Arabes en ont découvert, fabriqués vers 3 000 avant J-C, à Thessalonique (Grèce). Marco-Polo a ramené en Italie le savoir-faire des Mongols qui savaient glacer le lait de yack et y ajouter des goûts. La glace n'est arrivée en France qu'en 1533, avec Catherine-de-Médicis. Une histoire que Gérard Taurin a sublimée lors de deux voyages où, sans matériel particulier, il a recréé des glaces avec du lait de yack ou de chamelle.
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