"C'est un beau tremplin et une belle aventure. Pour moi, ça a du sens", confie Gwladys Huard, chargée de communication au sein d'Atipic, entreprise à but d'emploi (EPE) dans le cadre de l'expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée. La jeune femme de 28 ans a intégré ce dispositif à Colombelles au début de l'aventure, en avril 2017. "J'ai travaillé dans l'armée. Au moment de l'instauration de la loi, je n'avais pas d'emploi et cherchais à me réorienter. La cellule emploi m'a parlé du dispositif et je me suis investie dans le projet", poursuit-elle.
Des emplois en fonction des appétences
Un peu plus loin dans les locaux de l'association, située rue Jean-Monnet à Colombelles, Didier Berqué répare des vélos dans un petit atelier. "Je n'étais pas du tout dans ce domaine avant. J'étais dans la plomberie", sourit le quinquagénaire. Après une formation proposée par l'entreprise, ce salarié d'Atipic a rejoint l'Atelier vélo en tant que technicien réparateur.
"Cette expérimentation est magique. On part de l'envie des gens et on ne regarde pas les diplômes", se réjouit Gwladys Huard. Un avis partagé par Kadiatou Diallo, mère de trois garçons et originaire de Guinée Conakry. "Je suis réfugiée politique. Je suis arrivée en France en 2010", raconte-t-elle. Avec une expérience d'une dizaine d'années en tant que gérante d'une station Total dans son pays d'origine, la salariée espérait se mettre à son compte en arrivant en France.
"Je suis arrivée au tout début de l'expérimentation et étais inscrite sur la liste d'attente. J'ai été embauchée en mars 2019 en tant que chauffeur pour les personnes d'EHPAD pendant deux mois", poursuit Kadiatou Diallo. En mai 2019, après deux ans d'attente, elle intègre La Boîte à idées, une conciergerie citoyenne développée par Atipic.
Une expérimentation
qui permet de rebondir
"J'ai des tâches variées. Je suis vendeuse polyvalente. Je ne compte pas rester toute ma vie ici, mais ça me permet de rebondir pour la suite. Je peux venir au travail à pied. C'est merveilleux", ajoute-t-elle. De son côté, Edouard Helguera, 49 ans, a retrouvé son premier amour, l'animation d'événements. "Dès l'âge de 16 ans, j'ai travaillé dans des centres de loisirs. J'ai passé mon BAFA et puis ensuite, j'ai quitté le milieu pour l'industrie pharmaceutique", raconte-t-il. Lui aussi est l'un des premiers salariés d'Atipic. "J'étais au chômage au lancement du projet. J'ai participé à l'élaboration. Ma famille est sur Colombelles depuis quatre générations, c'était important pour moi de travailler sur mon territoire", ajoute le quadragénaire. Depuis plus de quatre ans, Edouard Helguera organise des événements à Colombelles. "J'organise des événements musicaux, solidaires, le carnaval…", explique-t-il. Nancy Baffrooy, coordinatrice de pôle au sein d'Atipic, a elle aussi bénéficié de l'expérimentation. "C'est un bon tremplin pour la suite de notre carrière. Mon rêve serait qu'on réussisse à vivre sans aucune aide", conclut-elle.
"La cellule emploi est le point d'entrée"
La cellule emploi a été créée par la mairie de Colombelles, au lancement de l'expérimentation Territoire zéro chômeur longue durée, en 2017.
Qu'est-ce que la cellule emploi ?
C'est le point d'entrée pour les publics souhaitant intégrer l'expérimentation Territoire zéro chômeur longue durée. Deux personnes travaillent dans cette cellule au sein de la mairie. Nous sommes également épaulés par l'Association régionale des directeurs de l'économie sociale et solidaire (ARDES).
Quel est son rôle ?
Nos objectifs sont de soutenir les activités déjà mises en place au sein de l'expérimentation, mais aussi de réfléchir à comment impliquer davantage d'acteurs emplois pour que la privation d'emploi soit un sujet partagé par le plus grand nombre sur le territoire.
Comment intégrer l'expérimentation ?
Toutes les personnes volontaires résidant à Colombelles depuis six mois et pouvant attester d'une inactivité d'au moins un an, inscrites ou non à Pôle emploi, peuvent intégrer l'expérimentation Territoire zéro chômeur longue durée. Elles sont ensuite reçues en entretien par le conseiller en insertion professionnelle pour réaliser un point de situation et décider si elles sont éligibles ou non.
Y a-t-il un accompagnement
après l'embauche ?
Des réunions de projet sont effectuées chaque semaine avec la cellule emploi et le directeur de l'association Atipic. Nous sommes présents en appui, mais une fois que les personnes sont employées, elles sont sous l'autorité d'Atipic.
"Atipic, c'est la réalisation d'une utopie"
L'entreprise Atipic a été créée en 2017, lors du lancement de l'expérimentation Territoire zéro chômeur longue durée.
Éradiquer le chômage longue durée. C'est l'objectif de la Ville de Colombelles depuis 2017, à travers l'expérimentation Territoire zéro chômeur longue durée (TZCLD). Avant l'instauration de la loi, la municipalité affichait un taux de chômage de 22 %, et de près de 35 % dans le centre-ville. "Le territoire a été martyrisé à la suite de la fermeture, en 1993, de la Société métallurgie de Normandie", explique Marc Pottier, maire de la ville. En 2017, la municipalité accueille le projet TZCLD. "Ce dispositif mis en place par l'Etat vise à créer des Entreprises à but d'emploi (EBE) proposant des activités non concurrentielles et territorialisées, le but étant de ne plus avoir de chômeurs longue durée", poursuit-il. C'est après cela qu'est créée l'association Atipic. "On a été mobilisés au début de l'expérimentation, avec de nombreux demandeurs d'emploi, pour proposer des idées d'activités. Treize personnes ont été embauchées", raconte Gwladys Huard, chargée de communication au sein de l'EBE et bénéficiaire du dispositif. Aujourd'hui, Atipic compte plus de 80 salariés embauchés dans six pôles différents. "Nous avons des collaborateurs qui travaillent dans le service aux citoyens, aux entreprises, maraîchage, recyclage, travaux et commerce", détaille Rodolphe Chognard, directeur d'Atipic.
Un travail de longue haleine
Pour chaque salarié embauché, l'État alloue 17 000 € (lire par ailleurs). Une aide quasiment insuffisante pour le bon fonctionnement de l'expérimentation. "Il y a un delta d'environ 7 000 € par employé pour trouver le bon équilibre d'Atipic", ajoute Marc Pottier. Une somme importante issue d'aides du Département, de fonds de solidarité, mais aussi du chiffre d'affaires de l'entreprise. Aujourd'hui, Atipic ne recrute pourtant pas autant qu'avant. "Il y a eu un véritable engouement et une dynamique au départ qui disait 'on va vous embaucher en CDI'. Ça a créé des déceptions à l'ouverture parce que ce n'était pas possible d'embaucher 150 salariés en une seule fois", pointe du doigt Gwladys Huard. Un avis partagé par le maire. "On ne veut pas créer de faux emplois. Il faut des choses concrètes", explique-t-il. Pour l'heure, une quarantaine de personnes sont inscrites sur la liste de volontaires et attendent un poste. "Atipic, c'est la réalisation d'une utopie", se réjouit l'élu. Aujourd'hui, le chômage est de 15 % à Colombelles, une belle victoire dont se félicite le maire de la commune. Toutefois, des difficultés persistent, comme par exemple l'obtention de locaux adaptés, des financements suffisants… "On a des difficultés, comme toute entreprise", explique le maire.
25 embauches d'ici 2022
"Le 15 novembre 2021, ouvre un pôle réemploi (réparation d'électroménagers). Courant 2022, un restaurant et une épicerie solidaires devraient voir le jour", indique le directeur d'Atipic. L'entreprise projette d'embaucher 25 personnes supplémentaires sur ces deux nouvelles activités. La Ville se fixe désormais deux ans pour embaucher tous les chômeurs longue durée volontaires. Un travail de fourmi qui prend plus de temps que prévu.
Une aide précieuse de l'État depuis 2017
La Ville de Colombelles fait partie des dix territoires du projet Territoire zéro chômeur de longue durée, mis en place par l'État en 2017. Elle compte sur une aide capitale de l'État.
Seule candidate en 2017 dans le Calvados, Colombelles avait été sélectionnée parmi les dix territoires nationaux dans le cadre de l'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Cette année-là, la Ville d'un peu plus de 6 000 habitants comptait 41 % de chômeurs de longue durée. Un chiffre à ne pas exclure de la fermeture de la SMN en 1993, qui embauchait 6 400 salariés. "Cela représente quasiment un chômeur sur deux inscrits à Pôle emploi depuis plus d'un an, explique Christine Lestrade, directrice adjointe à la Direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS). C'est pour cela, avec l'implication du maire, que l'État a choisi de le soutenir." En 2019 par exemple, l'Entreprise à but d'emploi (EBE) Atipic de Colombelles a reçu 360 000 € de subventions de fonctionnement de l'État, puis 212 000 € en 2020.
17 000 € pour un salarié
En plus, "pour un salarié à temps plein, l'entreprise touche 102 % du SMIC de la part de l'État", complète Christine Lestrade. À cela s'ajoutent des aides du Conseil départemental. "Le coût calculé pour un chômeur de longue durée représente 17 000 €", précise Marc Pottier, le maire. Au niveau national, cinquante nouveaux territoires devraient entrer dans ce dispositif Territoire zéro chômeur de longue durée. Treize dossiers ont été déposés, mais aucun dans le département ni dans la région.
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